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Les bienfaits de la gynécologie émotionnelle avec Maud Renard

Pour celles qui pensent que prendre soin de sa sphère intime se limite à la grossesse, à l’accouchement, et c’est tout, on vous présente Maud Renard, aka La Oniora, qui a développé une pratique de gynécologie émotionnelle touchant essentiellement à ce dont on aime le moins parler, voire qu’on aime le moins vivre pour certaines : les règles. Ou comment nos lunes peuvent devenir notre carte d’identité, nous permettre de mieux nous connaître et peut-être d’y voir plus clair sur certaines choses…

Tu as commencé à travailler en tant qu’architecte… Qu’est-ce qui t’a amenée à la gynécologie émotionnelle ?

J’avais déjà planté une graine avant de partir en Colombie, mais c’est mon expérience là-bas qui a tout enclenché : en arrivant j’ai eu du mal à trouver un gynécologue, dans la toute petite campagne où j’étais, car je souhaitais retirer mon stérilet. J’ai finalement réussi à le faire par mes propres moyens, au milieu de nulle part. Je me suis alors dit que certaines choses étaient possibles sans les médecins, sans que j’aie quoi que ce soit contre eux.

Ca m’a donné une puissance dingue de me dire qu’avec les bonnes informations on peut faire quelque chose de bien pour soi. Je me suis dit qu’il serait peut-être possible de soigner aussi mes cystites et mes mycoses par moi-même. En parallèle, j’ai commencé à intégrer des cercles de femmes colombiennes où j’entendais parler de connexion à la lune et des différentes énergies du cycle.

Miranda Gray, que j’ai beaucoup lue, a fait un gros travail là-dessus, complété par les savoirs ancestraux colombiens que j’ai pu rencontrer lors de mon voyage. J’ai donc entamé une formation en gynécologie naturelle en Colombie, puis avec une chilienne, tout en partageant mes découvertes sur la gynécologie émotionnelle sur Instagram. J’ai eu beaucoup d’échanges avec des femmes puis de demandes de conseils sur les menstruations et il y a 2 ans j’ai décidé d’en faire ma principale activité.

J’ai fini par me définir comme ça, « celle qui honore l’utérus, la sphère gynécologique des femmes », et par extension celles que j’accompagne deviennent « les femmes qui s’honorent ».

Maud Renard – Gynécologie émotionnelle

Pourquoi as-tu choisi la Colombie comme destination ? Et pourquoi avoir choisi La Oniora comme nom ?

Mon copain et moi voulions quitter Bruxelles et la vie citadine. Lui souhaitait parler espagnol, on adore la salsa, la cumbia… beaucoup de raisons nous ont dirigés vers la Colombie, et on ne l’a pas regretté ! Nous y avons passé deux années magiques, mais je n’avais pas d’attentes spécifiques concernant la gynécologie émotionnelle en partant, tout s’est déclenché sur place !

La Oniora, c’est un frangnol en fait.  J’ai eu cette intuition pour mon nom, sans savoir exactement à quoi ça correspondait. Beaucoup de gens croient que ça veut dire « honorée » en espagnol, alors que pas du tout ! Mais j’ai fini par me définir comme ça, « celle qui honore l’utérus, la sphère gynécologique des femmes », et par extension celles que j’accompagne deviennent « les femmes qui s’honorent ».

La gynécologie émotionnelle concerne les dérèglements du cycle menstruel vus à travers le prisme des émotions.

Qu’est-ce que la gynécologie émotionnelle ?

Ce terme est aussi utilisé au Brésil, mais pour l’instant je ne l’ai pas vu ailleurs. Pour moi la gynécologie émotionnelle concerne les dérèglements du cycle menstruel vus à travers le prisme des émotions. Il s’agit de lier les deux, puisque notre cycle fait partie de notre vie tout comme nos émotions, les deux sont liés ! Quand on n’est pas confortable émotionnellement, on se rend souvent compte que la sphère gynécologique témoigne du même inconfort. Les travaux de Michel Odoul (fondateur de l’Institut Français de Shiatsu et auteur de Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi ed.Albin Michel, ndlr) et de Jacques Martel (Le Grand dictionnaire des malaises et des maladies, ed. Ressources et Santé, ndlr) sur le décodage biologique, et la médecine traditionnelle chinoise vont dans ce sens, je n’ai rien inventé ! Chaque organe est lié à une émotion.

Quelle est la différence entre ton activité et celle d’une doula / sage-femme ?

Les sage-femme ne sont pas exclusives à la grossesse et à la naissance, on peut les consulter aussi pour beaucoup d’autres questions liées à la gynécologie, elles peuvent rédiger des prescriptions, il faut le savoir !

A l’inverse en ce qui me concerne, il n’y a pas que des femmes enceintes, puisqu’à 1,8 enfant par femme la grossesse et l’accouchement ne représentent qu’une période limitée. J’ai choisi de m’intéresser à celles qui sont moins magnifiées, à ces xxx cycles menstruels que les femmes connaissent durant une très grande partie de leur vie. Donc en effet je n’accompagne pas les femmes enceintes et en post-partum, je les envoie chez des sage-femme ou médecins dont c’est le domaine. Je m’occupe des autres, celles qui vivent leur cycle menstruel et qui ont besoin d’aide, de réconfort et d’écoute.

A ton avis, pourquoi en France, pays de la « santé pour tous », il y a encore tant d’ignorance, y compris chez les femmes elles-mêmes, de leurs cycles et des maux qui y sont liés ?

C’est sûrement lié à l’exclusion des femmes des sphères érudites depuis les chasses aux sorcières des XVe et XVIe siècles. A partir de ce moment-là, la médecine a été légalisée comme seul canal (exclusivement masculin) de savoir sur la santé. Ce choix a certainement pu éviter pas mal de charlatans, mais il a aussi contribué à mettre l’herboristerie de côté, et avec elle des savoirs ancestraux qui se sont perdus. Heureusement aujourd’hui on retrouve une partie de ces pratiques grâce aux naturopathes et au retour de l’utilisation des plantes médicinales.

L’idéal au vu des savoirs d’aujourd’hui serait bien sûr de combiner les deux, la médecine traditionnelle dont on a évidemment besoin, avec les pratiques alternatives. Pour l’instant on y arrive peu car la parole du médecin est rarement remise en question. Pourtant on peut consulter 3 médecins compétents et recevoir 3 diagnostics différents ! Globalement on ne laisse aucune place à la connaissance de soi et à l’intuition, qui s’avèrent souvent justes. On nous apprend à ne pas questionner la parole médicale, et plus encore en tant que femmes. La passivité du terme « patient/e », celui ou celle qui attend un diagnostic, subit sa maladie et espère sa guérison sans être pleinement acteur/rice de sa santé n’aide pas non plus !

Penses-tu que les femmes prennent petit à petit conscience de cette méconnaissance d’elles-mêmes aujourd’hui ?

Oui, parmi mes proches c’est évident que ça avance, ensuite lors de mes ateliers en gynécologie émotionnelle, je me suis rendue compte que les femmes ignoraient encore des points essentiels de leur anatomie, par exemple ce que c’est le ligament entre l’utérus et le sacrum qui provoque les douleurs du dos pendant les règles. Elles étaient choquées d’apprendre ça, et en sont ressorties plus « sachantes » qu’en des dizaines d’années de menstruations !

13% des femmes ont un cycle de 28 jours… Il est donc tout à fait normal d’appartenir aux 87% « restantes »!

Les cycles peuvent être déréglés par de multiples facteurs extérieurs, on a pu le constater notamment pendant le confinement. En fait est-ce que le cycle « normal » existe ou est-ce que c’est un mythe?

Il faut savoir que seulement 13% des femmes ont un cycle de 28 jours… Et qu’il est donc tout à fait normal d’appartenir aux 87% « restantes »! Par ailleurs, puisqu’il est intimement lié aux émotions, le cycle évolue tout au long de la vie en fonction de nos expériences. L’ovulation pile au 14e jour, les menstruations le même jour tous les mois, ce n’est pas la règle. C’est quand on constate des changements importants et soudains dans son cycle qu’il faut se poser des questions.

Comment peut-on expliquer les différents maux liés aux cycles ?

C’est tout mon travail de décodage de l’utérus qu’on peut envisager comme une citerne d’émotions (j’aime bien cette image).  Parfois le robinet s’ouvre trop vite ou trop fort, ce qui crée des douleurs menstruelles. Parfois il goutte au mauvais moment, ce sont les petits saignements à l’ovulation par exemple… Il y a une multitude de signes à repérer, qui n’ont rien à voir avec un cycle long ou court, puisque je vais le répéter, chaque cycle est comme chaque femme, unique chaque mois en fonction de son vécu, et la durée du cycle en elle-même n’est pas une maladie.

En fonction de ce que me dit la personne, je fais le lien entre les signes qu’elle me décrit et son histoire pour l’aider à décoder ce qu’il se passe.

Chaque cycle est comme chaque femme, unique chaque mois en fonction de son vécu, et la durée du cycle en elle-même n’est pas une maladie.

Tu partages avec Véronique de la Cochetière l’idée que les maux liés aux cycles peuvent être récents, ou plus anciens, voire trans-générationnels, peux-tu nous expliquer comment c’est possible ?

Il a été prouvé que nos cellules ont une mémoire. Par extension, quand ta maman était à 4 mois de vie embryonnaire dans le ventre de ta grand-mère, elle portait déjà une infime partie de toi, c’est fou quand on y pense, ces 3 générations en une !  Mais le sang de la grand-mère n’explique pas tout, il y a aussi la puissance de la lignée paternelle qui se traduit différemment.

Il a été prouvé que nos cellules ont une mémoire. Par extension, quand ta maman était à 4 mois de vie embryonnaire dans le ventre de ta grand-mère, elle portait déjà une infime partie de toi, c’est fou quand on y pense, ces 3 générations en une !

Cette double filiation conduit à des rapports de loyauté/trahison qui peuvent se manifester dans les maux du cycle. Par exemple, une femme est venue me voir pour de l’endométriose qui s’est déclenchée subitement à 24 ans. On a cherché dans son parcours de vie ce qui avait pu générer ça, rien. C’est en cherchant dans l’histoire de sa mère, qui a dû tout quitter à 24 ans pour suivre son père à l’étranger, qu’on a pu commencer à décoder.

Est-ce que tu as un exemple inverse de trahison ?

La trahison peut se manifester par de fortes douleurs menstruelles, chez une femme qui n’est pas entendue dans sa volonté d’être différente de sa famille, et son utérus crie à sa place : « Je ne veux pas être comme vous ! ».

Et puis on oublie souvent la vie professionnelle et les douleurs qu’elle peut occasionner dans le cycle, liées à un burnout par exemple. Comme si les douleurs menstruelles étaient uniquement liées à la maison et à la sphère privée…

Tu proposes des remèdes naturels, dont des plantes, mais aussi un bain de vapeur vaginal, quelle est son utilité ?

J’utilise certains remèdes naturels pour moi-même, dont les bains de vapeur, mais je ne les conseille pas directement, je renvoie toujours vers une naturopathe ou des femmes qui pratiquent exclusivement cela. Si les bains de vapeurs vous intéressent je vous recommande Julie Austin (www.leventresacré.com)  et Héloïse Clarks (www.naiadis.com).

Par contre, il est prouvé que certaines plantes comme le framboisier ont un effet bénéfique sur le cycle menstruel grâce à leurs « oestrogènes-like » qui agissent comme un placebo naturel et invitent le corps réguler sa production d’oestrogènes.

J’insiste également beaucoup sur le pouvoir de la parole. On doit parler à son utérus, et pas que lorsqu’on a mal !

J’insiste également beaucoup sur le pouvoir de la parole. On doit parler à son utérus, et pas que lorsqu’on a mal ! On peut par exemple le remercier pour des menstruations, qui permettent d’évacuer le trop-plein émotionnel du cycle passé.

Tu suggères également de noter les émotions de son cycle pour mieux les transformer et les évacuer. Est-ce que le cycle est uniquement une question d’émotions/hormones qui montent et qui descendent ?

Bien sûr que ce n’est pas qu’une question d’hormones, et ça devient presque stigmatisant de dire : « Elle est chiante, c’est parce qu’elle a ses règles ! » En même temps si on s’autorisait à être un peu chiante tous les jours et pas seulement une fois par mois, ça arrangerait peut-être les choses !

Les troubles du cycle menstruel proviennent d’une réaction de ton corps. Ton corps réagit aux émotions de 1000 manières différentes, qui sont créées par une partie du cerveau hors de portée du langage. Une douleur ou un dysfonctionnement, c’est la façon non-verbale qu’a ton corps archaïque de te dire qu’il y a un bug. Et généralement quand ça bugge au niveau du cycle menstruel, ça a trait à ton identité, puisque l’utérus en est la matrice.  Ensuite, il faut décoder le bug et arriver à l’exprimer par le langage. Cela tient essentiellement à parvenir à se faire confiance et arriver à poser les limites de sa sphère intime, et donc de sa sphère identitaire.

Le but est de se connaître de mieux en mieux, en apprenant à se décoder et à se parler plus facilement. Et je ne m’adresse pas ici qu’aux femmes cisgenre, je tenais à le préciser ! Des personnes non-binaires ou transsexuelles sont également concernées par les menstruations, c’est important qu’elles puissent également pratiquer ce décodage pour mieux se connaître. Le féminin n’est pas qu’un utérus, et inversement l’utérus n’est pas que féminin !

Pour en savoir plus sur Maud et les accompagnements qu’elle propose en groupe ou en individuel, visitez son site.

Et pour la suivre sur Instagram : @la_oniora

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