C’est l’appel de Maxime Ruszniewski, co-fondateur de la Fondation des Femmes et auteur du Petit Manuel du féminisme au quotidien, fraîchement publié aux éditions Marabout. Au travers de 30 questions comme « Les féministes veulent-elles la guerre des sexes ? », « Quel est l’intérêt des hommes à faire l’égalité »… Maxime s’adresse humblement aux hommes et aux femmes qui ont envie de changer concrètement leur quotidien !
Il est rare de voir un homme publier un manuel du féminisme à destination des hommes et des femmes…
C’est peut-être le premier manuel mais il existe d’autres auteurs féministes comme Ivan Jablonka. C’est vrai que nous sommes encore peu nombreux ! J’y vois une double explication : d’abord, beaucoup d’hommes ne s’intéressent pas suffisamment au sujet, ils ont l’impression que le féminisme ne les concernent pas. Pour les autres, il y a la crainte de prendre la place des femmes, de se mettre en avant. Sur ce point il faut être très clair :
Nous avons besoin de tout le monde sur ce chemin vers l’égalité, mais les hommes ne doivent en aucun cas prendre la place des premières intéressées. Il faut participer, donner de la voix, mais à sa juste place.
Maxime Ruszniewski pour Le Prescripteur
Vous faites un parallèle entre les combats homosexuels et les combats féministes : c’est par votre homosexualité que vous êtes tombé dans le militantisme féministe ?
Je crois que mon engagement et la résultante à la fois d’un parcours personnel, en effet : celui du garçon qui ne correspondait pas aux critères du petit gars bagarreur dans la cour de récré, et qui qui a dû essuyer des insultes, des quolibets.
Le sexisme et l’homophobie ont les mêmes racines : la haine de tout ce qui est considéré comme faible, inférieur.
Maxime Ruszniewski pour Le Prescripteur
Mais mon homosexualité n’est pas la seule explication : c’est aussi le résultat de 11 années de militantisme, que ce soit au ministère des droits des femmes ou à la Fondation Des Femmes que j’ai cocréée.
Ce livre est structuré autour de 30 questions que vous invitez à « picorer ». Comment les avez-vous déterminées ? Quels grands thèmes avez-vous souhaiter impérativement aborder ?
Le choix des questions a été très simple : je suis parti de toutes celles qu’on me pose le plus depuis 10 ans ! Celle que les hommes, mais aussi les femmes de mon entourage me posent continuellement : sur le couple, la répartition des tâches ménagères, le sexisme au travail, dans la rue, mais aussi les violences faites aux femmes et les inégalités salariales.
J’ai souhaité aussi commencer le livre en donnant des clés pour toutes ces interpellations que les féministes reçoivent à longueur de journée, comme : « mais attends qu’est-ce que tu racontes, c’est un sujet dépassé! » ou encore « arrêtez de vouloir la guerre des sexes! »
« Contrairement aux femmes qui dénoncent depuis longtemps les diktats qui pèsent sur elles, les hommes ont certainement mis plus de temps à comprendre que certaines injonctions entravaient leur vraie nature » : de quelles injonctions parlez-vous et pourquoi cette prise de conscience se fait plus lentement et tardivement que les femmes selon vous ?
Ce sont les injonctions que tout homme connaît : être fort, ne pas pleurer, ne pas extérioriser ses sentiments… Le système patriarcal valorise ces comportements, et notamment la force physique considérée comme étant constitutive de la masculinité. On voit les problèmes que cela pose après … pour les hommes eux-même mais surtout pour les femmes. (ndlr : voir à ce sujet notre interview de Lucile Peytavin sur le coût de la virilité)
Cette prise de conscience est très tardive car elle n’est tout simplement peu ou pas critiquée ! Là où les qualités dites « féminines » sont sans cesse dévalorisées comme l’empathie, la fragilité… les qualités dites « masculines » font l’objet d’un consensus. Dans ce contexte, pourquoi se remettre en question ?
Maxime Ruszniewski pour Le Prescripteur
Ce livre met particulièrement en avant la nécessité pour les hommes de s’emparer de la question féministe : à la question de l’intérêt pour les hommes à faire l’égalité, que répondez-vous ?
Je réponds que le système patriarcal ne leur confère pas que des avantages, contrairement à une idée reçue. Les injonction décrites ci-dessus entravent l’épanouissement des hommes, et surtout les empêchent de vivre pleinement certains épisodes de leur vie comme la paternité.
Si prendre un congé paternité long était un acte socialement valorisé, alors beaucoup d’hommes noueraient des liens plus profonds avec leurs enfants.
Maxime Ruszniewski pour Le Prescripteur
Effectivement, il est question dans votre livre du congé paternité. Où en sommes-nous en France et que préconisez-vous ?
Justement, il est passé de 14 à 28 jours en 2021, mais seulement 4 sont obligatoires. Ce n’est pas suffisant. Dans certains pays comme la Norvège – que j’ai pu filmer pour TÉVA récemment dans un documentaire sur le sujet – , les pères prennent plusieurs mois de congé paternité. Là-bas on assiste à un véritable bal des papas en poussettes, et ça fait tellement du bien !
Je suis convaincu que l’égalité réelle se fera lorsque congé paternité congé et maternité auront une durée égale.
Maxime Ruszniewski pour Le Prescripteur
C’est possible, certaines entreprises le font déjà.
Ce que je retiens aussi de votre témoignage, c’est votre grande déception politique : que peut-on attendre aujourd’hui de nos dirigeants qui annonçaient faire de la cause des femmes, la grande cause du quinquennat ?
Des actes, seulement des actes. Proclamer l’égalité entre les femmes et les hommes sans objectiver les progrès, sans les chiffrer, cela ne sert à rien. Et c’est valable pour tout le monde, pas seulement pour les politiques !
Je crois par exemple qu’il ne suffit pas de naître femme pour être féministe. Sinon le patriarcat aurait été enrayé depuis longtemps !
Maxime Ruszniewski pour Le Prescripteur
Ce n’est ni notre genre, ni notre position sociale qui déterminent notre niveau de féminisme, ce sont nos actes. On peut toutes et tous s’y mettre. Alors, les résultats arriveront enfin.
Crédit photo couverture – Nicolas Comte