Née il y a à peine deux ans, Fabric Hunted & Collected est la toute jeune marque de prêt-à-porter éthique et artisanal à suivre ! Réalisées à partir de tissus naturelles fabriqués par des artisans au Népal et en Inde aux savoir-faire ancestraux, les collections proposent des coupes minimales pour un confort et une liberté de mouvement, tout en élégance. Derrière ce beau projet éthique : Gabrielle Lefèvre, formée a studio Chanel pendant 6 ans. Ce projet, c’est l’aventure de sa vie, une prise de conscience pour une mode plus saine. Rencontre…
A quand remonte ta passion pour le textile ?
Depuis que je suis enfant, c’est ma grand-mère qui m’a tout transmis. J’allais acheter du tissu avec elle pour ses propres vêtements, elle se faisait ses tailleurs Chanel ! Elle était vraiment très élégante … Et puis elle a arrêté il y a un an, à 88 ans tout de même ! Elle m’a appris à broder, à tricoter, etc. Elle a un sens des matières…
A la base tu as suivi des études de journalisme. Quand as-tu basculé vers la mode ?
Je me suis très vite ennuyée dans le milieu du journalisme. J’ai intégré l’IFM (ndlr : Institut Français de la Mode) et j’ai eu la meilleure note en book textile. A la fin de mon master, le studio Chanel m’a appelée pour me dire « On veut absolument vous rencontrer ». Je pensais que c’était une erreur et qu’ils s’étaient trompés ! Mais ils ont confirmé mon nom et m’ont dit qu’ils souhaitaient me rencontrer avec mon book textile. J’ai rencontré Kim Yong, la directrice artistique du tissu, qui m’a dit à la fin de l’entretien que je pouvais inviter ma grand-mère au défilé de septembre. C’est à ce moment-là que j’ai compris que j’étais embauchée.
Comment décrirais-tu ces années Chanel ?
Cela a été une belle histoire d’amour, j’ai adoré. Mais à la fin, le rythme de 6 collections par an et 14h de travail par jour n’était plus tenable pour moi. J’en pouvais plus ! (rires) Je suis partie le cœur brisé mais c’était vital. Je sentais que mon âme n’était plus en phase avec ce que je faisais. J’ai pris une année sabbatique, je suis arrivée en Inde, j’y suis allée un peu sans but pour faire du yoga. Et là j’ai découvert l’artisanat local et les savoirs ancestraux . J’ai réalisé que beaucoup d’artisanats étaient en train de disparaître ! C’est là-bas que j’ai commencé à faire quelques combinaisons dans des tissus locaux avec un partenaire sur Dehli. Une copine m’en a pris pour une boutique à Goa et ça a démarré comme ça.
Comment as-tu rempli ton premier carnet de commande ?
Je n’avais pas l’intention de lancer une marque, c’était un projet que je faisais pour moi et ma copine de Goa ! J’avais aussi envoyé trois combinaisons à ma copine Constance qui bossait dans la mode à NY. C’était idéal pour aller bosser, les teintures naturelles, le tissé main, un tissu qui respire et ultra confort tout en restant élégante… Elle l’a portée à un déjeuner mode et un acheteur de Barney’s a demandé à me rencontrer. Je suis arrivée à New York et repartie avec une commande de 300 pièces. C’était en 2016 ! C’est à ce moment-là que j’ai décidé de créer Fabric Hunted & Collected.
Je souhaite que mes vêtements aient une dimension sociale, qu’ils soient réalisés à partir d’étoffes raffinées tissées main, élaborées directement dans des ateliers locaux. La valeur de l’artisanat est essentielle à mes yeux.
Tu sources tes tissus un peu partout dans le monde en renouant avec des savoir-faire ancestraux. Parle-nous de tes voyages…
J’ai énormément voyagé pour découvrir de nouvelles techniques de tissage et de teinture et rencontrer des artisans. Aujourd’hui, je peux moins bouger car je dois structurer mon entreprise, mais c’est lors de mes voyages que je vibre vraiment. Je travaille essentiellement avec des artisans au Népal et en Inde. Par exemple, je fais faire mes mailles dans la vallée de Katmandou, le tie and dyes est réalisé par une ONG de femmes en plein désert, juste à côté d’un sanctuaire, un lieu magique et magnifique. Je souhaite que mes vêtements aient une dimension sociale, qu’ils soient réalisés à partir d’étoffes raffinées tissées main, élaborées directement dans des ateliers locaux. La valeur de l’artisanat est essentielle à mes yeux.
Comment construis-tu tes moodboards de collection ?
Ceux que tu vois ont déjà bien voyagés car ils sont allées en Inde ! Je pars d’abord du tissu, puis je recherche des photos dans la même intention et le moodboard se construit naturellement, de trouvailles en trouvailles. Je bosse simultanément mes gammes de couleurs. Evidemment, entre ce que j’imagine et ce qui est réalisable avec les artisans, il y a toujours quelques ajustements ! (rires)
Comment travailles-tu avec tous ces artisans ?
Ce n’est pas toujours évident ! (rires) Je vais à la rencontre de chacun. Il m’arrive aujourd’hui de passer par des intermédiaires qui regardent mes moodboards et mes dessins. Ils me présentent ensuite ce que leur artisans peuvent faire et le travail est réparti chez les tisseurs qui tissent de chez eux ! J’essaie de plus en plus de les faire sortir de leur zone de confort en proposant de nouvelles couleurs, de nouveaux motifs, mais c’est un vrai challenge ! Par exemple pour mes écharpes, je travaille avec une coopérative dans les montagnes du Népal. La route est fermée entre juillet et mai à cause de la neige ! Ils adorent travailler le rouge et le rose, les couleurs vivent en général, et ils étaient tellement tristes quand je l du noir et du blanc !
Tu es vendu où aujourd’hui ?
Online évidemment. En Europe, au Japon, en Inde, beaucoup à Los Angeles et en Californie.
Toi qui vient de la fast fashion avec 6 collections par an, comment imagines-tu le rythme de tes collections ?
Au début je m’étais lancée dans une collection été et une collection hiver mais je me rends bien compte que cela ne colle pas à l’ADN de ma marque. Je pense me recentrer sur une collection été, sortir des capsules en automne/hiver et pourquoi pas diversifié avec une ligne de linge de maison !
Tu travailles beaucoup l’ikath…
C’est un motif qui bouge, qui vibre, c’est ça que j’aime.
Aujourd’hui, tu es hébergée dans une pépinière. Qu’est-ce qui a changé pour toi ?
J’ai de l’espace ! (rires) Avant je bossais de chez moi, maintenant j’ai un véritable atelier et je bénéficie d’un accompagnement, de formations qui sont hyper intéressantes. J’ai eu par exemple un énorme problème de modélisme, je n’arrivais plus à communiquer avec mon contact en Inde. On m’a présentée Véronique Dufour qui m’a sauvée en regardant tous les patrons et m’expliquant comment fonctionner de façon plus fluide avec l’usine.
Tu as quitté Chanel car le rythme était effréné, mais celui d’aujourd’hui n’a pas l’air plus léger !
Non c’est vrai ! Mais la différence, c’est que je suis ma propre patronne. (rires) et puis je choisis les gens avec qui je travaille.
Je trouve dommage que le système pousse à cette folie de l’immédiateté, du vendre au moins cher… Mes tissages prennent du temps, une collection ne peut pas être produite plus vite que la musique ! Je m’efforce de faire passer ce message auprès de mes distributeurs et mes clients.
Tu parlais d’un décalage dans tes valeurs du temps où tu bossais dans la Fashion… Le ressens-tu toujours aujourd’hui ?
Je me bats à l’intérieur de moi pour ne pas m’écarter de ce nouvel équilibre que j’ai trouvé. Je trouve dommage que le système pousse à cette folie de l’immédiateté, du vendre au moins cher… Mes tissages prennent du temps, une collection ne peut pas être produite plus vite que la musique ! Je m’efforce de faire passer ce message auprès de mes distributeurs et mes clients. Quand on travaille avec des artisans, hommes et femmes, on ne peut pas demander n’importe quoi et surtout être irréaliste en termes de deadlines. Le savoir-faire est précieux et prend du temps.
Quel genre de femme porte ta marque?
Elle n’a pas d’âge. Elle peut aussi bien avoir 25 ans que 60 ! Ce sont des personnes qui recherchent le confort dans leur mouvement, l’agilité, la liberté. Ce sont des femmes élégantes mais je ne pense pas vraiment répondre à une communauté ultra mode : je pense que Fabric Hunted & Collected correspond surtout à un certain mode de vie.
Décris-nous ce mode de vie…
Celui auquel j’aspire ! Je travaille ma zenitude, je pratique le yoga, je fais attention à mes déchets, à ce que je mange, je ne porte que des cosmétiques naturels. J’ai vécu un temps en Nouvelle-Zélande où on récupérait l’eau de pluie, on avait des panneaux solaires, on faisait du troc avec les voisins… A Paris, c’est plus compliqué, j efais avec les moyens du bords ! (rires) Je ne me surchauffe pas, je fais attention à mon électricité… Et je ne veux pas être extrémiste non plus. Je l’ai été, j’ai essayé d’être végétarienne, et ça ne me convient pas ! Du coup j’ai simplement diminuer ma consommation de viande. Quand je vais à la campagne, je ramasse des orties pour me faire un bouillon, des capucines aussi, d’ailleurs j’en fais pousser chez moi, c’est délicieux dans les salades, ça j’adore. J’ai eu la chance de partager ma vie avec un chef, donc je connais pas mal de petites astuces de ce genre !
Ta boîte n’en est qu’à ses débuts. De quoi rêves-tu pour elle ?
D’une ligne homme et enfant. De pop-up avec plusieurs marques en développement durable et ce, à travers le monde ! J’ai envie d’être actrice de mon temps et de ma vie. Je suis prête à porter le projet d’une mode de prêt-à-porter qui soit éthique, responsable et qui réponde à nos besoins. Je pense que c’est par la communauté qu’on fera bouger les choses.