Vous la connaissez probablement sous les traits de Camille, cette lumineuse prof de yoga en couple avec un pharmacien plus âgé qu’elle dans Scènes de Ménage. J’ai rencontré Amélie Etasse entre un tournage et une représentation – elle est à l’affiche de Bouquet Final, comédie complètement dingue et drôle, jusqu’au 20 janvier. Rencontre avec une femme solaire qui jongle entre la scène et l’écran comme un poisson dans l’eau.
Enfant timide, aujourd’hui comédienne, tu as peur de la scène tout en l’adorant. Ce n’est pas un peu schizophrénique tout cela ?
Complètement ! (rires) Encore hier, juste avant de monter sur scène, je me suis demandée ce que j’étais en train de m’infliger. Être actrice est un peu comme une malédiction, j’ai toujours eu cette dualité en moi. Certains diront que c’est parce que je suis gémeaux. Enfant, j’étais très timide. Je suis la dernière d’une fratrie de trois avec de fortes personnalités, j’étais la petite discrète. Ma mère m’a inscrite à un cours de théâtre pour que je puisse m’exprimer et j’ai adoré. Au début c’était assez simple de monter sur scène et puis à l’adolescence, j’ai commencé à me poser des questions : qui j’étais pour prétendre monter sur scène et faire payer des gens pour qu’ils viennent me voir jouer !? (rires) J’étais un peu dans la flagellation et puis j’ai suivi mon coeur et mes parents ont eu l’intelligence de me laisser faire !
Je me suis toujours dit que si je devais bosser comme une folle un jour, ce serait pour quelque chose qui me prend vraiment aux tripes.
Tes parents viennent du milieu artistique ?
Pas du tout ! Au contraire. Ils sont notaires. Je les ai vus énormément bosser, rentrer à 23h le soir, bosser souvent le week-end… Je n’ai jamais trop compris cette vie-là ou en tout cas je me suis toujours dit que si je devais bosser comme une folle un jour, ce serait pour quelque chose qui me prend vraiment aux tripes.
Quel a été ton parcours pour te former à la scène ?
J’ai toujours été très bonne élève. Après mon bac éco, je suis partie en fac de théâtre et je me suis inscrite à l’école Claude-Mathieu. Une super école, j’ai adoré leur philosophie : ne pas faire ce métier pour devenir une star. C’est une école de l’humilité qui t’apprend à monter des spectacles avec trois bouts de ficelle. T’as pas besoin d’avoir 10 000 balles sur ton compte en banque pour faire une bonne mise en scène. Après cela, j’ai intégré une troupe avec laquelle j’ai tourné près de 6 ans pour une comédie musicale où je dansais et chantais. Et puis à un moment, j’ai senti que j’avais besoin de m’épanouir seule.
Cela n’a pas été difficile de quitter ta troupe ?
Je ne savais pas comment le faire. Ce n’était pas facile de les quitter, on était devenus des amis… Et puis on m’a proposé un casting pour Doris Darling, j’ai passé l’audition, je l’ai eue et je me suis dit que c’était le moment. J’ai aussi passé en même temps un casting pour faire de l’impro’ et remplacer Bérengère Krief. J’ai mythoné aux auditions en faisant croire que j’avais fait beaucoup d’impro’ alors que pas du tout et j’ai tout avoué le premier soir, juste avant de monter sur scène ! (rires)
Evidemment quand tu veux devenir comédienne, tu te dis que tu vas rentrer au conservatoire et faire un film avec Klapisch. Tu ne t’imagines pas faire une publicité pour un dentifrice Leclerc !
La première fois que je t’ai vue, c’était dans une pub Leclerc où tu faisais la promotion d’un dentifrice, mais avec quel brio ! Cela a été un tremplin pour toi ?
Evidemment quand tu veux devenir comédienne, tu te dis que tu vas rentrer au conservatoire et faire un film avec Klapisch. Tu ne t’imagines pas faire une publicité pour un dentifrice Leclerc ! (rires) Mais je savais que ça allait être une bête de pub. Stéphanie, la nana qui écrivait le scénario, a réussi à mettre de l’humour là où il n’y en avait jamais ! Certains m’ont dit que j’étais conne de faire une chose pareille et que je risquais d’être cataloguée. Mais moi j’avais confiance et j’ai eu raison car c’est comme ça que M6 m’a repérée. Ils avaient imprimé ma photo suite à la diffusion de la pub et l’avaient accrochée sur un mur en attendant de trouver le bon projet pour moi. C’est ce qu’ils m’ont dit quand ils m’ont appelée pour les auditions de Scènes de Ménage.
Scènes de Ménage existait déjà depuis 7 ans. Tu l’as intégrée il y a 3 ans. Qu’est-ce qui t’a attirée chez elle ?
Je connaissais bien la série, pour moi c’était un peu une sorte de label rouge comme Caméra Café ou encore Kaamelott… Il y a une bonne écriture, de bons comédiens, une bonne réalisation. C’est une super école du théâtre filmé, la rythmique est la même que sur scène et on nous intègre beaucoup dans l’écriture. Moi qui ne me suis jamais sentie comique, je l’assume de plus en plus. On a enregistré 2100 sketchs, on en est à la 10ème saison, c’est énorme.
Les auteurs te vampirisent un peu pour élaborer la psychologie de ton personnage. Ils prennent un peu de toi, ils le grossissent…
Tu fais partie du dernier couple à avoir fait son entrée dans Scènes de Ménage. Tu y incarnes une prof de yoga en couple avec un pharmacien 20 ans plus âgé qu’elle. Ton personnage te ressemble-il ?
Quand M6 m’a appelée, mon rôle tenait sur 2 lignes : une jeune fille en couple avec un mec plus âgé qu’elle. Mais c’était une vraie histoire d’amour, il ne fallait surtout pas laisser croire au téléspectateur qu’elle était avec lui pour l’argent. Et puis les auteurs te vampirisent un peu pour élaborer la psychologie de ton personnage. Ils prennent un peu de toi, ils le grossissent… C’est super intéressant. Je me souviens d’ailleurs que le premier trait de caractère de Camille qui a été décidé, c’est son côté sans filtre et cela vient clairement de moi. On était en réunion et j’ai dit à un auteur qui parlait trop fort de fermer sa gueule avec un grand sourire. Il avait adoré ma manière de sortir des horreurs aussi facilement sans que ce soit perçu comme tel !
Je vois vraiment ce personnage comme un tas de glaise qui ressemblait au début à un Monsieur Patate et qui s’affine de jour en jour.
Ton personnage est prof de yoga, très branché sur l’énergie, la réincarnation… Tout cela vient de toi aussi ?
Les auteurs m’avaient demandé si j’étais d’accord pour que mon personnage soit prof de yoga et comme je suis passionnée moi-même, j’ai adoré l’idée. Camille est une fille très solaire, qui croit en la réincarnation, elle est super positive ! Et c’est très agréable d’incarner un personnage bienveillant. Elle a des aspérités aussi, on sent au fur et à mesure des saisons qu’elle a tout de même un petit grain de folie ! Je vois vraiment ce personnage comme un tas de glaise qui ressemblait au début à un Monsieur Patate et qui s’affine de jour en jour. Je tape souvent du poing sur la table pour qu’on lui donne plus de mordants, plus de convictions politiques. Je ne veux pas qu’elle soit simplement la nana mignonne qui porte des jolies jupes.
Les comédiens prennent part à l’écriture des sketchs ?
Ce qui est génial dans cette production, c’est qu’ils veulent vraiment réfléchir en termes de noeuds dramatiques plus qu’en termes d’audience. Les comédiens sont intégrés au travail d’écriture. Une fois par semaine, on se retrouve Grégoire et moi avec notre directeur d’écriture, un gars de la prod et un réal’ et on lit tous les textes que les auteurs nous envoient pour choisir ceux que l’on souhaite jouer. Ceux qu’on met de côté ne sont pas jetés mais retravaillés en fonction de notre ressenti. C’est génial et unique en France.
Une metteur en scène m’a dit un jour : “T’es un roseau, tu craques jamais mais tu plies souvent !” C’est assez vrai.
Comment s’est déroulée la rencontre avec ton partenaire Grégoire Bonnet ?
Cela a matché tout de suite ! Mais c’était vital, quand tu sais que je le vois plus que mon mec, ma mère et mes amis ! (rires) Grégoire est un excellent comédien et un super partenaire. Il ne m’a jamais fait sentir qu’il avait 20 ans d’expérience de plus que moi dans le métier ! Il a été très doux et d’égal à égal. On a deux caractères très différents. Il aime le froid, j’aime le chaud ; il aime le bruit, j’aime le silence. Il est vraiment le yang et moi le ying ! De temps en temps, ça pète entre nous deux, mais on s’aime profondément. Dans ce métier, ceux avec qui tu bosses ne sont pas de simples collègues de travail, ils te voient rire, pleurer, douter… On se montre tous sous notre pire et meilleur jour ! C’est d’autant plus vrai dans la pièce que je joue en ce moment.
Tu joues effectivement dans Bouquet Final jusqu’au 20 janvier à la Comédie Caumartin. Tu es proche des comédiens qui jouent avec toi ?
Quand on a commencé à répéter, j’ai prévenu les autres comédiens que j’étais une pleureuse, mais que ce n’étais pas grave, que cela faisait partie de mon processus de création. Et puis quand les gens t’ont vu pleurer, c’est un peu comme s’ils te voyaient à poil. Une metteur en scène m’a dit un jour : “T’es un roseau, tu craques jamais mais tu plies souvent !” (rires) C’est assez vrai.
Tu préfères la scène ou la télé ?
Quand j’étais plus jeune, c’était le théâtre. Aujourd’hui j’aime le rythme des tournages : me lever tôt, faire et refaire une scène encore et encore puis laisser le sketch entre les mains de monteurs qui en feront ce qu’ils souhaitent. Mais je pense que je suis un peu comme les musiciens qui ont besoin d’enregistrer en studio et de monter sur scène. Je me nourris des deux. L’adrénaline de la scène me manquait, cela faisait deux ans que je n’étais pas montée sur les planches. On m’avait fait des propositions mais je n’étais pas encore prête à cumuler Scènes de Ménage et un spectacle, je souhaitais garder du temps pour moi et mes amis.
As-tu des projets pour l’année à venir ?
Oui ! L’année dernière, j’ai écrit un court métrage que j’ai présenté à Charles Paviot. Il m’a dit : “BANCO je te suis !”. Je suis très contente car c’est un super producteur et je vais pouvoir passer côté réalisation. Je ne jouerai pas dedans, je laisse cela à Lou de Laâge, j’ai tellement hâte ! On démarre en juin prochain, c’est un nouveau défi !
Que peut-on te souhaiter pour cette nouvelle année ?
Que ça marche ! (rires) Et j’aimerais bien passer côté cinéma, endosser un rôle dont je connais enfin la fin et l’explorer pendant deux mois. C’est difficile de jouer un rôle comme Camille car je lui ai donné beaucoup de moi-même, elle porte mes propres bracelets, c’est une sorte d’amie imaginaire pour moi et je ne sais pas ce qu’elle va devenir ! Et puis j’aimerais beaucoup jouer avec Alain Shabat, Julie delpy, rebosser avec Cédric Klapish…
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