Entre Nos Lèvres, déjà, le podcast qui parle de sexualité (et pas que) de façon hyper-décomplexée et qui lève pas mal de tabous. On a rencontré Céline et Margaux, les deux créatrices de cette initiative à la fois libératrice et nécessaire pour en discuter avec elles, et plus on en sait, plus on est fan. Elles viennent de sortir un livre édité chez Robert Lafon !
Comment est né le Podcast Entre nos lèvres ?
L’idée du podcast nous est venue lors d’une soirée pyjama entre copines !
Alors qu’on était super proches, on n’avait jamais vraiment parlé de sexe « pour de vrai » – c’est-à-dire qu’on en parlait souvent pour se raconter des histoires drôles ou foireuses, énumérer toutes les choses qu’on faisait, qu’on aimait ou qu’on n’aimait pas, pour se confier nos histoires d’amour incroyables (croyait-on) ou nos aventures plus éphémères, mais toujours sans trop creuser.
Et même si on pouvait penser qu’on en parlait sincèrement parce qu’on en discutait parfois de façon assez crue et, selon nous, plutôt libérée, on s’est rendu compte ce soir-là qu’on n’osait jamais parler de nos sexualités quand ça nous rendait vulnérable. Quand ça n’allait pas. Quand on se posait des questions. Quand on avait honte.
Ce n’est qu’au bout de quelques verres de vin (et parce qu’on a passé la soirée à refaire le monde jusqu’à 3 heures du matin et que le mood s’y prêtait manifestement plus que d’habitude), qu’on en a parlé pour la première fois. Pour de vrai. C’est difficile, dans la société dans laquelle on vit, de confier qu’on n’a jamais eu d’orgasmes. De poser des mots sur une agression sexuelle. Ou tout simplement d’admettre qu’on n’aime pas faire l’amour. Alors ça nous a fait un bien fou.
Sans trop le savoir, on venait de créer une sorte de « safe place » : un cercle de parole bienveillant, sans honte ni retenue, et surtout, sans peur du jugement. Et à la fin de la soirée, on s’est dit qu’il aurait fallu que toute notre conversation soit enregistrée. Que si elle nous avait fait tant de bien à nous, elle aurait probablement fait du bien à beaucoup d’autres personnes.
Alors quelques semaines plus tard, on achetait notre premier micro.
Lever les tabous, ça à quoi comme avantages ?
Tellement ! On pourrait vous faire toute une liste – tant il y a des millions de conséquences (collectives ou individuelles) au fait de lever le voile sur des choses dont on ne parle pas – mais finalement ça se résume assez vite : ça change le monde. Ça libère les gens de fausses croyances et de toute la pression que nos sociétés nous imposent. Ça permet de mettre des mots sur des mal-être qu’on n’avait pas forcément identifiés. Ça permet de réfléchir. De remettre en question. De créer des nouveaux systèmes de pensées. D’abolir les idées reçues et les faux-semblants. De faire vivre des espaces de dialogue. De s’écouter. Bref, ça rend le monde plus bienveillant.
Comment se passe une session d’enregistrement de Entre Nos Lèvres ?
C’est toujours la même chose ! Notre invité·e nous retrouve à la maison (on enregistre tout le temps chez nous), on passe d’abord plusieurs heures autour d’un bon repas et d’un bon verre de vin pour passer un chouette moment, se découvrir et papoter, et ensuite seulement on enregistre !
C’est super important pour nous – mais aussi pour la personne que nous rencontrons – de passer ce moment privilégié ensemble. Le but c’est de vivre une belle soirée entre ami·e·s et de réussir à créer le même climat de confiance lors des enregistrements Entre Nos Lèvres que lors de notre fameuse soirée pyjama. C’est vraiment la clé de notre podcast, et on est super contentes que ça se ressente à l’écoute.
Dans Entre Nos Lèvres, vous recevez des personnes de tous les genres, cisgenres ou pas, hétéros ou pas, jeunes ou pas, en quoi c’est important pour vous ?
Tout simplement parce que c’est véritablement capital de montrer toute la diversité qui existe parmi nous. On est toutes et tous tellement différent·e·s mais toutes et tous si important·e·s, légitimes et dignes de se voir représenter. Aujourd’hui, il existe une norme. Pour prendre l’exemples des femmes, le modèle le plus véhiculé – et donc le modèle qui crée la norme – est celui d’une femme blanche, cisgenre, jeune et mince. Toutes les autres ne sont pas représentées. Et c’est ce qui, souvent dès l’enfance, génère de profonds complexes, parfois de véritables mal-être et qui rend malade notre société.
Je me permet de reprendre la première question du livre : “Alors, est-ce que ça vous plaît d’être des femmes ?”
Ça dépend des jours. Et on ne ressent pas forcément toutes les deux la même chose !
Margaux : Pour moi, ça n’a jamais été une limite. On pouvait tout faire. Mais j’ai compris, en grandissant, que l’inconvénient – puisque s’offrait à nous tout le champ des possibles –, c’était qu’on devait exceller partout. Il fallait être intelligente, belle, douée dans notre travail et une bonne mère pour nos enfants. Être bonne au pieu et super chouette avec nos ami·e·s, toujours disponible et en même temps toujours débordée par notre carrière. Mais comment on fait pour gérer toutes ces contradictions ? Comment on fait pour être bonne partout ? C’est pas possible. Et pourtant, on vit avec cette pression.
Céline : Moi j’en suis fière aujourd’hui, mais au contraire, je me suis longtemps dit qu’il y avait énormément de limites ! Déjà toute petite, je remarquais que la vie serait vachement plus facile si j’étais un garçon. J’ai une personnalité très extravertie. Je prends de la place. Je parle fort. Je ris fort. On me voit beaucoup. Et on me disait tout le temps : « Sois discrète. Sois polie. Ris moins fort. Tiens-toi droite. » Et on me rabâchait que c’était pour mon bien, pour m’éviter des ennuis. Alors j’ai longtemps intériorisé que ma personnalité ne convenait pas à mon genre, finalement.
D’où est venue l’idée de coucher tous ces témoignages sur papier ?
Elle est venue tout de suite finalement ! Au tout tout tout début, on imaginait déjà que ça deviendrait un livre un jour – parce qu’on adore les livres et que c’était aussi notre rêve. On avait déjà en tête la façon dont il serait construit, comme une seule et grande histoire où tous les récits qui nous ont été confiés se croiseraient et se répondraient. Finalement, c’est comme un roman, avec plein de personnages. Et puis le livre permet aussi de toucher beaucoup plus de monde (et pas seulement celles et ceux au fait du streaming sur Spotify) et de donner la parole à des personnes qui n’osaient pas venir à notre micro, comme les personnes âgées par exemple. Ça en fait un recueil très différent du podcast. Peut-être plus accessible et plus inclusif encore !
Est-ce qu’il y a des sujets que vous teniez particulièrement à aborder dans cet ouvrage ?
Tous les sujets qui ont été abordés dans le livre sont présents dans le podcast Entre Nos Lèvres, puisque c’est une réécriture de nos deux premières saisons. On y parle des questions de genre, d’éducation, d’éveil, de plaisir (ou non, parfois), du corps et du corps qui change, d’amour (surtout), et au fil des épisodes on aborde des sujets comme la pression de l’orgasme, le culte de la pénétration, la virginité, l’asexualité, le coming out, les relation libres, le polyamour, la maternité, les transidentités, le VIH, l’avortement, etc.
On parle parfois aussi de choses plus douloureuses, comme des agressions sexuelles, des viols, des violences conjugales, gynécologiques, des interruptions médicales de grossesse, et de toutes les expériences traumatiques autour desquelles il est aussi très important de libérer la parole. Toutefois, et parce que c’était très important pour nous que le livre ait une réelle valeur ajoutée, il y a dedans des épisodes inédits – qui justement abordent des sujets qui ne l’ont pas été dans le podcast.
Et si on devait en retenir une seule chose ?
Que même si vous pensez ne pas en avoir besoin, vous réaliserez après votre lecture que ça vous a fait énormément de bien. Et que vous aurez appris plein de choses.
Un podcast, un livre… c’est quoi la suite ?
Incarner Entre nos lèvres dans la vraie vie. Créer des moments, des cercles de parole, des immersions. Exister plus loin que dans des écouteurs. Tous les jours, on reçoit des dizaines de mails de personnes qui souhaitent participer au podcast, qui ont besoin d’échanger, de trouver une oreille attentive, et parfois de l’aide. Ces mêmes personnes suivent parfois déjà une thérapie, mais Entre Nos Lèvres c’est différent.
C’est la force du groupe. C’est la force des échanges. De pouvoir se nourrir des histoires des un·e·s et des autres. Alors la prochaine étape, puisqu’on ne peut produire que deux épisodes par mois, c’est d’offrir à celles et ceux qui en ont besoin, la même bienveillance, la même attention et le même soutien que lors d’un enregistrement Entre Nos Lèvres. On réfléchit déjà à l’organisation de ces événements intimes, et on a vraiment hâte de les créer.
Vous pouvez nous retrouver sur notre site internet www.entrenoslevres.fr et sur notre newsletter !
Crédits photo : Solenne Jakovsky pour Le Prescripteur