Un oeil, une bouche, une coccinelle… Je suis tombée en adoration devant les broches brodées de Céleste Mogador : un univers coloré et farfelu qui dit “fuck” au minimalisme et se la joue rock’n’roll sans complexe…. tout comme sa créatrice bretonne, Pascale Nivet, aussi déjantée que ses créations. La broderie ? “Mon anxiolytique manuel”, me confie cette bidouilleuse de tout, oiseau rare dans l’univers de la création.
Qui est Céleste Mogador ?
Le pseudonyme d’Élisabeth-Céleste Vénard, une danseuse de French Cancan au 19ème siècle. Je cherchais un nom pour ma marque et j’ai aimé l’histoire de ce personnage spectaculaire et la sonorité de son nom “Céleste Mogador” !
Quand as-tu commencé à broder ?
Lorsque je bossais pour mon ancien business, j’allais beaucoup au Japon voir une société de distribution à Tokyo. Et tu vois comme je suis : super speed, rigolote mais très angoissée, en fait je suis un clown angoissé ! Alors je brodais pour me canaliser, me calmer, j’ai toujours fais ça et je continue aujourd’hui.
J’apprends tout de façon empirique. C’est peut-être pour ça que j’ai pas eu mon bac !
On a l’impression que tu es capable de toucher à tout…
C’est vrai. Je ne suis pas une artiste, tu sais. Je ne suis pas non plus un artisan. Je suis une bidouilleuse ! Tu me donnes trois perles et du fil, je te fais une broche. Tu me donnes un conteneur de palettes, je t’en fais une sculpture. J’apprends tout de façon empirique. C’est peut-être pour ça que j’ai pas eu mon bac ! (rires)
Tes broches sont pleines d’humour, ton univers étrange et fascinant…
C’est pop ! Tu sais, les gens qui achètent mes broches ont souvent des looks sages et s’offrent un brin de folie, une touche rock’n’roll avec mes créations. C’est ce que j’adore.
Avant Céleste Mogador, tu avais lancé La Marelle, une marque de papeterie et d’accessoires de décoration en 2004, puis Ete 36 en 2014, une marque de prêt à porter, papeterie et accessoires. Comment vis-tu la naissance de ce nouveau projet ?
J’ai dû stopper les deux précédents business. Cela a été très dur. Parfois je panique, je me dis que je vais avoir 50 ans et que je recommence tout à zéro mais dans ces cas-là, mon mari Fabrice intervient pour me dire “On ne repart pas de zéro, regarde tout ce qu’on a appris” et il a tellement raison.
Tu travailles en binôme avec ton mari ?
Fabrice est gestionnaire de l’entreprise: il s’occupe de toute la partie commerciale, logistique et du site internet.
A quel moment tu as senti que tes broches seraient ton prochain projet entrepreneurial ?
J’ai commencé à partager mes petites créations sur les réseaux. Beaucoup de gens m’ont contactée pour des broches sur-mesure, les commandes venaient d’un peu partout dans le monde. C’est là que mon mari m’a dit “Il faut qu’on se lance dans le bijou”. J’ai cru mourir de joie quand Vincent Grégoire, le chasseur de tendances, m’a placée dans l’espace “Découverte” du salon Maison et Objets. J’ai bossé comme une folle pour proposer plusieurs ambiances et mettre en scènes mes broderies. Cela a été un vrai tremplin.
C’est pénible ces modes où tout le monde se met à faire la même chose : un peu de singularité, quoi !
Tu es connue pour tes broches “Yeux”. Aujourd’hui le motif de l’oeil est partout…
Kenzo n’avait pas encore sorti ses T-shirts ! Quand j’ai vu ça, je me suis dit “Merde, je ne suis pas connue, tout le monde va croire que j’ai copié Kenzo !” (rires) En même temps, et sans me vanter, je suis assez souvent en avance, et à mes dépens : je me rappelle avoir lancé pour la Marelle des tatouages éphémères en 2007, on a dû tous les jeter… Mais c’est pénible ces modes où tout le monde se met à faire la même chose : un peu de singularité, quoi !
Des yeux, tu es passée aux clefs, aux cartes, aux os… puis maintenant aux bouches, aux insectes et aux coeurs. Où puises-tu toute cette inspiration ?
Je me nourris de tout. De la musique pop rock des Sex Pistols, The Verve, The Cure… des stylistes britanniques comme Vivienne Westwood et Alexander McQueen. J’adore le travail graphique d’Alessandro Michèle, directeur de la création chez Gucci, le boulot de Martin Margiela et le style surréaliste de la Maison Schiaparelli. J’ai des idées qui me tombent comme ça, d’un coup. Je suis incapable de dire vraiment d’où ça me vient. Tu sais, quand t’es créateur et que tu te balades, t’es une éponge, t’assimiles !
La broderie est mon anxiolytique manuel, je peux broder pendant des heures, jusqu’à oublier tout ce qu’il se passe autour de moi.
Quelles sont les étapes de fabrication de tes broches ?
Je commence par dessiner au feutre noir sur la toile, puis je brode en regardant Arte ! (rires) La broderie est mon anxiolytique manuel, je peux broder pendant des heures, jusqu’à oublier tout ce qu’il se passe autour de moi. Je bosse un proto, si je sens que ça matche bien, j’ai une graphiste qui réalise une fiche technique et j’envoie en production dans une super usine en Inde et à Madagascar, ce sont les meilleurs en broderie et cela me permet de proposer des broches à des prix raisonnables.
Je ne veux pas d’austérité ! Y’en a déjà trop dans ce monde.
La couleur est très présente dans ton travail…
Je ne veux pas d’austérité ! Y’en a déjà trop dans ce monde.
Ton site propose aussi des pièces uniques…
Ce sont des modèles que je réalise moi-même. ILs représentent souvent des heures et des heures de travail !
Tu signes une collab’ avec David Hart, marque américaine de prêt-à-porter masculin. Qu’as-tu imaginé pour eux ?
Oui, joie fierté ! Il m’a demandé une série de broches “Hippocampes” pour sa collection Printemps – été 2019 que j’ai réalisées spécialement pour cette occasion. La collection s’inspire du scandale du Watergate et propose des proportions surdimensionnées des années 1970, des palettes de couleurs inspirées de l’intérieur KNOLL et de mes broderies. J’ai aussi réalisé quelques broches yeux, pièce mythique de mes collections.
Je veux que quand mes clients achètent un bijou de chez moi, ils aient de la came quoi !
Comment tu vois le futur de Céleste Mogador ?
Je veux toucher à pleins de choses. Aujourd’hui je fais des broches, des sacs, des tapis, des pochettes, des chaussures, des carreaux de ciment… Demain j’aimerais beaucoup intégrer des cristaux de roches taillés dans mes broderies pour réaliser des bijoux plus luxueux, généreux. Un truc girly, baroque, un peu gourmand. Je veux que quand mes clients achètent un bijou de chez moi, ils aient de la came quoi ! (rires)
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