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L’art contemporain dans l’oeil d’Alex

Dans la cohue de la FIAC qui vient de s’achever ce dimanche, nous avons rencontré Alex, co-fondateur de la galerie d’art contemporain Mor Charpentier. Comment un ancien de L’Oréal a su se reconvertir dans ce milieu si difficile d’accès ? Réponse d’un passionné.

Tu ne viens pas du milieu de l’art contemporain mais de celui de la beauté. Comment s’est déroulée cette reconversion professionnelle ?

Effectivement je ne viens pas du tout du milieu de l’art, je ne l’ai pas étudié. Je viens surtout d’une famille de collectionneurs. L’art a donc été toujours très présent dans mon quotidien et m’a toujours intéressé. Mais c’est très différent d’être un passionné d’art et d’y travailler. C’est finalement la rencontre de mon associé qui m’a permis de passer le cap. Philippe était lui aussi un passionné d’art contemporain. Il venait du milieu de la finance et avait des envies entrepreneuriales. Moi je venais du marketing international que j’avais exercé chez L’Oréal puis Coty Lancaster, après avoir fait des études de sciences politiques et de mode à l’IFM. J’ai beaucoup changé d’orientations, c’est ma spécialité de changer de vie, mais je sens qu’aujourd’hui j’ai trouvé le bon chemin. Que nous avons trouvé le bon chemin.

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Cela n’a pas été compliqué pour vous de vous faire une place dans le monde de l’art contemporain ?

Je pense qu’on s’est lancé de façon assez naïve avec mon associé Philippe. On atteignait tous les deux la trentaine, on avait envie de changement et notre passion commune pour l’art contemporain a tout enclenché. On a découvert que c’était un univers très codé où tout le monde ne pouvait pas rentrer si facilement. Il faut s’y faire sa place, trouver un facteur de différenciation pour émerger sur un marché de plus de 1200 galerie d’art en France. Je suis personnellement d’origine colombienne et la scène latino-américaine était celle que je connaissais le mieux. Mon associé s’y était déjà intéressé en achetant des œuvres de là-bas. On a donc concentré notre sélection sur ces artistes sous-représentés en France. Cela nous a permis de démarrer très fort avec un artiste extrêmement confirmé, le colombien Oscar Muñoz, dont c’était la première exposition en solo en France. Sa deuxième exposition s’est ensuite déroulée au Jeu de Paume !

Qu’est-ce que tu préfères dans l’art contemporain ?

A termes, je ne souhaite pas essentiellement me concentrer sur les artistes latino-américain car pour moi, le vrai critère, c’est trouver des artistes qui ont une continuité dans leur travail et qui dialoguent les uns avec les autres. Je travaille davantage avec des artistes qui ont des engagements politiques et sociales prononcés, c’est ce que je préfère. Après, de là à expliquer d’où cela me vient, je dirais de mon éducation, de notre éducation, car Philippe et moi avons fait des études de sciences politiques. Nous recherchons des artistes, témoins de leur époque, qui proposent des œuvres avec un regard politique et social sur le monde, qui montrent une relation entre leur histoire et l’Histoire.

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Tu viens de terminer la FIAC. Tu t’apprêtes à ré-enchaîner sur Paris Photo. C’est important pour la galerie d’être visible à ces grands rendez-vous artistiques ?

Oui, énormément. Nous faisons beaucoup de foires, environ 10 par an. Elles sont devenues des rendez-vous incontournables pour les amoureux de l’art. De moins en moins de gens se présentent en galerie et beaucoup viennent au foires où tous les acteurs sont présents. C’est un bon moyen de vendre et un excellent moteur car les acteurs des musées viennent y trouver des pièces pour des expositions. Si on parvient à les toucher avec une oeuvre, cela peut permettre de sauter toutes les étapes d’un coup et faire connaître l’artiste et la galerie très rapidement. Cela fait 3 ans que l’on est présent à la FIAC, c’est très compliqué d’y avoir un espace quand on est une petite galerie car il y a trois fois plus de candidatures que de place, rien n’est dû : chaque année il faut re-proposer un projet. Mais c’est très excitant.

Quel est ta programmation pour Paris Photo ?

J’exposerai les mêmes artistes que ceux présentés lors de notre exposition à la galerie il y a deux semaines et ceux exposés à la FIAC. On a voulu mettre en lumière des projets qui se suivent pour montrer 3 facettes différentes du travail de nos artistes Rosangela Renno, Teresa Margolles, Carlos Motta, Fredi Casco et Liliana Porter. C’est donc une histoire racontée en trois chapitres, qu’on peut lire en entier ou simplement par petit bout. Le stand de la FIAC par exemple était articulé autour du thème de la frontière, entendue comme une notion spatiale, politique, sociale, matérielle et sexuelle.

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La notion spatiale était caractérisée par cette oeuvre de Liliana Porter, Forced Labor, placée au sol, qui présentait une toute petite figurine d’une jeune femme appelée à balayer une immense traînée de sable. Cette oeuvre confronte un petit personnage à une situation qu’il va avoir beaucoup de mal à affronter. C’est quelque chose que beaucoup de gens vivent au quotidien et une façon poétique de rendre hommage à ces personnes prises de vertige face à l’ampleur d’une tâche.

Qu’est-ce que tu aimerais dire aux personnes qui sont très sceptiques par rapport à cet art très incompris ?

En fait il n’y a pas de définition de l’art contemporain. Si on souhaite être formel, l’art contemporain est celui qui est créé à partir de la fin de la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, il a complètement muté. Il n’est plus matériel. Il y a beaucoup d’artistes qui travaillent sur les performances, la lumière, un geste… Ce qui peut devenir rapidement très controversé. Mais je pense qu’il faut faire confiance, et se laisser toucher. Moi par exemple je ne peux pas décider que cette chaise sur laquelle je suis assis est une oeuvre d’art contemporain, alors que si l’un de mes artistes l’affirme, alors je le crois. C’est à eux de laisser la liberté de dire ce qui est de l’art et ce qui ne l’est pas. Je n’ai aucune frustration à ne pas être artiste, et je pense que c’est cela qui me fait accueillir leur discours avec autant de facilité.

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Une oeuvre en particulier t’a marqué plus qu’une autre dans ton enfance ?

Cette question est très facile pour moi. Quand j’avais 12 ans, j’ai visité le musée d’art contemporain de Bogotá où une série de Oscar Muñoz était exposée, intitulée les rideaux de douche. C’est une pièce qui m’a hanté toute ma vie. Il s’agissait de rideaux de douche, installés dans un espace vide, avec des silhouettes sérigraphiées dessus, donnant l’impression qu’il y avait des personnes derrière. Je me suis dit que si un jour j’achetais une oeuvre d’art, il faudrait que ce soit de cet artiste. Et finalement c’est avec lui que nous avons, des années plus tard, inauguré la galerie !

Retrouvez les artistes présentés par la galerie Mor Charpentier à l’exposition Paris Photo du 10 au 13 novembre 2016 au Grand Palais ou directement à la galerie au 61 Rue de Bretagne, à Paris.

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