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Tania Dutel, l’humour comme arme contre le sexisme et la grossophobie !

Jeune humoriste à l’avenir très très prometteur, Tania Dutel nous livre un premier spectacle féministe aux sketchs inspirés de sa vie personnelle. Victime de grossophobie et de sexisme, elle n’a pas peur des sujets tabous (comme le fait d’avoir attendu 7 ans avant d’atteindre l’orgasme) et incite les femmes à en parler. Rencontre dans un petit café Place de la République.

Tu as tout de suite commencé par l’humour ?

Oui, j’ai fait du théâtre dès mes 7 ans, mais je ne voulais pas faire du théâtre classique. Je me suis tournée vers l’humour quand je suis arrivée à Paris. Au début, je ne m’imaginais pas que l’humour pouvait être un métier et un spectacle de stand-up m’a ouvert les yeux ! J’ai voulu essayer… Cela a été dur et je me suis remise en question plus d’une fois, mais je ne voulais faire rien d’autre !

Tu as joué au Paname Art Café, au Jamel Comedy Club… Quelle scène as-tu préféré ?

Le Paname Art Café, j’y suis tout le temps ! J’aime beaucoup jouer là-bas parce qu’on peut être sur scène tous les jours et tester au maximum les blagues !

Quels sont tes humoristes préférés ?

L’américaine Sarah Silverman et le britannique Ricky Gervais. En France, j’adore Jason Brokerss, Marina Rollman, Blanche Gardin, Vérino… Il y en a énormément qui sont hyper drôles.

Parfois, quand j’écris des blagues, j’ai l’impression que ça va être incroyable alors que pas du tout !!

Sur scène, tu as la transparence de tester beaucoup de sketch et de noter en direct quand une blague ne passe pas !

Oui, c’est indispensable d’être sans cesse dans le test de ses vannes. Parfois, quand j’écris des blagues, j’ai l’impression que ça va être incroyable alors que pas du tout !! (rires) C’est pour ça que je teste en petit comité, sur des scènes libres. Je dois aussi me renouveler car beaucoup de sketchs sont sortis sur internet, Netflix notamment, et quand je les joue sur scène auprès d’un public qui me connaît déjà, ça marche moins. Je dois aussi m’adapter à l’actualité, mes blagues sur la vague #metoo ne sont plus d’actualité donc il faut sans cesse s’adapter ! Je pense que c’est aussi pour ça qu’il n’y a pas de titre à mon spectacle : quand j’en ai marre de jouer des sketchs, j’en écris d’autres !

Quand je parle de frottis et que j’entends des “aaaaah” de dégoût dans la salle, ça m’énerve !!

Tu fais partie de ces humoristes féministes qui libèrent la parole sur des sujets tabous comme les frottis, le plaisir féminin… Comment ces sujets sont-ils venus sur la table ?

J’ai grandi dans un environnement sexiste, je croyais que c’était normal et puis je me suis rendue compte que non. J’ai décidé d’en parler pour rendre ces sujets tabous normaux. Quand je parle de frottis et que j’entends des “aaaaah” de dégoût dans la salle, ça m’énerve !! Parce que c’est un examen qu’on fait tous les ans et que c’est normal !

Je me mettais tellement la pression, qu’à chaque fois je me disais : “Bon cette fois, faut vraiment que je jouisse !”.

Tu parles de la jouissance féminine. C’est important pour toi d’éveiller les consciences sur ce sujet ?

C’était super important. J’ai attendu 7 ans avant d’atteindre l’orgasme. Mes copines me disaient que je n’étais pas normale, et j’étais vraiment pas bien à cause de ça, je pensais que ça n’allait jamais m’arriver. Je me mettais tellement la pression, qu’à chaque fois je me disais : “Bon cette fois, faut vraiment que je jouisse !”.  Je veux dire aux femmes que même si ça ne leur ai pas encore arrivé, ça ne veut pas dire que ça leur arrivera jamais. Des femmes de 30 ans me disent n’avoir jamais joui, mais elles n’osent pas en parler, alors qu’il n’y a pas de mal ! Je veux dire à toutes ces femmes qu’elles ne sont pas anormales.

On est de plus en plus dans une société “Kim Kardashian” : les filles sont tellement refaites qu’on ne les reconnaît même plus, et elles prônent une minceur à faire peur….

Tu partages aussi ton expérience de la grossophobie où des gens dans la rue t’arrêtaient pour t’insulter…

Oui. Un jour j’en ai parlé à une amie qui ne voulait pas me croire, elle me disait que j’exagérais. Le soir-même, je me promenais avec elle, quand un gars m’a arrêté pour me traiter de grosse vache, et elle a compris. On est de plus en plus dans une société “Kim Kardashian” : les filles sont tellement refaites qu’on ne les reconnaît même plus, et elles prônent une minceur à faire peur…. J’admire Jameela Jamil qui fait du body positive en publiant des photos de sa cellulite.

Et ça marche pour tous les détails physiques : par exemple j’ai découvert à 20 ans que j’avais des poches sous les yeux, parce qu’on me demandait sans cesse si j’étais malade ou fatiguée. J’ai repris des photos de moi plus jeune, et en fait je suis née avec ! Mais je ne l’avais pas remarqué jusqu’à ce qu’on me le répète tous les jours. A force, c’est fatiguant.

 

Tu critiques beaucoup les magazines féminins qui font l’apologie des régimes et des séances de sport juste avant l’été…

Je trouve détestable cette pression qu’on nous colle pour qu’on soit maigre. Et en même temps, c’est super de prôner le sport et l’alimentation saine  ! Cela ne me dérangerait pas du tout si on disait que c’était pour avoir une meilleure santé et pas un #bikinibody.

J’ai lu dernièrement dans un article que les femmes en prison découpent des bouteilles pour se faire des coupes menstruelles.

Tu penses à des nouveaux sketchs ?

Oui, j’ai lu dernièrement dans un article que les femmes en prison découpent des bouteilles pour se faire des coupes menstruelles. Il y a une vraie précarité sur les règles en milieu pénitencier, j’aimerais beaucoup en parler dans un futur spectacle.

Tu parles de choses vraies qui sont arrivées dans ta vie, ce n’est pas difficile d’être dans une telle mise à nue ?

C’est moins difficile de parler à des gens que je ne connais pas, qu’à des proches. Quand mes parents ont vu mon spectacle sur Netflix, ils ne m’ont pas envoyé de message, c’est moi qui ai dû leur demander ce qu’ils en avaient pensé ! Ma mère m’a dit que mon spectacle lui avait fait de la peine et qu’elle ne savait pas si tout ce que je disais était vrai… Ce n’est pas évident pour ma famille, mais pour moi, ce spectacle est une libération !

Quand et où peut-on te voir jouer ?

A la Nouvelle Seine ce soir et demain soir et je continue jusque fin juin ! Le 20 juin je participe au spectacle « Le Point Virgule fait son Olympia » ! Ensuite, j’ai deux dates à Montréal les 15 et 18 juillet, puis en septembre je serai au Point Virgule.

Sur quelle scène rêverais-tu de jouer ?

J’adorerais jouer mon spectacle au théâtre Antoine : les loges y sont magnifiques avec leurs vieilles affiches du 19ème siècle, et on est proche du public qui se retrouve jusque sur la scène !

 

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[…] la programmation, car j’avais tant de femmes à mettre en avant : Shirley Souagnon, Olivia Moore, Tania Dutel, Laura Domenge, Rosa Bursztein… Les filles avaient de manière générale moins de visibilité, […]

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[…] meufs, toutes générations confondues : les filles des Piquantes !, ma marraine Shirley Souagnon, Tania Dutel, Marina Cars, Rosa Bursztein … Toutes, on se serre les coudes. Les nanas de la nouvelle […]

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[…] une femme dans l’humour, c’est un sujet pour toi ? Dans tes spectacles, on sent bien ton engagement féministe : tu parles notamment d’orgasme féminin, des diktats des standards de beauté, l’image […]

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[…] es auteur, humoriste et aussi producteur. Tu co-produis Tania Dutel que nous avons déjà rencontrée. Qu’est-ce qui te plait dans son travail […]

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[…] Tania Dutel, que nous avons rencontrée il y quelques semaines, sera au Point Virgule en septembre ! Comment l’as-tu dénichée ? […]