« Être raciste, c’est quoi ? » Camille Aumont Carnel répond haut et fort

Être raciste, c'est quoi essai contre le racisme ordinaire et systemique Camille Aumont Carnel interview le prescripteur crédit photo Lucie Sassiat

« Quand est-ce que je vais devenir blanche ? » C’est la question que posait Camille Aumont Carnel, à l’âge de 3 ans, à ses parents adoptifs (mère diplomate et père au foyer, tous les deux blancs). Une question innocente qui pourtant en dit long sur « son conditionnement à l’infantilisation des personnes noires et sur le pouvoir des imaginaires sociétaux. » : pour l’enfant qu’elle était, un adulte ne pouvait être qu’une personne blanche, être noire qu’un passage…

Dans son premier essai « Être raciste, c’est quoi » paru aux éditions Lamartinière, Collection alt, Camille livre son expérience personnelle du racisme à valeur universelle, et ses clefs pour sortir de ce rapport de domination. A l’heure où la montée de l’extrême droite est effrayante, ce petit format A6 de 32 pages est à mettre entre toutes les couleurs de mains (la collection précise même à partir de 15 ans !), et Camille nous dit pourquoi. Rencontre.

Non, ma personne n’est pas atypique : je suis juste une femme noire qui refuse la douille de la discrétion et je bouscule les cadres de référence dans lesquels on a toujours voulu faire rentrer « les gens comme moi ».

Camille aumont carnel

25 pages A6, 3€50, c’est clairement un prix pour que le plus grand nombre l’achète et le lise. C’est ce qui t’a plus dans le challenge de cette collection ? 

J’ai accepté le challenge de cette collection avant tout parce que : structurer ma pensée de façon à ce que mon propos rentre dans 32 pages sans que ce soit un catalogue de punchs, me paraissait immensément intéressant. La cible également, la jeunesse et notamment les ados a été un argument en plus. Et enfin, la thématique : pouvoir parler d’un problème structurel et structurant dans notre pays devenait une urgence. 

Ton essai s’attaque au racisme et particulièrement au racisme ordinaire et systémique : un sujet que tu n’avais pas encore abordé sous forme littéraire. Pourquoi maintenant ?

Je n’ai jamais dissocié mon identité de femme de celle de personne noire. Ce livre en est la matérialisation.

Camille aumont carnel

C’est un sujet dont j’ai toujours parlé, mais dans mes identités. Le passage à l’expression publique coïncide avec le moment où je me sentais prête. Prête à partager, transmettre mon discours et aider à entamer des prises de conscience. 

Le texte est à ton image : bourré de punchlines qui décoiffent. Il insiste dès le départ sur ta légitimité : ça m’est arrivé, donc ça existe. Faire cette toute première mise au point te paraissait essentiel pour aborder la question du racisme ? 

Parce que je n’ai absolument pas le temps, ni aucun espace pour les « oui mais ça reste ton point de vue. » et les « c’était sûrement de l’humour. ». Aucun. C’est un parallèle existant dans d’autres luttes et violences. Paris, la ville dans laquelle j’habite est bourré de « Je te crois ! » sur les murs en soutien aux victimes de violences sexuelles, sexistes et domestiques. La dimension intersectionelle de mon identité me pousse à faire des ponts. C’était un des premiers. « Je me crois ! »

Tu racontes dans ce livre quelques expériences de racisme : en cuisine (ta première vocation), à la banque où l’on te prend pour l’assistante de madame Aumont Carnel. Quel fil rouge rassemble toutes ces expériences que tu dénonces ? 

Hummmm, les personnes racistes et les personnes qui perpétuent des comportements racistes ? Le fil rouge est ce qu’on a voulu faire des personnes noires, ce qu’on a voulu raconter et rêver à notre place. Ce qui rassemble ces expériences, c’est avant tout le niveau de violence et à quel point, dans mon cas, elles m’arrivent lorsqu’il n’y a presque personne autour. C’est vicieux parce que face à une foule, les 3/4 de ces situations, violences et micro-violences ne se serait pas produites.

Le fil rouge ce n’est pas la maladresse, ni la bêtise, c’est les racistes. 

Dans ce court essai, tu cites une écrivaine et militante dont on parle de plus en plus aujourd’hui (enfin !!) : bell hooks. En quoi a-t-elle éclairé ton chemin ? 

bell hooks est venue mettre ses mots sur les vécus via des phrases courtes et d’une justesse fédératrice rare. bell hooks, ce sont des « mais c’est tellement ça !!!!!!! » toutes les deux pages lors de la lecture de chacun de ses livres.

bell hooks, c’est cette femme qui a vécu des expériences communes, mais avant. Elle est déjà passée par la rage, la colère, le seum, la tristesse et la violence. Puis elle a délivré son message pour que l’on se sente moins seules. C’est une reine. 

Camille aumont carnel
Camille Aumont Carnel – crédit photo Lucie Sassiat pour Le Prescripteur

Camille Aumont Carnel – Ne pas se laisser faire : c’est le message je crois que tu souhaites partager et cela passe par l’anticipation. Pour toi, la clef pour se protéger de ce rapport de domination, c’est donc la répartie ?

Disons plutôt que la repartie est une des clefs pour se protéger et se défendre. J’ai d’autres idées en tête en matière de défense, mais c’est celle que j’ai voulu mettre en avant. La répartie permet d’humilier. C’est toujours assez efficace et satisfaisant. 

La répartie n’est pas synonyme de violence physique et elle permet de désarmer en s’y préparant. Ce n’est pas une question de talent, ni de tempérament, ni de caractère, ni de personnalité. Il a celleux qui en ont et celleux qui peuvent apprendre.

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« Être raciste, c’est quoi ? », de Camille Aumont Carnel, Collection Alt (3,50€)

Le climat actuel est affreusement tendu avec les élections des 30 et 7 juillet : tu as appelé à voter contre le Rassemblement National. Quel message souhaites-tu faire passer avant ce premier tour ?

L’abstention peut être un choix moral mais pas un choix concret. Les électeurs et électrices du Rassemblement National elleux vont voter. Iels font la queue et ne laisse aucune place à la flemme.

Camille aumont carnel

60% des 18-24 ans et 66% des 25-34 ans ne sont pas allé voter. J’aimerais vous dire que l’heure est du côté de conviction absolue : mais nous n’avons pas ce luxe.

Le RN s’oppose  à la condamnation de toute forme de racisme. Le RN s’est opposée à une résolution pour sauver la vie des migrant-es en mer. Le RN s’est mobilisé contre l’IVG gratuite et légale. Le RN a voté contre les lois sur le harcèlement sexuel. Vraiment ? Il y a débat ? La liste est encore longue. 

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Crédit photo couverture – Lucie Sassiat
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