Connaissez-vous le point commun entre Jean-Marie Bigard, Pierre Palmade, Elie Kakou, Florence Foresti, Fari et Alex Lutz ? Ils ont tous fait leurs débuts dans la mythique salle de spectacle du Point Virgule. Antoinette Colin, sa Directrice Artistique, nous raconte son quotidien de tête chercheuse des humoristes de demain…
Vous avez intégré Le Point Virgule en commençant par en tenir la caisse. Vous souvenez-vous de votre entretien d’embauche ?
Oh oui, je m’en souviens ! A l’époque, j’étais étudiante en théâtre et je cherchais un boulot pour financer mes études. Je suis arrivée au moment de la pause pipi de celle qui tenait la caisse. A sa place se tenait Marie-Caroline Burnat, alors directrice du Point Virgule, ce que je ne savais pas ! Je lui ai expliqué que je cherchais un petit boulot. C’est une femme d’un fort caractère et elle m’a répondu, agacée « qu’ici il n’y a pas de petits boulots, mais que de grandes taches ! » . Elle m’a tout de même donné, en ronchonnant, le numéro de son assistante, Anne Poirier-Busson. C’était un mardi, le jeudi je passais un entretien au café en face du théâtre, le Rendez-vous des Amis, fumeur et bondé ! Je lisais sur les lèvres d’Anne, je disais oui à tout : s’occuper de la caisse, faire un peu de régie, laver les toilettes… J’ai commencé le jour-même !
A cette époque, vous cumuliez 4 jobs : apprenti comédienne, chanteuse, responsable de la caisse du Point Virgule et vous bossiez au bar des TGV. Comment décririez-vous cette période de votre vie ?
Une période très dynamique et heureuse ! J’étais curieuse de tout, j’avais une soif d’apprendre. Je courais à la Comédie Française pour gratter une place à 10 Franc et être au poulailler. Je ne fréquentais que des gens passionnés par le théâtre.
Vous êtes ensuite passée assistante et vous avez suivi Jean-Marie Bigard, un des premiers artistes que vous avez rencontré au Point Virgule. Que vous a apporté cette collaboration ?
C’était fou ! J’avais 18 ans seulement, on a monté Bercy ensemble. Je me développais moi-même en tant que chanteuse. J’ai eu l’impression d’avoir 3 vies en une ! A un moment, j’ai dû dire à Jean-Marie que je devais arrêter de l’assister. C’était un travail à temps plein car sa carrière explosait et cela ne me permettait plus de développer mes projets personnels. Il a compris mon départ et nous sommes restés de très bons amis.
Vous dites que le Point Virgule est un lieu qui engloutit…
Oui car vous passez votre vie là-bas, c’est un vrai tremplin humain. C’est un lieu qui m’a formée professionnellement et personnellement. J’ai eu une chance dingue de rencontrer des gens passionnés, des précurseurs dans leur domaine. J’ai fait mon apprentissage artistique auprès de Marie-Caroline Burnat : j’ai fermé la bouche pendant deux ans, j’ai pris des notes, beaucoup de notes et j’ai développé mon sens de la critique pour en arriver à la direction artistique du Point Virgule.
Comment es-tu devenue directrice artistique justement ?
Cela s’est fait progressivement. J’assistais Marie-Caroline et la suivais dans tout. J’écoutais les auditionnés avec elle, je suivais ses débriefs… Au fur et à mesure, elle m’a laissée mener les auditions. Elle ne me fermait aucune porte et me tenait au courant de tout.
J’aime être le marchepied des artistes et leur apporter la lumière qui leur permet de s’élever à un moment clef.
A quoi ressemble une journée type pour toi ?
Aucune journée ne se ressemble ! Au quotidien, je gère l’aspect artistique et logistique de 3 salles et des dates de tournées. Je m’autorise à monter sur scène de temps en temps, même si ce n’est pas la priorité de mon activité, mais je ne veux pas m’oublier ! C’est un boulot si passionnant et parfois harassant ! Mon rôle est de faire passer des auditions de 5-6 minutes, de déceler les talents encore fragiles que j’ai envie de consolider au Point Virgule, de les accompagner sans les pousser car ils restent moteur de leur histoire. J’en remue certains, mais ce sont souvent des personnalités très fortes, on ne peut pas s’imposer à eux ! (rires) Chaque relation avec un artiste est unique et toutes les décisions se prennent au cas par cas. J’aime être le marchepied des artistes et leur apporter la lumière qui leur permet de s’élever à un moment clef.
Es-tu déjà passé à côté d’un artiste qui a percé depuis ?
C’est drôle car lorsque le théâtre a été racheté par Jean-Marc Dumontet, il m’a demandé si j’avais l’impression d’être passée à côté d’un artiste. Pour la blague, cela a été le cas de Nicolas Canteloup ! Mais de manière générale, si je pensais me tromper, je n’avancerais pas !
Quel conseil donnerais-tu à un humoriste qui souhaite se lancer ?
Le plus grand défaut que je constate c’est que les jeunes artiste préfèrent travailler seul. Or il faut s’entourer de metteur en scène et d’auteur pour s’accomplir en tant qu’artiste et aller au fond des choses.
Un spectacle est une matière brute de décoffrage : il faut renoncer à de la matière pour ne présenter que le meilleur.
Tania Dutel, que nous avons rencontrée il y quelques semaines, sera au Point Virgule en septembre ! Comment l’as-tu dénichée ?
Elle est très singulière. Je l’avais eu en audition il y a quelques temps et je la trouvais loin d’elle. Ce n’était pas encore le moment de faire quelque chose ensemble. Il fallait qu’elle se frotte encore à la scène. J’ai revu son spectacle 3-4 fois, j’ai rediscuté avec elle plus tard et je lui ai dit qu’elle était sur les bons rails. En un an et demi, elle a beaucoup élagué son spectacle, elle a été produit par Verino : l’association des deux a été extrêmement bénéfique pour elle, il faut avoir le talent de s’entourer ! Un spectacle est une matière brute de décoffrage : il faut renoncer à de la matière pour ne présenter que le meilleur.
L’idée est d’offrir à cette nouvelle génération d’humoristes, le temps d’une soirée, de se produire sur la mythique scène de l’Olympia.
Le 20 juin, Tania participe au « Point Virgule fait l’Olympia » aux côtés de Marina Rollman, Booder, Tony Saint Laurent… ! Décris-nous ce beau projet…
C’est la douzième édition cette année ! L’idée est d’offrir à cette nouvelle génération d’humoristes, le temps d’une soirée, de se produire sur la mythique scène de l’Olympia. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils jouent dans cette salle de 2000 spectateurs, alors qu’ils ont l’habitude de se représenter dans des salles de 50 personnes ! Je me rappelle que pour la première édition, nous avions embarqué tous les artistes, sans sélection, la fleur au fusil si je puis dire ! (rires) Or faire un Olympia, ça se prépare, il faut un vrai mental. On ne va pas dans le grand bain si on ne sait pas nager ! J’ai hâte de vous présenter le spectacle de cette année.
Où vous voyez-vous dans 10 ans ?
C’est paradoxal car j’adore mon boulot, mais dans 10 ans, j’aimerais avoir un travail moins copieux : m’occuper de moins d’artistes pour être encore plus proche d’eux. Je suis tellement sur tous les fronts que je me réveille beaucoup la nuit pour me faire des listes ! (rires) Avoir plus de temps pour moi me fera du bien.
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