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Cinéma Positif à Cannes : entretien avec Marie Drucker, membre du jury !

Présentatrice, productrice et réalisatrice de documentaire, Marie Drucker conjugue depuis 2011 ses trois passions avec brio ! Alors qu’on la retrouve sur France 2 où elle présente Infrarouge, un film documentaire suivi d’un débat ; et sur France 4 où elle présente Entrée en matière, c’est pour une toute autre casquette que nous l’avons rencontrée : celle de membre du jury de la Semaine du Cinéma Positif qui se tient en ce moment au Festival de Cannes. A deux jours de la remise des prix, Marie nous dévoile ses coups de cœur et ce qui, pour cette passionnée, fait l’essence-même d’un bon film.

Marie, vous êtes aujourd’hui présentatrice, réalisatrice et productrice : l’une de ces trois casquettes vous plait-elle plus qu’une autre ?

Je dirais que ces trois casquettes sont complémentaires. Chaque métier nourrit l’autre ! J’aime l’exaltation de produire d’autres réalisateurs, j’aime le travail de création qu’on retrouve dans le documentaire qui est devenu ma passion et puis je garde toujours un réel attachement à la présentation, puisque c’est mon métier depuis 20 ans ! (rires) A l’origine, j’étais cadreuse et monteuse, j’ai fait beaucoup de sujets en régie puis je suis devenue rédactrice et je suis passée à l’antenne. En 2011 j’ai recommencé à tourner des documentaires. Je me suis rendue compte que je voulais sortir de ce rapport au réel qu’on a forcément lorsque l’on est journaliste d’actualité. Aujourd’hui je me consacre pleinement à mes projets de création.

Je pense qu’il est essentiel aujourd’hui de proposer dans le cinéma une multiplicité des regards et des compétitions.

Vous faites partie du jury de la 4ème édition de la Semaine du Cinéma Positif organisé pendant le Festival de Cannes à l’initiative de Jacques Attali. En quoi ce genre d’initiative vous semble nécessaire aujourd’hui ?

Je pense qu’il est essentiel aujourd’hui de proposer dans le cinéma une multiplicité des regards et des compétitions. Toutes ont un « angle » particulier à défendre. Dans le cas du Cinéma Positif, il s’agit de mettre l’accent sur des films qui ont une fonction élévatrice de nos âmes, qui touchent nos consciences, notre intellect, notre cœur au travers de l’histoire qu’ils racontent. Cette histoire peut être joyeuse, tragique mais où la vie triomphe, où nous faire simplement réfléchir.  C’est une fenêtre supplémentaire sur notre société. Lorsque l’on m’a proposé de faire partie du jury, j’ai accepté tout de suite !

Cette année la Semaine du Cinéma Positif récompense les réalisateurs qui représentent tous les visages de la société et les œuvres cinématographiques qui expriment la lutte contre les exclusions. Ce thème vous parle-t-il ?

Ce thème me tient à cœur, oui. Tant parce qu’il fait écho à des reportages réalisés en tant que journaliste mais aussi à des documentaires ou des projets que je soutiens aujourd’hui. Les œuvres présentées durant cette Semaine du Cinéma Positif propose une autre manière de percevoir notre société et notre monde.

J’ai déjà vu des documentaires où la forme n’avait pas d’importance pour le réalisateur. Pourtant l’esthétique donne du sens au sujet ! C’est une façon de poser le regard, et j’y ai été particulièrement sensible pour départager les films en compétition.

Trois prix seront décernés jeudi soir prochain pour récompenser une fiction, un documentaire et un premier film positif. Comment aiguise-t-on selon vous son œil et sa sensibilité pour départager une sélection de films exceptionnels ?

Je pense que voir beaucoup de films est absolument nécessaire. C’est selon moi la meilleure des écoles ! Je suis personnellement une boulimique de cinéma, de séries, de documentaires… depuis toute petite. Pour départager les films en compétition, j’ai été sensible au sujet traité et sa forme. Le fond et la forme sont tout aussi importants pour moi, l’un ne va pas sans l’autre, et aucun ne doit dévorer l’autre. Certains films de la sélection sont puissants dans la narration et l’esthétique. J’ai déjà vu des documentaires où la forme n’avait pas d’importance pour le réalisateur. Pourtant l’esthétique donne du sens au sujet ! C’est une façon de poser le regard, et j’y ai été particulièrement sensible pour départager les films en compétition.

Le documentaire est votre genre de prédilection, vous en réalisez vous-même. En quoi se distingue-t-il du reportage ou grand reportage ?

Effectivement, le documentaire est un genre à part entière. Evidemment, les médias doivent garder des budgets pour des reportages et grands reportages, pour proposer de l’information objectif aux spectateurs. Cependant, alors qu’un angle suffit pour réaliser un bon reportage, ce n’est pas suffisant pour un documentaire. Il faut apporter le point de vue subjectif de son auteur. C’est une forme de fiction qui décroche de la réalité et de la vérité pour proposer une réflexion personnelle. C’est ce qui me passionne. J’ai été particulièrement touchée dans la sélection cette année par le documentaire Lindy Lou, Jurée n°2 de Florent Vassault : l’histoire d’une femme qui en 2006 a fait partie d’un jury qui a condamné à mort un homme aux Etats-Unis et qui vit avec ce remord à chaque instant.

On ne recherche pas le film parfait mais celui qui émeut.

Dans la catégorie premier film, que cherchez-vous à récompenser ?  

Sans dévoiler évidemment le palmarès, on a surtout cherché à récompenser les films qui touchent et qui interpellent. On ne recherche pas le film parfait mais celui qui émeut. J’ai personnellement adoré L’autre Rio d’Emilie Guérette, un film merveilleux et plein d’esprit alors qu’il décrit le Rio des laissés pour compte, sur fond de JO. J’ai trouvé inouï le travail de Nathan Ambriosoni pour Les Drapeaux de Papier à seulement 18 ans, puisqu’il l’a produit, réalisé et monté. Celui de Lukas Dhont dans Girl.

Un film de toute la sélection a-t-il suscité une émotion particulière chez vous ?

Je dirais La permission de Soheil Beiraghi. Un film iranien qui raconte l’histoire vraie d’Afrooz, la capitaine de l’équipe féminie de futsal en Iran qui apprend que son mari lui interdit de sortir du territoire pour la finale de la Coupe d’Asie des Nations.

En attendant la cérémonie de remise des prix qui aura lieu à Cannes ce jeudi 23 mai, quels sont vos projets en cours ?

J’ai eu le plaisir de produire un film de Charlotte Leloup intitulé Profs en première ligne qui sera présenté sur France 5 et qui traite de la condition d’enseignant aujourd’hui. Également le documentaire Seule à deux signé Marie-Ange Casta pour Téva qui parle des femmes qui sont quittées par leur compagnon pendant la grossesse. Un film sensible et profond. Et puis je présente prochainement mon film sur la vie psychique de l’enfant avant le langage, c’est-à-dire avant l’âge de 3 ans. Je raconte cette difficulté  d’être au monde, liée à de nombreuses raisons comme la difficulté d’attachement, etc. Je suis passionnée par la pédopsychiatrie et je suis convaincue qu’elle fait des merveilles.

 

 

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