Après du volley pratiqué à haut niveau et une fac de psycho, Antonin Chartier, entrepreneur dans la peau, décide de lancer Jimmy Fairly : une marque de lunettes branchées qui donnent envie d’aller rendre visite à son opticien. Rencontre avec un self-made man !
Antonin Chartier, tu as fondé Jimmy Fairly, une marque de lunettes de vue et de solaires. Pourtant, tu ne portes pas de lunettes !
Non, c’est vrai ! Je n’ai jamais eu besoin de lunettes de vue. En revanche, j’aime la mode et j’ai toujours vu la lunette comme un produit qui pouvait devenir un accessoire de mode. C’est ce qu’on a fait avec Jimmy Fairly : les lunettes sont devenues un élément de style à part entière.
Les lunettes sont devenues un élément de style à part entière.
Tu te destinais à une carrière dans le sport. Comment en es-tu venu à te lancer dans l’entrepreneuriat ?
A 13 ans, je faisais 1m80. Je pratiquais le volley à très haut niveau. Je pensais encore grandir et finalement ma croissance s’est arrêtée à 1m88, ce qui n’est pas suffisant pour se lancer dans une carrière de volleyeur pro. Donc je me suis retrouvé à 18 ans à me demander quoi faire ! J’ai toujours eu, il me semble, la fibre entrepreneuriale. Quand j’étais petit, pendant les vacances, je découpais de la ciboulette sauvage et je faisais du porte-à-porte pour la vendre. Mais après mon bac, je n’ai pas voulu faire une école de commerce, je voulais être différent. Je suis partie en fac de psycho. J’avais fait de la préparation mentale durant mes entraînements, notre psychologue nous faisait faire des exercices de visualisation. Je trouvais ça super intéressant. Mais quand on m’a demandé de faire un gros mémoire pour valider mon Master 1 de psycho, je me suis dit : « C’est bon j’arrête, on va pas se mentir je vais jamais être psychologue ». Je voulais monter ma boîte, mais je n’avais pas d’idée. J’ai fait des petits boulots en attendant d’avoir la grande idée. Et puis je me suis intéressé à la lunette : à l’époque, c’était l’un des derniers secteurs à ne faire que 0,1% de vente sur Internet. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire.
Quand j’étais petit, pendant les vacances, je découpais de la ciboulette sauvage et je faisais du porte-à-porte pour la vendre.
Quand tu as décidé de te lancer, la lunette n’était pas un produit très sexy ; ou quand il l’était, il coûtait un bras. Quel a été ton positionnement pour Jimmy Fairly ?
Effectivement à l’époque, il y avait soit les discounters comme Générale d’Optique, soit les distributeurs généralistes sans vraiment de charme, soit les indépendants où c’est beau mais c’est 800 balles la paire de lunettes, donc ça n’avait aucun sens. J’ai souhaité adopter un positionnement nouveau : proposer des lunettes sexy à un prix abordable et de bonne qualité. Le luxe ne m’intéressait pas, car je voulais m’adresser à une large clientèle ; et le hard discount non plus car tu es obligé de produire en masse, la qualité n’est pas au rendez-vous et je ne connais aucun discounter qui paie bien ses employés. Donc je voulais tirer le marché vers le haut avec un prix juste à 100€ la paire environ et des salariées bien payés. J’ai participé à un Start-up Weekend à Toulouse qui consiste à bosser pendant 2 jours ton idée avant de la présenter à des investisseurs et j’ai remporté la compétition. C’était fou. A l’époque, je vivais dans ma piaule d’étudiant et je travaillais chez Flunch au Smic !
C’était assez culotté de se lancer sur une vente en ligne de lunettes quand on sait que c’est un produit que les gens aiment essayer !
C’est vrai ! Au début, on n’a développé que la vente en ligne et cela n’a pas marché. On a mis tous nos derniers sous pour ouvrir la première boutique dans le Marais : c’était un peu le chant du cygne vu qu’on perdait 80 000 euros par mois. On avait encore 3 mois devant nous avant de mettre la clef sous la porte et finalement ça a marché ! Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a 12 000 opticiens en France, contre seulement 6000 aux USA alors que notre pays fait la taille du Texas. Donc tu as toujours un opticien dans ta rue : qu’est-ce que tu vas t’embêter à acheter sur internet ? La vente en ligne de lunettes de vue ne prend pas bien en France, et c’est aussi parce qu’on a un système de sécurité sociale qui nécessite d’aller en boutique. On a donc changé notre stratégie en ouvrant des boutiques et en menant des campagnes digitales fortes pour se faire connaître.
Tu revendiques beaucoup le côté self-made-man, si tu avais des conseils à donner à des gens qui voudraient se lancer, qu’est-ce que ce serait ?
De rien lâcher et surtout de faire sauter toutes les barrières psychologiques qui les empêcheraient d’aller au bout de leurs idées. J’ai fait une fac de psycho, je ne savais pas monter un business plan, je n’avais pas de tune, et je m’en suis sorti en élargissant mon réseaux, en apprenant les codes de l’entrepreneuriat . Je souhaite vraiment témoigner sur mon parcours pour dire c’est possible ! Après tu vas en baver, mais c’est possible ! (rires)
Un livre m’a beaucoup inspiré : Esprit zen, esprit neuf de Shunryu Suzuki, un des guides spirituels de Steve Jobs. Il avance l’idée qu’un débutant ose et innove davantage qu’un expert dans son milieu car il n’est pas limité par une connaissance paralysante. C’est un peu une constante dans l’entreprenariat : on peut « cracker » un sujet quand on n’est pas à la base l’expert. J’ai l’impression d’y être parvenu avec Jimmy Fairly.
Antonin, quel avenir pour Jimmy du coup ?
On travaille beaucoup sur l’expérience client et on va essayer de livrer les gens 1 jour après la commande et faire de la télétransmission en moins de 10 jours.
Côté produit, je suis toujours à la recherche de matériaux résistants et esthétique. Aujourd’hui une partie de nos lunettes sont fabriquées en France ! On travaille en ce moment sur une nouvelle vis pour que nos lunettes se dévissent moins. La lunette est un produit passionnant très exigeant car il est porté au quotidien, c’est challengeant d’innover dans ce contexte !