En août, ça va chauffer sur Le Prescripteur… Découvrez chaque samedi sur le blog, un nouveau chapitre de votre nouvelle érotique de l’été à lire secrètement sous la couette ou au bord de la piscine sous le parasol ! Embarquez avec Clementine et ses histoires tumultueuses dans Un Jour Viendra de Fabien Muller. Une collaboration avec les éditions Ma Next Romance, littérature pour adulte.
Semaine 4 – Clem
Soyons honnête, après une journée éprouvante – pour ne pas dire un tantinet « merdeuse » –, la seule activité que je supporte et qui ne me demande pas un investissement intellectuel hors de portée est de bitcher au téléphone avec mon vieil ami Louis. Ou de prendre un bain brûlant. L’un n’empêchant pas l’autre, d’ailleurs.
Louis est un écrivain avec qui j’ai eu une aventure jadis.
Une aventure qui s’est étrangement clôturée un soir où il avait invité un autre mec. Louis s’était alors contenté de regarder pendant la majeure partie de cette soirée, lui qui aimait pourtant participer en règle générale. Peut-être avait-on fait le tour de nos explorations sexuelles. Difficile à dire. J’ai pour habitude de ne pas trop m’interroger sur ma sexualité en général, préférant la vivre. En tout cas, il est devenu après coup le seul ex que je supportasse, devenant même au fil du temps un confident asexué à qui je pouvais tout avouer.
Bien que sa propre vie soit à mi-distance entre l’épique et l’étrange, il ne parle que rarement de lui. Je sais simplement qu’il a eu son heure de gloire il y a une dizaine d’années et qu’il vit depuis sur cette gloire passée en errant de cocktails mondains en vernissages dans le VIe arrondissement à la recherche d’une inspiration qui le fuit. « Je suis l’homme d’un seul livre » se plaît-il à dire fréquemment. En tout cas, il n’est pas l’homme d’une seule relation si l’on considère l’ensemble des personnages que j’ai déjà croisés chez lui. Car, bien qu’il soit d’une complexion apparente fragile, il a toujours eu une aura fascinante et magnétique. Une lumière dans le noir de la nuit parisienne qui attire encore un nombre incalculable de mouches, pressées de se réchauffer à cet éclat.
À la mémoire de ces deux hommes dans mon lit, je commence à m’enflammer, cette soirée ayant laissé des traces sensitives tenaces, comme une sorte de persistance sensorielle. Le parfum des deux corps, leurs muscles fugacement emmêlés – pendant ces quelques instants où Louis n’était pas simple spectateur – à tel point que l’on ne distinguait plus à qui appartenait tel ou tel membre, et ce regard de Louis quand son partenaire m’a pénétrée. Tout dans ces souvenirs exprimait le désir infini.
Tandis que je me fais couler un bain, je saisis mon téléphone et appelle machinalement Louis. Répondeur. Zut.
Encore émoustillée des images qui sont remontées en périphérie de ma conscience, je me glisse dans l’eau brûlante, me recouvrant de mousse sur toute la partie du corps encore émergée. Je fais glisser ma main sur mon corps luisant et titille le bout de mes seins. J’ai toujours eu l’impression qu’ils avaient une vie propre, que leur forme, leur plasticité et même leur taille variaient en fonction de mes humeurs. Mon corps se réveille. J’écarte mes cuisses, laissant l’eau s’insinuer. Je passe mon bras droit au-dessus de ma tête à la recherche de mon petit compagnon de bain tout en laissant ma main libre descendre vers mon ventre, jusqu’à toucher la petite toison de bulles que la mousse me dessine entre les cuisses. Je réussis à attraper mon gode jaune vibrant – et waterproof – mais constate avec une petite moue dubitative qu’il ne semble pas vouloir vibrer. La pile serait-elle déjà morte ?
Tout à coup, une vibration me sort de ma contemplation. Sur le moment, je ne comprends pas, constatant que mon petit camarade électrique est toujours désespérément inerte, puis note que le vrombissement provient de mon téléphone laissé sur le bord du lavabo.
Pensant parler à Louis, je décroche sans réfléchir.
— Yo bitch.
— Clem’ ?
La reconnexion au monde est brutale. En effet, une seule personne au monde utilise encore ce diminutif : ma mère.
***
Je suis perplexe. Doublement. La première cause de ma perplexité est la raison pour laquelle ma mère veut me voir. Cette première énigme sera bientôt résolue – une fois que je serai sortie de ces quelques bouchons encombrant la route départementale et qui retardent cette confrontation. La deuxième est la raison pour laquelle j’ai accepté de venir à ce dîner à si brève échéance. La curiosité peut-être – pourquoi ma mère désire-t-elle me voir ? – ou bien était-ce ce sentiment étrange de parler à ma mère alors que j’étais nue, recouverte de mousse et un vibro à la main. Difficile de se prononcer.
La dernière fois que j’avais eu ma mère au téléphone, j’avais tout d’abord fortement hésité à décrocher. Je me faisais un plateau-repas devant un programme télé sinistre, ça l’avait sauvée. N’ayant rien de mieux à faire, j’avais répondu pour apprendre que la meilleure amie de ma mère était malade. Je regrette encore cet appel insensé et interminable durant lequel je n’avais pas compris le rôle qui m’incombait. J’avais bien tenté mollement de participer à un semblant de conversation courtoise mais le seul type de communication que je savais développer sans trop d’effort avec ma mère était l’affrontement et j’avais manqué de courage pour aller au bout de celui-ci.
Que j’accepte, aujourd’hui, de me rendre à un dîner chez ma mère sans négociation ou chantage était plutôt nouveau, nos trajectoires se heurtant en général par un hasard qui fait mal les choses.
Un froid glacial et qui annonce l’automne m’accueille à la sortie de ma Clio. Je remonte le manteau vert que ma mère m’a offert il y a de cela quelques noëls, et que j’ai enfilé sans réfléchir, sans doute dans un désir inconscient de lui faire plaisir – petite concession à l’animosité naturelle que j’éprouve à son égard. Je me suis maquillée légèrement, habitude que ma mère déteste, afin de ne pas trop la froisser mais de tout de même me démarquer de cette éducation que je traîne tous les jours comme un ami d’enfance encombrant.
* Ding Dong *
Jadis, j’entrais sans m’annoncer. Ce temps semble loin désormais. Mon enfance n’a jamais été un paradis, même aujourd’hui, perdu et estompé qu’il est par des années de travail sur ma petite personne.
— Bonjour ma chérie.
Ma mère apparaît à la porte, pimpante comme jamais, et… en robe. Première fois de ma vie que je la vois ainsi, elle qui, en général, pourrait passer inaperçue à un revival de Woodstock. Je ne me souviens pas non plus la dernière fois qu’elle m’a donné du « ma chérie ».
Lorsque je pénètre dans le salon, je comprends instantanément l’origine de la demande maternelle. Elle a un nouveau mec. Cela faisait longtemps.
Un homme en pull à col roulé noir, la petite quarantaine – plus jeune que ma mère d’une petite dizaine d’années, donc – et la barbe soigneusement taillée, s’approche de moi en tendant une main manifestement manucurée. Je me surprends alors à sourire en pensant qu’il est soit masseur, soit gay – un choix assez étrange pour ma mère, même si je ne suis hostile à aucune de ces deux catégories. Cependant, une note de curiosité résonne en moi. Ce n’est, en effet, pas tous les jours que je croise un homme apparemment respectable dans le pavillon de banlieue de ma génitrice.
— Je comprends mieux quand tu disais que tu avais une fille magnifique. Je m’appelle Alex.
— Clementine.
Ma mère apporte une bouteille de champagne rosé et un plateau jonché de petits fours. Je note à sa démarche qu’elle a probablement entamé l’apéritif avant mon arrivée.
Alex apparaît, lui, tout à fait maître de sa gestuelle et pas pressé de faire la connaissance de ma pomme. Il entreprend l’ouverture de la bouteille.
Le plop caractéristique signe l’entame de la soirée.
— Alors, quoi de neuf mon amour ?
Je tique de nouveau à l’évocation du « mon amour », puis me dis qu’elle doit essayer de donner une image mère-fille présentable à Alex et prends sur moi. Je réponds machinalement et sans ardeur particulière, relatant mon actualité du moment, aussi passionnante qu’un article médical traitant de vésicule biliaire. De toute façon, je ne me vois pas lui expliquer mes problèmes au travail ni même les affres du célibat ou encore mes problématiques quotidiennes – évier bouché, hebdomadaire auquel je suis abonnée mais qui n’arrive plus, etc.
Dans la conversation, j’apprends comment ma mère et Alex se sont rencontrés : un accident de voiture. Si ma mère ne m’agaçait pas autant, je trouverais presque cela romantique. Alex et elle semblent étrangement complices ce qui me détend imperceptiblement.
Alex prend le relais des questions qui se font plus précises, intéressées sans doute. En tout cas, intéressantes. Sa voix est un mélange de douceur et de confiance en soi, avec quelques intonations étonnantes. S’il fallait comparer à un style musical, elle évoquerait sans aucun doute un jazz suave et réconfortant.
Je commence à totalement ignorer ma mère – une attitude que je maîtrise à la perfection. Alex s’avère étonnamment cultivé. Il gère une agence de pub qu’il a créée quelques années auparavant. Il évoque sans transition des expositions dont je n’ai jamais entendu parler, et me surprend par son éclectisme en divaguant sur l’actualité musicale du moment.
Ma mère, elle, boit. Je la retrouve enfin.
Elle semble tout à fait étrangère à la discussion. Je souris en imaginant que ce n’est pas l’aisance d’Alex dans la rhétorique qui l’intéresse.
Nous passons à table et ma mère brille de nouveau par sa transparence, me laissant globalement seule avec Alex, passant constamment du salon à la cuisine pour aller chercher un plateau négligemment oublié ou pour changer un couvert taché. Je note cependant qu’elle n’oublie pas, par contre, de picoler sérieusement et j’observe sa tête dodeliner ostensiblement. Le dessert à peine entamé et la voici parfaitement endormie sur sa chaise. Je me mets à pouffer de concert avec Alex.
— Vous fumez ? demande-t-il.
— Oui… enfin, en soirée seulement.
— Moi non, mais je vous accompagne.
J’attrape mon manteau et suit Alex sur la terrasse. Le moment est étrangement serein et silencieux, empreint d’une sorte d’ambiance cotonneuse invitant à la nonchalance. Rien d’autre qu’une petite brise timide n’est témoin de ce moment de complicité muette. Les regards se croisent sans se détourner. Un peu sous l’effet de l’alcool, un peu sous l’effet du charme d’Alex, et sans doute un peu par volonté de défi, je me rapproche de lui et lui demande d’allumer ma cigarette. Il prend le briquet que je lui tends et fait une protection de sa main libre. Je sens son odeur. Puissante. J’aspire la première bouffée, sens le plaisir coupable m’envahir et nous fais à tous deux un léger nuage de tabac. L’instant est suspendu et je capte de nouveau son regard. Sans équivoque. Je n’ai pas bougé et nous sommes tout proches. Il n’est qu’à quelques centimètres de moi. Je laisse ma main gauche tomber le long de son corps et s’arrêter sur la cuisse d’Alex. Infime pression sur son muscle tendu.
J’attends. Il ne se passe rien d’autre qu’une tension sensuelle qui grandit. Un regard qui s’accroche. Une cigarette qui se consume lentement, inexorablement. Un air qui se rafraîchit.
Je m’évade de moi-même, laisse le moment me porter.
Je me rapproche, pour sentir sa chaleur, et pose mes lèvres humides sur son cou. Je sens une veine pulser.
Il se laisse d’abord faire tandis que je descends vers son torse, puis subitement me repousse sans force, presque doucement, m’accompagnant simplement à une distance respectable.
Mince.
Je reste extatique et honteuse.
Le grotesque de la situation m’apparaît soudain dans toute son énormité. J’entreprends de reculer en essayant de retrouver une contenance quand, sans crier gare, Alex m’attrape par le manteau et se met à le déboutonner délicatement. Puis, sans plus de cérémonie, il pose sa main sur mon sexe à travers mon pantalon.
Sa main est posée là, immobile, je peux la sentir à travers l’étoffe légère de mon vêtement. Alex me regarde de nouveau. Il a les yeux qui brillent et une lueur espiègle au fond des pupilles. Je sens l’excitation monter en moi. J’écarte sensiblement mes jambes et presse la main d’Alex contre mon entrejambe.
Alex se baisse et défait l’attache de mon pantalon. Je sens la pression du froid sur mes cuisses dont les rares poils se hérissent. Alex écarte un peu plus mes cuisses. Il prend entre ses doigts ma petite culotte de dentelle et l’écarte légèrement. Mon sexe est désormais offert à cet inconnu qui commence à me lécher l’intérieur des cuisses méticuleusement en s’approchant dangereusement de mon sexe à l’air libre. Je n’en peux plus d’attendre qu’il me lèche et l’excitation me fait frémir. Il glisse alors sa langue dans ma fente déjà trempée puis remonte vers mon clitoris et l’aspire dans sa bouche en le mordillant légèrement. Je suis totalement électrique désormais et Alex me lèche méthodiquement, en rythme, suivant la pulsation de mon désir qu’il ressent et qui devient violent.
Je pose une main sur la rambarde afin de me caler dans cette position et l’autre main dans les cheveux d’Alex pour lui imposer un rythme et le diriger. Il répond à merveille et le plaisir devient insensé. Je souffle bruyamment maintenant, je grogne, je vais jouir ici, là, sur sa bouche, le manteau ouvert sur la terrasse de la maison de ma mère.
Mais dans un dernier sursaut, avant que le plaisir ne me submerge, je le repousse par une simple pression de ma main accrochée dans sa chevelure, le redresse, puis me dirige vers son pantalon à lui. Je note qu’à travers le tissu, son sexe est dur, et je vois la tension que cela impose à sa braguette. J’entreprends de le libérer en baissant celle-ci en un cérémonial silencieux. J’aperçois maintenant son caleçon, tendu à l’extrême. Je le déboutonne et le sexe déjà énorme est immédiatement expulsé, dressé, venant me fouetter légèrement la joue droite.
Je le saisis de ma main libre, l’autre toujours posée sur la rambarde, puis laisse ma langue monter de la base de sa verge jusqu’à son gland que je commence à sucer avec application. Je le prends alors totalement dans ma bouche, arrachant un soupir à Alex. Je sens le membre en érection se raidir sous la pression de ma main, je perçois son gland qui pulse dans ma bouche. Alex pose ses mains sur ma nuque, m’enjoignant à accélérer le mouvement. Au moment où je pense qu’il va exploser dans ma bouche. Il me relève à son tour, me pousse contre la rambarde sans brutalité mais d’un geste ferme, se débarrasse de son pantalon tandis que je baisse entièrement ma culotte dans un mouvement parfaitement synchrone. À peine ai-je les coudes posés sur le bois sombre que je sens son sexe énorme entrer en moi avec une facilité déconcertante. Je rebondis littéralement au rythme du membre que j’accueille avec férocité et envie, sens la vague de chaleur quasi insoutenable monter en moi et pousse un cri libérateur au moment de mon orgasme violent. Il se retire à ce moment-là et je sens un jet chaud qui brûle la naissance de mon dos cambré.
Je m’aperçois alors qu’il fait un froid sibérien sur cette terrasse. Et je me pose tout entière, haletante, sur la rambarde en bois.
Je reste ainsi plusieurs minutes afin de reprendre mes esprits, tandis que j’entends Alex se rhabiller lentement.
La fin de la soirée se déroule dans un silence de cathédrale. Je m’éclipse, tout en constatant que ma mère n’a pas bougé d’un cil, laissant à Alex le soin de gérer les éventuels dommages collatéraux.
Je ne tente pas de lui parler, lui ne me retient pas.
Je le quitte, sans un mot ni un regard.
***
En pénétrant chez moi, je suis submergée par des émotions contradictoires et des sentiments divers – dont la fierté ne fait pas partie – m’assaillent.
J’ai beau refaire le fil de la soirée, encore et encore, revoir étape par étape ce qui m’a amené à cette séance de sexe sur la terrasse de ma mère, je n’arrive pas à trouver une explication convaincante à mon attitude. Lorsque je tente de mettre des mots sur ce qui s’est passé, je bloque. Le verdict est cependant sans appel : je me suis tapée le mec de ma mère alors que celle-ci ronflait tranquillement à quelques mètres de distance.
J’aimerais bien dire que tout ceci ne me ressemble guère mais dans ce cas, il me faudrait définir, par opposition, ce qui me ressemble et là, de nouveau, je sèche.
J’ai le sentiment ces jours-ci de naviguer à vue, de ne pas être « ancrée », d’être à la dérive dans mon existence. Évidemment, je suis en phase d’exploration, cela ne fait aucun doute, mais ne dois-je pas tout de même rester dans un certain cadre ? Je croyais qu’il me restait quelques barrières, je m’aperçois que je ne les distingue plus de manière évidente.
Je pourrais arguer que les événements professionnels de ces derniers jours ont un peu chamboulé mes repères, mais cela date d’avant ça. Bien avant, même.
Espérons qu’Alex aura l’intelligence de ne pas avouer cet écart à ma génitrice, me dis-je en m’endormant d’un sommeil agité.