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La Nouvelle Seine : le théâtre flottant et engagé de Jessie Varin

La Nouvelle Seine le théâtre flottant et engagé de Jessie Varin le prescripteur crédit photo solenne jakovsky

 A 30 ans, Jessie Varin déniche une péniche en bord de Seine, face à Notre-Dame de Paris, appartenant à deux anciens magiciens qui souhaitent s’en séparer. Associée à un couple d’entrepreneurs qui veulent investir dans un restaurant, elle parvient à acheter le bateau et transforme sa cale en scène de stand up. La Nouvelle Seine est née. Depuis 10 ans maintenant, cette Directrice artistique au flair incontestable – Blanche Gardin a fait partie des premières humoristes à fouler ses planches – milite pour une meilleure exposition des femmes humoristes. On applaudit !

Jessie, tu n’étais pas convaincue par le milieu de l’humour avant de changer ton regard. Raconte-nous comment le voile s’est levé ? 

L’humour faisait plutôt partie de ma culture domestique, très liée à la télé : j’adorais les Nuls, les petites annonces d’Elie, les débuts de Jamel Debbouze… Je ne suis pas sûre de m’être rendue à un spectacle d’humour avant de commencer à travailler dans le milieu. J’en avais une image assez poussiéreuse et pas très fine. J’y suis donc arrivée par hasard ! A l’époque, je savais que je voulais travailler dans la culture, avec un fort côté social, de part mes études en sociologie. J’ai eu la chance d’être élevée par des parents qui m’emmenaient dans beaucoup d’événements culturels (festival d’art de la rue, populaires et gratuits, spectacles dans des théâtres subventionnés…). Quand j’ai commencé à faire mes armes dans la culture, je me suis dirigée vers des festivals de cinéma. Et puis après quelques années de petite précarité (stages, bénévolat), j’ai été embauchée en tant qu’hôtesse polyvalente au théâtre Le Point virgule. Il y avait Alex Lutz, Jérôme Daran, Camille Chamoux, Ben…

J’ai ouvert les yeux : l’humour peut défendre des messages, parler de choses graves avec une légèreté et une puissance d’impact réelle. Je suis devenue addict aux rires des gens dans la salle, c’est un pouvoir curatif.

Jessie Varin, fondatrice de La Nouvelle Seine
La Nouvelle Seine le théâtre flottant et engagé de Jessie Varin le prescripteur crédit photo solenne jakovsky
Jessie Varin – Crédit photo Solenne Jakovsky pour Le Prescripteur

Qu’est-ce qui t’a poussée à monter ton propre théâtre ?

J’avais besoin de travailler sur des spectacles qui suscitent un rire d’utilité publique.

Jessie Varin, fondatrice de La Nouvelle Seine

Le rire reste quelque chose de sérieux dans mon métier.

Je trouvais que dans les programmations des salles parisiennes, on trouvait peu de diversité sociale, presque aucun discours féminin… Il fallait changer ça.

Jessie Varin, fondatrice de La Nouvelle Seine

J’avais 30 ans et j’ai recherché sur Google les théâtres à vendre (c’est véridique !) et je suis tombée sur l’annonce d’une péniche en bord de Seine. Les propriétaires étaient d’anciens magiciens. J’ai eu un coup de cœur le jour de la visite quand on a poussé la porte de la cale et découvert ce théâtre niché dans la coque. Je l’ai fait visiter à mon actuelle associée Candice Cinquin qui cherchait un emplacement pour son restaurant. On a ouvert 5 mois plus tard.

Quelles sont les contraintes d’un théâtre flottant ?

Si c’était à refaire, je ne suis pas sûre de m’installer sur une péniche car on a été très naïfs ! Le bateau a énormément de contraintes techniques : il faut changer les amarres, penser à la crue, le courant de la Seine, le gel en hiver… On n’était pas des marins, et il a fallu qu’on se forme ! 

Les premières artistes à fouler les planches de la Nouvelle Seine sont tes « rebelles » comme tu aimes les appeler : Audrey Vernon, Blanche Gardin…

C’est Audrey Vernon qui a essuyé les plâtres en 2013 ! Je remercie les artistes qui m’ont suivie dès le départ : ils ont soutenu le pari de l’indépendance, dans un milieu rattrapé par le grand capitalisme où les salles parisiennes étaient rachetées par les milliardaires. C’est vrai qu’il y a eu une bascule avec Blanche car elle a ouvert la voie à un récit plus intime. Des hommes sont passés par ici, et puis une année, j’ai fait ce choix de mettre de côté les artistes masculins dans la programmation, car j’avais tant de femmes à mettre en avant : Shirley Souagnon, Olivia Moore, Tania Dutel, Laura Domenge, Rosa Bursztein… Les filles avaient de manière générale moins de visibilité, passaient moins de casting. Par mon travail, j’ai pris conscience que je participais à un inversement de la tendance.

Entendre des récits de femmes changeait du male gaze ! Cela faisait des années qu’on nous parlait de branlette, il était temps qu’on parle des règles !

Jessie Varin, fondatrice de La Nouvelle Seine

C’est ça qui a commencé à faire du bruit chez les comédiennes : elles qui vivaient des expériences de Schtroumpfette dans les comédies club, trouvaient à la Nouvelle Seine, une sorte de safe place.

Tu dis qu’il n’y a ni humour féminin, ni humour masculin…

Oui, je me méfie toujours de ce que l’on appelle humour féminin ou masculin. C’est vrai que dans un seul-en-scène, on se raconte : les expériences sont forcément genrées. Mais la technique du stand-up est la même ! Je préfère que l’on parle tout simplement d’humour.

La Nouvelle Seine le théâtre flottant et engagé de Jessie Varin le prescripteur crédit photo solenne jakovsky
Jessie Varin – crédit photo : Solenne Jakovsky pour Le Prescripteur

 Vous avez pu resigner un bail de 10 ans sur la péniche, soulagée ?

Oui ! Les 10 premières années sont passées comme un battement de cils ! Il faut savoir que le bateau nous appartient mais pas la concession qui, elle, appartient au port autonome de Paris : on paie un loyer pour s’amarrer ici. La particularité, c’est que les emplacements changent tous les 10 ans. On a travaillé sur un énorme projet pour défendre notre légitimité à rester : environnement, égalité homme-femme… Et ça a marché.  

Quels sont tes projets pour 2023 ?

Cette année, je lance officiellement la Nouvelle Seine Comédie Club, dans l’idée d’accompagner la création et de créer un Comédie Club plus inclusif, avec des talents autant femmes qu’hommes, toujours dans une recherche de parité, d’égalité. On est tou.te.s ensemble dans ce combat. 

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