On ne présente plus Rime Arodaky, qui a su en quelques années se faire une place remarquée dans l’univers fermé des robes de mariée grâce à son style rock et affirmé. Quand on la rencontre un matin dans ses ateliers parisiens, on comprend rapidement pourquoi : cette jeune maman déborde de projets et d’idées, qu’elle partage avec une énergie aussi communicative que son sourire…

Du concept élargi de « mariée » à son déménagement à l’étranger, elle nous embarque dans une aventure sur le fil (Instagram bien alimenté) à la fois libre et parfaitement maîtrisée… Comme ses mariées !

Certains modèles portent des noms de rockers… Homme ! (Liam, Jude entre autres). Quelle est l’influence de la musique sur ta création ?

La musique est un vrai moteur de création pour moi, elle me donne l’impulsion dès le premier croquis. Je n’écoute pas que du rock d’ailleurs, mais la culture rock et anglo-saxonne fait partie intégrante de la marque et de son ADN, je suis imprégnée de pop-culture depuis mon enfance…D’où ces noms de musiciens anglais ET américains.

Nos mariées sont tellement féminines par nature qu’elles n’ont pas peur d’aller vers un côté garçon manqué, à l’opposé des stéréotypes « pretty » et « girly ».

Le fait de baptiser les modèles de noms masculins souligne pour moi l’aspect « tomboy » de nos mariées, qui sont tellement féminines par nature qu’elles n’ont pas peur d’aller vers un côté garçon manqué, à l’opposé des stéréotypes « pretty » et « girly » qui collent encore à la peau de l’univers du mariage.

Tu décris tes mariées comme « des femmes très fortes et très féminines à la fois », qui n’«ont peur de rien », qui « sont parties de rien et sont là pour gagner »: est-ce que tu projettes cette vision de guerrière moderne autant dans l’aventure du mariage que dans celle d’entrepreneure qui est la tienne ?

Forcément, il y a un parallèle entre ma vie d’entrepreneure et le fait de se marier, dans les deux cas il y a une pression très forte et un challenge très excitant à relever.

J’ai voulu redonner le pouvoir à mes mariées. Parfois, leur entourage, intentionnellement ou non, peut leur « voler » leur jour en leur imposant une vision qui n’est pas la leur. Mon but est de leur permettre de s’exprimer pleinement sans contraintes. Ensuite, c’est à elles de choisir leur degré de « rebellitude » : 60% de nos mariées ont un esprit rock et décalé en parfaite adéquation avec nos valeurs et jouent le jeu à fond ; 40% vont être plus « classiques » et choisir uniquement un accessoire ou un détail qui révèle leur désir de n’être pas complètement dans les codes… À chacune d’inventer le mariage qui lui correspond.

J’ai voulu redonner le pouvoir à mes mariées. Parfois, leur entourage, intentionnellement ou non, peut leur « voler » leur jour en leur imposant une vision qui n’est pas la leur. Mon but est de leur permettre de s’exprimer pleinement sans contraintes.

Dans cette nouvelle collection 2018, les modèles semblent prendre plus d’amplitude, on voit plus de bustiers, de tulle, de volants alors que les premières collections étaient plutôt droites et assez épurées… Est-ce que cette évolution reflète pour toi une forme de maturité dans ta vision de la mariée après 7 ans de création ?

J’ai lancé ma marque en 2010, avec une première collection en 2011. J’ai souhaité cette année opérer un retour aux sources, tout en allant vers quelque chose de moins bohème et de plus couture qu’à mes débuts, en soulignant les formes près du corps et le style qui ont fait le succès de la maison. Le volume, j’en avais envie tout simplement.

Aujourd’hui, même s’il y a un nom et une notoriété établies, j’ai toujours besoin de surprendre et de plaire aux mariées. Les filles qui viennent nous voir savent où elles vont mais il faut toujours leur proposer de la nouveauté, et ne pas faire tourner éternellement les mêmes recettes.

Tes modèles « Bridal » portent des noms anglais/américains, et tes modèles civils des noms parisiens, pourquoi ce choix très distinct pour les deux univers ?

Ces noms sont étroitement liés à la réalité des mariages, puisqu’aux Etats-Unis il est rarement question de mariage civil, alors qu’en France une cérémonie et donc une robe lui sont dédiées à part entière.

J’ai également souhaité souligner l’origine parisienne de la marque, puisque je n’ai pas un nom francophone et que notre communication ne se fait quasiment qu’en anglais, ça permet de nous resituer tout en montrant que nous n’oublions jamais nos premières clientes, les parisiennes.

J’ai donc souhaité m’adresser aux mariées et à leur entourage durant toute cette période d’ « avant » et d’ « après » (brunch du lendemain par exemple), les fidéliser avec des pièces qu’elles peuvent ensuite reporter, des produits connotés plus « amoureuse », donc « toute la vie », que « mariée, une journée ».

Tu es l’une des seules créatrices françaises à proposer un univers « lifestyle » très complet, de la mariée aux témoins en passant par les accessoires, la ligne lune de miel et les enfants… Comment s’est construite cette vision globale ?

Tout simplement quand on écoute les retours des mariées, beaucoup sont      frustrées que leur mariage n’ait duré qu’une journée, et ont parfois le regret de ne pas avoir eu le temps d’en profiter. Même si la « vraie » expérience commence après le mariage, notamment avec la lune de miel, c’est en réalité de nombreux mois de préparatifs et d’organisation que la future mariée va vivre avec son entourage : l’enterrement de vie de jeune fille avec ses amies, l’accueil des invités la veille ou l’avant-veille du mariage… J’ai donc souhaité m’adresser aux mariées et à leur entourage durant toute cette période d’ « avant » et d’ « après » (brunch du lendemain par exemple), les fidéliser avec des pièces qu’elles peuvent ensuite reporter, des produits connotés plus « amoureuse », donc « toute la vie », que « mariée, une journée ».

L’idée à terme est celle d’un concept store dédié au mariage, dont nos mariées seraient les ambassadrices plus que de simples clientes.

Je suis vegan, et je suis convaincue qu’on peut être créative sans faire de mal un animal.

Tu mets en valeur une approche « française » de la femme et de la création, comment se traduit-elle dans l’élaboration des collections (choix des matières, emplacement des ateliers, cruelty free, etc…) ?

L’absence de matières animales dans mes collections vient d’une conviction personnelle plus qu’autre chose. Je suis vegan, et je suis convaincue qu’on peut être créative sans faire de mal à un animal. Nous n’utilisons plus aucune soie dans nos collections, les mariées y sont sensibles, c’est pour elles un élément de modernité, même s’il est parfois moins compréhensible pour leur mère ou leur grand-mère qui assistent à l’essayage…  En ce qui concerne nos ateliers, ils sont ici, à Paris, avec des couturières qui ont apporté leur savoir-faire de grandes maisons de luxe et de prêt-à-porter. 100% made in France, en effet !

Notre mariée reflète la vision de la Française élégante sans être trop apprêtée, inspirée par des femmes comme Jane Birkin, Vanessa Paradis… Pas forcément françaises de naissance d’ailleurs !

Et dans ton approche de la mariée ?

Notre mariée reflète la vision de la Française élégante sans être trop apprêtée, inspirée par des femmes comme Jane Birkin, Vanessa Paradis… Pas forcément françaises de naissance d’ailleurs ! Même si je suis née en France, mes parents sont syriens, je suis donc aussi très inspirée par ces françaises d’adoption !

Aujourd’hui malheureusement, la mode est plus au déguisement, au tape-à-l-œil plutôt que dans le souci de magnifier le corps des femmes, et c’est cette valeur que je garde toujours en tête.

Quels créateurs t’inspirent?

Quand je pense à une robe, j’ai toujours en tête deux créateurs qui ont libéré les femmes chacun à leur manière. Azzedine Alaïa, un tunisien qui a osé montrer le corps des femmes, le magnifier, tout en obéissant à ses propres règles, en gérant lui-même tous les aspects de sa maison de couture avec une éclatante liberté.

Yves Saint Laurent, avant sa retraite en 2002, un génie tout en pudeur et en timidité qui a pourtant apporté aux femmes une libération et une rébellion extraordinaires.

Aujourd’hui malheureusement, la mode est plus au déguisement, au tape-à-l’œil plutôt que dans le souci de magnifier le corps des femmes, et c’est cette valeur que je garde toujours en tête.

Tu as étudié à la Chambre Syndicale de la Couture parisienne. En quoi ton regard « couture » très technique est-il une aide au quotidien dans ta création ?

J’avais très envie d’intégrer cette école, alors que je dessinais déjà, que j’avais déjà un style et une vision à moi. Mon père s’est inquiété, il me disait : « Qu’est-ce que tu vas apprendre là-bas ? ». Je lui ai répondu que je souhaitais apprendre le vêtement, pas le stylisme, et c’est ce que j’ai fait. Le souci du détail et la connaissance du travail des ateliers sont une aide au quotidien, il y a une dizaine de personnes à gérer. Cela me permet d’être proche de leur travail, de faire des demandes précises et d’entretenir un dialogue permanent.

J’ai d’abord en tête la vidéo, la photo, le défilé, c’est-à-dire l’histoire de la collection avant même de la dessiner !

Tu as dès le début donné une grande place à la vidéo et à la photo dans la communication de ta marque, quelle est l’importance que tu accordes au digital dans son développement ?

Je gère encore moi-même mon feed Instagram, 8 ans après les débuts de la marque, c’est dire si ça a de l’importance pour moi ! Cela me permet de rester à l’écoute des mariées, de leurs envies, ces échanges conditionnent souvent la création de la nouvelle collection.

Et ça va peut-être vous paraître surprenant, mais j’ai d’abord en tête la vidéo, la photo, le défilé, c’est-à-dire l’histoire de la collection avant même de la dessiner ! Plutôt que de caler ensuite chaque robe dans tel ou tel univers, c’est d’abord un « mood » qui me vient en tête, avec une musique notamment, les robes viennent ensuite s’y imbriquer naturellement.

Et à la fin c’est effectivement ce que les filles attendent avec excitation à chaque rentrée, le dévoilement de la vidéo et de la photo de la nouvelle collection, donc oui tout ça est plus qu’important pour moi !

Les anciennes mariées n’hésitent pas à commenter et à complimenter les nouvelles… C’est pour cela que j’aime employer le terme de « Maison Rime Arodaky », cela implique cette proximité et ce dialogue avec les clientes.

Qu’est-ce que le hashtag #RimeArodakybabe ?

C’est le hashtag que nous avons imaginé pour rassembler nos mariées en une communauté fidèle à nos valeurs ; il y a le nom de la marque, bien sûr, mais aussi « babe » qui connote le côté sexy, rebelle espiègle et un peu coquin de nos mariées. On compte 1800 posts à peu près aujourd’hui, et quand on les parcourt on trouve un fil conducteur dans l’attitude, les poses le stylisme… Comme si elles s’étaient toutes données le mot depuis les débuts, c’est fou ! Surtout que les anciennes mariées n’hésitent pas à commenter et à complimenter les nouvelles… C’est pour cela que j’aime employer le terme de « Maison Rime Arodaky », cela implique cette proximité et ce dialogue avec les clientes.

Quels sont tes rituels/essentiels beauté ?

Ma mère m’a transmis la culture orientale du « less is more » : de l’huile d’argan ou de l’huile de coco pour le corps et les cheveux dont je prends grand soin ; l’important est que les produits n’aient pas été testés sur les animaux, je favorise donc les marques comme Aesop et Dermalogica. Pour le make-up, je m’en tiens au strict nécessaire : une base highlighter, un blush bronzant car je suis une fille du soleil, et un eye liner, le tout Marc Jacobs.

Les gros projets de la rentrée : le shooting de la nouvelle collection, et deux ouvertures de showroom dont une à l’étranger qui va certainement me voir déménager… Je veux aller expérimenter l’univers du mariage dans un autre pays,

Quels sont tes projets à venir pour la marque ? Et pour cet été ?

En juillet, 3 semaines en famille dans le Sud, avec mon chéri qui fera des allers-retours puisqu’il est photographe de mariage et donc booké à cette période.Août sera plus calme en attendant les gros projets de la rentrée : le shooting de la nouvelle collection, et deux ouvertures de showroom dont une à l’étranger qui va certainement me voir déménager… Je veux aller expérimenter l’univers du mariage dans un autre pays, et même si mes ateliers restent ici, j’emmène ailleurs Rime Arodaky….C’est ça, être rebelle aussi !

0 0 votes
Évaluation de l'article
CategoriesNon classé
S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus populaire
Le plus récent Le plus ancien
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
trackback

[…] on l’a rencontrée la semaine précédente et il y a des points communs évidents ! Interview à découvrir ici), Freda Banana… Et on a encore de la place ! Pour un bar à jus par exemple…Les passants nous […]