Le problème de Laura Domenge ? Ses insomnies. Incapable de fermer l’oeil de la nuit, son existence se déroule dans un brouillard de semi-conscience où elle enchaîne les bourdes et les coups de gueule (selon l’humeur). Mais ce qu’elle nous révèle sur scène de ses rêves et de sa vie, c’est surtout son histoire à elle, intime, précieuse, violente parfois quand elle nous raconte son avortement, la claque qu’elle a prise quand le géniteur s’est barré, la laissant seule à gérer cet accident à deux. Un spectacle féministe, c’est certain, que l’humoriste se refuse de revendiquer comme tel, après tout elle ne fait pas de politique me dit-elle…
“Une nuit avec Laura Domenge” tous les vendredis et samedis à 19h30 à la Nouvelle Seine, à partir du 1er octobre 2022.
Tu écris tes spectacles la nuit ?
Oui en partie ! La nuit, j’ai des idées de fou. La plupart de mes spectacles sont écrits la nuit. Je rentabilise ce temps. Avant qu’Internet soit sur mon tel, mo spectacle était né dans mes rêves. Quand Internet est arrivé, il y a eu ce truc terrible qui mobilise mes nuits : ASOS ! Je remplissais des paniers, sans aller au bout. Maintenant je me suis interdite de faire ça la nuit, et j’ai voulu rentabiliser mes insomnies en écrivant mes spectacles !
Ton spectacle transpire le féminisme, c’est quelque chose que tu revendiques ?
Je ne veux pas dire que c’est un spectacle féministe, je n’ai pas envie de le revendiquer. J’y parle de ma vie de femme, et je trouve qu’en tant que telle, on est souvent confrontées au sentiment d’inadéquation : ça ne se passe pas pareil pour nous que pour d’autres. Mais je n’aime pas que le féminisme devienne un fonds de commerce !
Ça me saoule les marques qui mettent des messages féministes sur des t-shirts alors que c’est fait par des mecs au Bangladesh ! Et tiens par exemple : les festivals féministes gratuits, je comprends pas, comment on se paye !?
Laura Domenge
Je ne fais pas de la politique, je fais des blagues. Ma fonction première, c’est de faire rigoler, tant mieux si je fais passer des messages…
Tu ne portes pas de soutien-gorge sur scène…
Je ne mets pas de soutien-gorge depuis des années. Mais j’ai mis du temps à l’assumer en public !
Laura Domenge
Je me souviens de Tania Dutel qui avait dit à Shirley Souagnon qui faisait de la télé : « Tu te maquilles jamais, pourquoi tu le fais pour la télé ? » Et c’est vrai ! Pourquoi deviendrait-on une autre en public ? Dans mon ancien spectacle, j’avais un body balconé, j’ai trouvé ça débile. Pourquoi être plus pudique sur scène qu’au café du coin ? On assume !
Dans ce nouveau spectacle, tu te confies sur ton avortement. Pourquoi maintenant ?
Il a fallu que je digère. On attend des humoriste d’être très rapides sur les événements, mais moi j’ai besoin de temps pour les digérer. Ça a été une expérience très douloureuse pour moi, il m’a fallu plusieurs années pour en faire des blagues. J’étais trop choquée. On ne sait pas comment ça se passe, on est censée reprendre le boulot le lendemain… J’étais très pudique, j’avais un sentiment de culpabilité très fort.
J’ai entendu beaucoup de choses comme « C’est merveilleux d’avoir un enfant », « Aujourd’hui avec les moyens de contraception, c’est impensable » : mais à aucun moment un avortement est planifié, c’est un accident ! Et puis merde, c’est nous qui portons la charge mentale.
Laura Domenge
Quel passage de ton spectacle est particulièrement plaisant à jouer ?
J’aime tout ! Je suis heureuse de retrouver mon spectacle. Je suis excitée. Mais à cause de mes insomnies, ma mémoire est vraiment altérée. Je me demande toujours si j’ai bien tout dit…
Tu as aussi écrit un livre sur le thème de son spectacle !
Pendant le confinement, j’étais convaincue qu’on ne remontrait pas sur scène, alors j’ai tout de suite appelé ma maison d’édition. Mais comment faire pour écrire sans aucun contact avec le public ? Je me suis dit que j’allais travailler le thème de mon spectacle sur un autre support. C’est un journal de bord, découpé en heures de tout ce qui peut se passer dans ma tête pendant une insomnie.
Aujourd’hui, une vraie crew d’humoristes femmes se dessine. Il y a qui dans ta bande ?
C’est vrai qu’il y a une forte sororité chez les meufs, toutes générations confondues : les filles des Piquantes !, ma marraine Shirley Souagnon, Tania Dutel, Marina Cars, Rosa Bursztein … Toutes, on se serre les coudes. Les nanas de la nouvelle génération connaîtront autre chose j’espère. C’était très chaud les ambiances en loge… Tania Dutel en parle dans son dernier spectacle.
Tu interviens dans l’émission Piquantes ! sur TEVA. Tu apprécies particulièrement d’intervenir sur cette chaîne, pourquoi ?
Parce que c’est une safe place, on est liiiibres, on peut dire tout ce qu’on veut. On est une équipe qui est tellement forte qu’on se révèle les unes les autres. Mais c’est vrai que le travail est titanesque, je travaille 6 jours sur 7 pour TEVA et en même temps je fais des comédies club, et mon spectacle à la Nouvelle Seine qui a repris !
On sent que tu aimes particulièrement la Nouvelle Seine, pourquoi ?
C’est une longue histoire. J’y ai fait mon premier showcase un peu pro en 2015. On se suit avec Jessie Varin, la directrice artistique de la Nouvelle Seine, depuis un moment. C’est une salle qui a une cohérence dans sa programmation. Elle est WOKE ! Dans d’autres théâtres, il n’y pas toujours de cohérence, on voit passer des seuls-en-scène et peu importe le propos.
A la Nouvelle Seine, il y a un vrai parti pris, un engagement. Et puis le fait de jouer sur une péniche qui tangue, c’est dingue. Et je ne te parle pas des coulisses… Tu vois la classe 3 du Titanic ? C’est encore pire !
Laura Domenge
[…] car j’avais tant de femmes à mettre en avant : Shirley Souagnon, Olivia Moore, Tania Dutel, Laura Domenge, Rosa Bursztein… Les filles avaient de manière générale moins de visibilité, passaient moins […]