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Laeticia Mendes, sans seins à dessein !

Elle, c’est Laeticia Mendes, une battante comme on en rencontre peu. A 26 ans et en pleine santé, elle décide de contrer la malédiction qui la condamne à développer un cancer du sein, tout comme son arrière grand-mère, sa grand-mère et sa mère, emportées par la maladie. Porteuse du gène BRCA2, Laeticia sait qu’elle a 9 chances sur 10 de tomber malade et décide de changer son destin en subissant la première ablation préventive des deux seins en France. Rencontre émouvante avec une femme qui en a.

Pour parler de ton parcours, il est difficile de ne pas commencer par cette malédiction qui a touché les femmes de ta famille : ton arrière-grand-mère, ta grand-mère, puis ta maman ont succombé à leur cancer du sein. A quel moment as-tu décidé de changer ton destin ?

Mon histoire est effectivement liée à ce lourd patrimoine familial. Les femmes de ma famille se sont transmises le gène BRCA2  responsable du cancer du sein, même si je préfère dire qu’on s’est avant tout transmis beaucoup d’amour ! Le cancer a toujours fait partie des murs de la maisons et j’ai toujours eu en face de moi de vraies héroïnes qui se sont battues pour la vie. J’ai su que j’étais concernée par cette hérédité quand ma mère a déclenché son première cancer à 42 ans, j’en avais 24. Ma mère m’a dit que son cancer ne pouvait pas être une simple coïncidence étant donnée ce qui était arrivé à sa mère et à sa grand-mère. Elle gardait secrètement l’espoir de passer entre les mailles du filet mais la réalité l’a rattrapée. A ce moment-là elle m’a regardée droit dans les yeux et elle m’a dit « Je t’ai donné cela dans ton bagage génétique, le cancer va se déclencher tôt ou tard mais ton histoire va s’écrire autrement. On va faire en sorte qu’il ne se déclare jamais. » Sans le savoir, elle allait changer ma destinée en sauvant ma vie, sachant qu’elle ne pourrait probablement pas sauver la sienne.

Il n’y a jamais eu aucun tabou autour du cancer avec ta maman ?

Non, jamais. C’était important qu’il n’y ai pas de secret. Elle nous a toujours prévenues, moi et ma petite sœur, quand ça n’allait pas bien. On a avancé main dans la main jusqu’à ce qu’elle succombe de la maladie à 47 ans. J’ai décidé très vite de me faire opérer préventivement des deux seins pour contrer la fatalité : après les tests génétiques, j’ai appris que j’étais porteuse du gène et que j’avais 9 chances sur 10 de développer le cancer.

Tu avais 26 ans à l’époque et tu étais en pleine santé. Comment les médecins ont-ils accueilli ta demande d’ablation totale ?

Ils m’ont regardée, ahuris ! Ils ne voyaient pas l’urgence. On me reprochait de vouloir recevoir une mutilation alors que je n’étais pas malade… Mais alors quoi ? Je devais attendre d’être cueillie par la maladie pour réagir peut-être trop tard ?? J’avais envie de choisir mon combat : je venais de perdre ma maman, j’étais tombée enceinte, il était hors de question de prendre le risque de faire vivre cet enfer à ma fille. Je n’avais déjà pas réussi à l’allaiter tellement le sentiment d’avoir les seins empoisonnés était ancré en moi. Je n’arrivais pas à la regarder dans les yeux sans penser que j’allais peut-être l’abandonner à ses 20 ans. Ma décision était prise, alors je l’ai fait. Et je n’ai jamais eu de regret.

On ne m’a rien enlevé, au contraire, j’ai gagné du temps sur la vie.

Tu as gardé longtemps le secret de ton intervention jusqu’à ce qu’Angelina Jolie prenne la parole sur le sujet et parle de son ablation préventive de la poitrine. Cela a été libérateur pour toi ?

Complètement. Sa parole a libéré la mienne. Elle a eu le courage d’avouer ce geste lourd et irréversible, elle qui était une sex symbol ! Je me suis pleinement reconnue dans sa démarche. On m’a beaucoup comparée à Angelina Jolie d’ailleurs car je suis la première femme en France à avoir réalisé cette opération de façon préventive. Et mon message était le même que le sien : on ne m’a rien enlevé, au contraire, j’ai gagné du temps sur la vie.

Tu as sorti un livre sur ton combat en 2014. L’idée pour toi était aussi de convaincre ta petite sœur de subir la même opération…

Oui, c’était mon ultime combat ! (rires) Elle et moi avons 18 mois d’écart et pourtant nous n’avons pas vécu le cancer de maman de la même manière. On ne prend pas les coups de la même façon. La décision de l’ablation n’était pas du tout une évidence pour elle alors que pour moi, la question ne s’est même pas posée à l’annonce des résultats génétiques. Plus le temps avançait et plus j’avais peur pour elle ! Ce livre, c’était un appel pour qu’elle change son destin. Et elle a fini par le faire quelques années plus tard !

 

J’ai eu tellement de mal à me regarder dans le miroir et à me trouver de nouveau belle après l’opération que j’ai eu envie d’offrir un espace de bienveillance et d’écoute pour toutes les personnes qui vivent une fracture dans leur vie.

Parler de ton opération t’a forcément exposée alors que tu avais mis du temps à te reconstruire. Comment as-tu vécu la promotion de ton livre et les regards portés sur toi ?

Evidemment, la promotion a fait qu’on a beaucoup regardé ma poitrine ! (rires) Mais j’avais envie de dire au monde entier que je n’avais plus honte de mon geste.  J’ai été capable d’assumer cette exposition car j’avais fait un gros travail sur moi-même, même si je n’arrive toujours pas à me mettre en décolleté aujourd’hui.

Ta reconstruction est aussi passée par une reconversion professionnelle. Raconte-nous la création de ton agence Charism…

A l’époque j’étais chargée de communication. Pour me reconstruire, j’ai voulu donner sens à mon travail. J’ai donc lancé Charism, une agence de conseil en image et communication, pour redonner confiance à toutes les personnes qui se sentent complexées, diminuées, différentes…  Je les aide à retrouver confiance par un travail de coaching sur leur look, leur attitude et leur façon d’être. J’ai eu tellement de mal à me regarder dans le miroir et à me trouver de nouveau belle après l’opération que j’ai eu envie d’offrir un espace de bienveillance et d’écoute pour toutes les personnes qui vivent une fracture dans leur vie.

Quel est ton principal conseil ?

De ne jamais se dévaloriser.

Laeticia a pris la pose avec notre joli it-bag de l’été ! Retrouvez-la dans sa suite @sandraandcoparis à Cannes, on lui a laissé quelques coffrets Prescription Lab pour prendre soin de vous  <3

 

Tu es en ce moment à Cannes pour promouvoir ton association GenetiCancer. Raconte-nous cette folle aventure !

C’était un rêve de gamine d’aller à Cannes ! (rires) J’ai toujours été attirée par le côté strass et paillettes du cinéma. J’y habille, coiffe et maquille Sandra Sisley qui porte le projet associatif que j’ai fondé il y a 2 ans. Geneticancer est une association dédiée aux familles touchées par les cancers héréditaires et génétiques. Mon rôle est de faire de la prévention pour les accompagner et répondre à leur question sur la chirurgie, etc. Sandra a été très touchée par mon histoire, elle est maman, très attachée à sa tribu et elle a compris ma démarche pour les générations futures. Elle nous accueille dans sa suite toute la durée du festival !

Mon discours n’est pas de déprimer les personnes concernées par les cancers héréditaires et génétiques mais plutôt de leur montrer qu’on peut faire disparaître cette épée de Damoclès !

Etonnant de parler d’un sujet difficile comme le cancer pendant le festival de Cannes, non ?

Justement, c’est un sujet de santé publique qui a complètement sa place dans ce genre d’événement, sans que ce soit plombant ! Mon discours n’est pas de déprimer les personnes concernées par les cancers héréditaires et génétiques mais plutôt de leur montrer qu’on peut faire disparaître cette épée de Damoclès ! Nous sommes tous concernés, même les stars de la croisette. C’est pourquoi on a brodé des petits blousons violets « Mr et Mme Sans gène » pour réaliser, avec humour et style, un travail de prévention dans la bonne humeur !

On sent que ta force vient beaucoup de ta fille pour qui tu as toujours voulu être présente. Sais-tu si elle est aussi porteuse du gène… ?

C’est le sujet sensible qui m’émeut toujours… J’espère que sur ce coup-là elle tient de son père ! (rires) On attend ses 18 ans pour faire le test. J’espère juste que je pourrai être avec elle si elle doit prendre la décision d’une opération. Ma maman n’était pas là à mon réveil du bloc opératoire, j’ai envie d’être là pour ma fille. Et puis on sait toutes les deux que ce n’est pas une fin en soi, c’est un commencement.

Pour aller plus loin…

Suivez Laeticia : @laeticia_mendes

Parce que vous êtes peut-être concernée ou que vous connaissez un proche qui peut l’être : http://geneticancer.org/

 

 

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