Toutes les maisons d’édition sont dans les starting-blocks pour les prix littéraires. En attendant de savoir qui aura le Goncourt, le Renaudot & co, on a extrait quatre perles du champ de bataille !
Le coup de sifflet a été donné le 1er septembre avec le prix du roman fnac décerné à Gaël Faye dont on va vous dire pourquoi on a adoré son magnifique Petit Pays (Grasset). Après le Femina décerné le 25 octobre, ce sera au tour du Médicis le 2 novembre, puis le Goncourt et le Renaudot le 3, le Flore et l’Interallié le 8 et enfin le Wepler le 14. Que les meilleurs gagnent !
Petit Pays de Gaël Faye
Prix du roman fnac, en lice pour… les prix Goncourt, Goncourt des lycéens, Médicis, Femina, Interallié et Grand Prix du roman de l’Académie française
Gaël Faye est franco-rwandais. Il est chanteur, auteur compositeur (il rappera le 15 novembre au Café de la danse dans le Marais, sinon écoutez vite sur youtube son Pili pili sur un croissant au beurre) et a travaillé auparavant dans la finance. Inclassable, Gaël Faye est un poète. Depuis un mois, son Petit Pays tutoie les meilleures ventes aux côtés d’Amélie Nothomb. Préparez-vous à être secouées par cette enfance foudroyée par la guerre civile et le génocide des Tutsis (sa mère est tutsi), la brutalité d’un divorce et la perte de ses amis, la mort d’un oncle, la prescience des massacres… jusqu’au départ pour la France, fausse terre d’accueil où il découvre pour la première fois sa couleur noire. « Le piment et le croissant ont le goût d’un enfant » : le flow de Gaël Faye est un mélange de violence et de souvenirs sucrés, une guerre des boutons au bord du lac Tanganyika, la nostalgie d’un paradis perdu.
Déserteur de Boris Bergmann
En lice pour le prix Wepler et le Flore
L’homme contre la machine. Le soldat contre le drone. Le passé contre l’avenir. Quand le narrateur, un ancien hackeur, signe pour servir au sein de l’armée, après s’être fait largué par une autre haktiviste, il se voit confier la programmation de drones. Pilotées depuis Paris, ces machines de guerre totalement déshumanisées atteignent toujours leurs cibles. A travers le journal de bord d’un geek désabusé, qu’aucune idéologie n’a réussi à convaincre, Boris Bergmann fait mouche. Sa critique fuse tous azimuts : vers l’Etat policier, la jeunesse faussement idéalisée, et même les Anonymous, « ces cyberpunks dédiés à la bonne cause », ces « Danton numériques » ces « radicaux du Web », qui sont en réalité seulement de bons communicants. Neuf ans après son Viens là que je te tue ma belle, pour qui les jurés du prix de Flore avaient créé un avatar pour les lycéens, le jeune homme est toujours aussi culotté. Belle gueule, belle prose, avec une dose de cynisme matinée de désespoir. Saint-Germain-des-Prés a trouvé son nouveau Beigbeder !
Possédées de Frédéric Gros
En lice pour… les prix Goncourt, Goncourt des lycéens et Premier Roman français
Ce n’est pas bon pour un prêtre d’être trop séduisant ! Souvenez-vous des Oiseaux se cachent pour mourir (qui n’a jamais succombé à ce feuilleton à l’eau de rose me twitte immédiatement !). Sans le côté guimauve, Frédéric Gros reprend, 64 ans après Aldous Huxley, l’histoire vraie d’Urbain Grandier qui, au 17e siècle près de Poitiers, enflamma imprudemment le cœur de ses ouailles et de plusieurs sœurs de l’ordre des Ursulines. La robe de bure et la croix sont de bien piètres remparts face à un corps brûlant de désir coupable. Décidée à se venger de l’abbé dont elle est honteusement amoureuse, la prieure Jeanne de Saint-Ange l’accuse d’attaques démoniaques. Avant de le lécher, les flammes de l’enfer auront laissé le temps à Urbain de vivre un grand amour. Jalousie, hystérie collective et intégrisme : vous allez adorer avoir la chair de poule.
Dans l’attente de toi d’Alexis Jenni
L’Ovni littéraire
Le Goncourt, Alexis Jenni l’a déjà eu en 2011 pour L’art français de la guerre. Avec cette longue missive, rédigée pour sa bien-aimée endormie, il nous emmène en un lieu déserté par les prix littéraires. Dans cette ode amoureuse qui prend l’allure d’un journal intime, il convoque peintres et sculpteurs pour exprimer ce qu’il ne sait plus dire avec des mots. Et pourtant comme l’on aimerait avoir sa plume ! La beauté d’une femme ? L’imperfection de Bethsabée croquée par un Rembrandt érotomane, qui « baisait en hurlant sa joie ». Les plus jolies fesses de l’histoire de la peinture ? Celles de Maria Boursin saisies innocemment par Bonnard dans Le cabinet de toilette au canapé rose. L’image du bonheur se devine à travers Les hasards heureux de l’escarpolette de Fragonard, la peau de sa femme est « précieuse » et vêtue de « crépitements » en référence aux tissus chez Nicolas Poussin. Comme Rodin, on ne voit bien finalement qu’avec le bout des doigts. Toucher, palper, malaxer. Un hymne à l’art et à la sensualité à vous rendre jalouse de celle à qui s’adressent ces 41 chapitres.