On s’est toutes déjà fait larguer comme une vieille chaussette : jetée sur le trottoir, oubliée au fond d’un panier à linge ou déchirée par les canines du chien ! Juliette Arnaud, elle, s’est fait jeter par son mec sans une once d’explication ni communiqué de presse. Pas joli, joli ! Devant l’évidence, un peu pour hurler, un peu pour se venger, beaucoup pour comprendre et digérer, elle a alors décidé d’écrire le livre que l’autre lui refusait. Une histoire de corps qui se séparent, de cœurs qui se déchirent, une histoire d’amour comme il en existe des centaines en littérature… mais présentée de manière inédite.
Ça donne Comment t’écrire Adieu !, une playlist fantastique de chansons, 14 en tout, dont la fameuse Comment te dire adieu, écrite par Serge Gainsbourg en 1968 pour Françoise Hardy. Bien davantage qu’une bande originale, sa playlist guide tout le roman, à la fois dans son architecture et dans son propos.
Comédienne formée au cours Florent, Juliette a explosé sur scène dans sa pièce Arrête de pleurer Pénélope, co-écrite avec Christine Anglio et Corinne Puget. On a pu la voir à la télé, et depuis 2014 les auditeurs de France Inter l’entendent chroniquer des livres, en ce moment dans l’émission Par Jupiter ! de Charline Vanhoenacker.
L’héroïne te ressemble un peu, beaucoup, passionnément ?
C’est tout à fait moi. Il n’y a aucune différence. J’ai cherché à m’ausculter. Ce n’est pas tant que je me trouve particulièrement intéressante, mais plutôt que je pense avoir pas mal de choses typiques de ma génération. J’avais des trucs dans le ventre qui devaient sortir et mon histoire personnelle est universelle. Je fonctionne comme Lena Dunham dans Girls : dès le 1er épisode, elle dit qu’elle va être la voix de sa génération. C’est un pari gonflé et peut-être prétentieux, mais la série a cartonné ! Nous faisons partie d’un ensemble qui s’appelle les femmes !
Chaque chapitre s’articule autour d’une chanson. 14 c’est beaucoup et c’est peu… Comment les as-tu choisies ?
Je voulais des chansons qui fassent écho à des thèmes : par exemple les Gymnopédies d’Eric Satie ressemblaient à nos dimanches avec mon mec, à nos matins gris bleus ; cela va de la variété française avec Etienne Daho à de la Pop Music avec Selena Gomez. Certaines sont mélancoliques et dépressives, d’autres entrainantes, donnant envie de danser et de chanter !
Les histoires d’amour ne sont pas toutes belles et je ne voulais pas passer pour une héroïne. Je ne regrette même pas d’avoir vécu cette histoire avec Pierre, de toute façon les hommes ne me liront pas. Les hommes sont souvent vaniteux.
Comment te sentais-tu ?
Impuissante, faible, vulnérable, blessée… mais je ne m’apitoie jamais sur mon sort ! Qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’une psychothérapie ! C’est bien un exercice littéraire, même si c’est de l’autofiction. J’ai eu des retours de lectrices qui m’ont touchée. Certaines d’entre elles m’ont dit s’être retrouvées en moi. Les histoires d’amour ne sont pas toutes belles et je ne voulais pas passer pour une héroïne. Je ne regrette même pas d’avoir vécu cette histoire avec Pierre, de toute façon les hommes ne me liront pas. Les hommes sont souvent vaniteux.
Ton livre fait penser aussi aux cassettes que l’on s’enregistrait adolescentes (précisons tout de suite aux filles qui vont nous lire que l’interviewée et l’intervieweuse sont méga vieilles, cad ont la quarantaine et connu des radiocassettes, NDLR) …
Nous sommes la première génération à nous être concoctés des cassettes d’amour. A mes yeux, rien n’a pu égaler ça ! C’était le plus beau cadeau qu’un garçon pouvait me faire. Je les ai malheureusement jetées. J’ai gardé une compil’ faite sur CD, offerte plus tard.
Tu travailles en musique ?
J’ai des playlists pour toutes mes humeurs et mes activités. Je les ai organisées par émotion : si je veux pleurer, j’en ai une qui s’appelle « La Chialade ». Il y en a une autre pour faire la sieste, une pour les dîners familiaux. Celle qui me tient le plus à cœur est celle qui me vient de ma grand-mère maternelle, il y a Charles Trenet, Juliette Gréco, Mireille et Jean Sablon, Andrew Sisters, Cab Calloway, Sarah Vaughan, Ray Ventura, Cora Vaucaire. Extraordinaire Cora Vancaire !! Sa chanson sur la complainte de la pute est très bien écrite et parfaitement interprétée. Quand je l’écoute, j’ai l’impression d’être avec elle. Si je suis devenue sentimentale, c’est grâce à elle ! (rires). La musique c’est comme des petites madeleines de Proust.
Exercice littéraire… on dirait que tu as pris goût tout simplement à l’écriture ?
A fond ! J’ai déjà fini d’écrire mon deuxième livre et cette fois c’est une totale fiction. Le prochain, le 3e, sera encore une fiction. Un écrivain se sert toujours de ses proches, de son vécu, même lorsque cela n’apparaît pas évident. Cependant, c’est parfois impossible d’aborder des sujets tant que certaines personnes sont encore vivantes. Avant la mort de mon père, je ne voulais pas écrire sur lui pour ne pas lui faire de peine. En tant qu’auteur on a des responsabilités.
Tu n’échapperas pas à ma question sur ton rituel beauté ! Quel est-il ?
Ma seule obsession a longtemps été mes cheveux. J’ai claqué une fortune depuis plusieurs années en décoloration, masque… tout en essayant de changer la nature de mes cheveux. Heureusement, cette manie s’est tempérée avec le temps. Question maquillage, j’ai aussi évolué… quand je jouais dans Arrête de pleurer Pénélope, on se maquillait nous-mêmes. Une catastrophe, on en mettait toujours trop ! Plus je vieillis, moins je me maquille. Aujourd’hui, je suis fidèle au traie de crayon sous les yeux de chez Nars. J’aime les rides chez les autres, pas trop chez moi, alors j’utilise un anticerne de chez L’Oréal.
Comment t’écrire Adieu ! de Juliette Arnaud, Belfond, 17 euros.