Certaines d’entre vous l’ont probablement déjà vue dans la série Maison Close, elle est de retour dans la mini-série Guépardes, j’ai eu la chance de rencontrer Déborah Grall, beauté brune ténébreuse au sourire contagieux. Nous nous sommes données rendez-vous dans un café du Sentier pour parler coulisses de tournage, projets pour l’avenir et souvenir d’enfance avec son grand-père, l’immense Philippe Noiret…
Je t’ai connue grâce à la série Maison Close. Tu joues maintenant dans la mini-série Guépardes. Raconte-nous comment a démarré ce projet ?
Deborah Grall – C’est une mini-série avec des épisodes de cinq minutes diffusée sur TF1 Séries Films. Cela parle des coulisses de l’industrie du disque à travers le quotidien des employées d’un label féminin dirigé par un patron complètement misogyne. Je joue le rôle de Raphaëlle, l’une des quatre femmes agents qui gèrent les carrières de musiciens excentriques et d’artistes aux égos surdimensionnés. On a commencé le tournage en octobre dernier. C’est une écriture assez particulière parce que c’est « feuilletonnant » : c’est une longue histoire sous forme de 180 épisodes où il faut essayer de tenir en haleine le téléspectateur !
Je ne vais jamais râler parce que j’ai trop de travail !
180 épisodes c’est beaucoup, le rythme de tournage doit être effréné ?
Je ne vais jamais râler parce que j’ai trop de travail ! (rires) Et puis certes le rythme est soutenu mais il est idéal : on tourne pendant trois semaines intensives puis on a trois semaines de break, le temps d’apprendre les textes pour la session suivante.
Tu arrives à avoir d’autres projets à côté de celui-ci ?
J’ai eu le tournage du long-métrage de mon amie Joséphine de Meaux. Cela faisait longtemps qu’elle préparait son film et longtemps qu’elle m’a proposée le rôle. C’est un projet très personnel pour elle, j’étais très traqueuse du coup. On se connait depuis plus de dix ans elle et moi… J’aime son travail et puis elle me fait rire, elle est drôle et elle a un univers complètement fou. Je ne sais pas si je peux en parler d’ailleurs car ils sort en février 2019 !
C’est mon grand-père qui me disait ça : « Les grands comiques sont des grands musiciens », ils ont un phrasé qui sonne juste.
Tu peux peut-être nous dire s’il s’agit d’une comédie ?
C’est une comédie, oui, très poétique ! Joséphine m’a emmenée sur ce terrain alors que ce n’est pas du tout mon truc. Même si mon personnage n’est pas comique, il lui arrive des situations qui le sont. Il est plein de folies alors que je suis très terre à terre… C’est le talent de Joséphine de connaître les codes de la comédie, sa musique qui lui est propre. C’est mon grand-père qui me disait ça : « Les grands comiques sont des grands musiciens », ils ont un phrasé qui sonne juste. Moi je suis désespérée dès que je fais un casting pour un truc comique, je ne suis pas à l’aise ! C’est peut-être pour cela que mon personnage dans Guépardes fait la gueule tout le temps… (rires)
Difficile de ne pas te parler de ton grand père… C’est lui qui t’a donné le goût de la scène ?
J’adore parler de mon grand-père, je suis ravie de ta question ! Je ne sais pas si c’est lui directement. Il est clair que c’est difficile de ne pas aimer ce milieu en ayant eu un grand-père comédien qui tournait dans les plus grands films. Ma grand-mère jouait aussi au théâtre, ma mère était agent artistique, mon père réalisateur et ma tante décoratrice… Il y avait une vraie idéalisation du métier et j’avais cette impression que tout était facile et que tout était beau ! (rires)
Tu as rapidement déchanté ?
Oh oui ! En même temps, on m’avait mise en garde et cela ne m’a pas empêchée de foncer juste après mon Bac. Personne dans ma famille n’était très enthousiaste que je devienne comédienne. Mon grand-père était le seul à être à peu près confiant, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs… Peut-être par inconscience, mais tous les autres étaient inquiets parce qu’ils connaissent la dureté du métier, ils savent que mon grand-père a traversé tout ça parce qu’il est qui il est, qu’il a un charisme… Il est aussi arrivé à une époque où il n’y avait pas beaucoup de comédiens, où il a apporté une touche personnelle et très forte dans le cinéma français. Aujourd’hui, le métier devient de plus en plus dur et la concurrence entre comédiens est féroce. Décrocher un casting est une vraie bataille !
Dans ma famille, personne n’a eu le bac sauf moi !
Il paraît que tu étais la chouchoute de ton grand-père ?
Oui, en même temps ma mère m’a eue à 24 ans ! C’était encore une ado, mes grand-parents, jeunee aussi, m’ont tout de suite adorée. J’ai été entourée de beaucoup d’amour.
Comment décrirais-tu ton grand-père, quel genre d’homme était-il ?
Un homme qui imposait le respect, un homme tellement aimable, tellement gentil et tellement généreux. Il n’était pas du genre à faire des caprices sur un tournage, il disait bonjour à chaque technicien. Il était très doux même s’il m’intimidait du haut de son 1m92 !
Il t’a partagé des petits conseils de scène ?
Non. C’est ma grand-mère qui me parle d’élocution, d’articulation, de mouvement, d’attitude corporelle… Elle lui donnait des conseils à lui aussi. Tu sais « derrière chaque grand homme se cache une femme ». C’est ma grand-mère qui me dirige, encore aujourd’hui ! Elle est très sévère mais juste.
Je pourrai dire sur mon lit de mort que j’ai tourné avec Clint Eastwood, c’est ma petite fierté.
Tu t’es donc lancée juste après ton Bac…
Oui, parce qu’il faut savoir que dans ma famille, personne n’a eu le bac sauf moi ! La condition sine qua non de mes études de théâtre était de l’obtenir. C’était absurde, mais je l’ai eu. Ma famille était ravie, moi je me suis dit « Allez, maintenant ça c’est fait » et j’ai appris le métier pendant trois ans à l’École Eva Saint-Paul.
Quel a été ton premier grand rôle ?
Mercedes Suza-Lobo dans le film Les fautes d’orthographes de Jean-Jacques Zilbermann. Le théâtre n’est venu que bien plus tard.
Tu as fait une apparition dans le dernier film de Clint Eastwood Le 15h17 pour Paris. Tu as aimé tourner avec lui ?
C’est allé tellement vite, j’avais trois phrases à dire tu sais ! (rires) Mais je pourrai dire sur mon lit de mort que j’ai tourné avec Clint Eastwood, c’est ma petite fierté. Le tournage a duré 2 jours dans un Thalys qui faisait sans cesse des allers-retours Amsterdam-Paris. C’était vraiment très confiné, Clint Eastwood tourne très rapidement, il fait très peu de prises, j’ai été très surprise ! Je n’ai même pas été briefée avant la scène. On m’a dit « Action », j’ai fait ce que je pensais être bon de faire, après on s’est serré la main il m’a dit « C’est super » et puis voilà. C’était très bizarre, mais il est comme ça, il ne donne pas d’indications, il te laisse une liberté totale. C’est ce que disent tous les acteurs qui tournent avec lui.
Tu as une petite fille de 4 ans, elle comprend le métier de maman ?
Elle commence à comprendre doucement même si ce n’est pas évident quand elle me voit à la télé ou sur mon ordinateur. Je l’ai emmenée une fois sur un tournage et je lui ai fait écouter les répétitions : elle ne comprenait pas pourquoi on répétait constamment la même scène ! (rires)
Tu as envie de développer cette fibre artistique chez elle ?
Je l’emmènerai certainement sur des tournages comme je le fais déjà et peut-être qu’elle viendra me voir jouer sur scène. Le théâtre est super épanouissant pour les enfants, ça les aide à se développer, à s’affirmer. Mais je ne vais pas la pousser absolument à tout connaître du métier.
Quels sont tes projets dans les prochains jours ?
J’ai un projet de théâtre au Ciné 13 pour un festival de Benjamin Bellecourt et Salomé Lelouch qui s’appelle Le festival des mises en capsule et qui se déroule du 21 mai au 9 juin. C’est un festival qui permet à des jeunes auteurs de proposer des créations de 30 minutes. C’est comme un festival de court-métrages mais pour le théâtre ! Je vais jouer avec Jeanne Arènes et c’est Barbara Lamballais qui met en scène : il s’agit d’une pièce sur le procès de Bobigny qui a permis la loi Simone Veil. Sujet super intéressant…
Sujet féministe engagé. C’est voulu ?
Depuis Maison Close, je suis assez féministe, mais ce n’est pas spécialement prémédité. Je suis beaucoup entourée de femmes, c’est assez jubilatoire de s’imposer dans ce milieu.
Tu as des désirs d’écriture?
Tout le monde me pousse à écrire. J’envie beaucoup mes copines qui ont déjà commencé à écrire et réaliser mais je n’ai pas encore la pulsion créatrice. Je suis plutôt du genre à attendre qu’on me prenne par la main ! (rires) Mais en ce moment je travaille sur une adaptation d’une pièce anglaise, j’y amène à ma vision. C’est un beau projet pour l’après-Guépardes.
Photos Lisa Lesourd