Petite, Inès Marzat explorait déjà les possibilités du maquillage sans trouver chaussure à son pied. Rapidement, son imagination débordante et son rapport à la beauté prend une nouvelle dimension : la 3D. Celle-ci lui offre de nouvelles perspectives créatives en matière de make-up qu’elle ne cesse d’explorer aujourd’hui au travers d’animations fascinantes, presque dérangeantes. Beauté du futur ? Peut-être. Rencontre avec une (make-up) artiste visionnaire.
Te maquilles-tu depuis toute petite ?
Quand j’étais adolescente, je trouvais que le maquillage me rendait trop adulte. On était vite limité à du fond de teint, mascara, eyeliner et rouge à lèvres… Je ne voulais pas ressembler à Catherine Deneuve ! J’ai eu une période khôl noir, crypto gothique, sous les yeux mais ça n’a pas duré très longtemps, ma mère disait que ça durcissait mon visage.
A quoi ressemblaient tes premières tentatives beauté ?
J’ai quand même eu des vernis holographiques que j’adorais quand j’étais au collège. J’avais aussi trouvé un mascara rose fuchsia chez une marque de luxe, mais je ne me rappelle plus laquelle. Ce dont je me souviens, c’est qu’il était assez difficile à l’époque de trouver des produits un peu fun ! Donc j’improvisais avec ce que je trouvais dans les magasins. Dès que je portais ce mascara fuchsia, tout le monde pensait que j’étais malade. Je voulais ressembler à une héroïne cyborg sortie d’une BD de science-fiction mais ce fut un semi-fail (rires). Donc, comme beaucoup d’autres produits de beauté, je l’ai laissé sécher, seul et abandonné dans l’obscurité d’un tiroir de salle de bain.
Les marques représentent enfin et de plus en plus leurs consommatrices. De “vraies” femmes (petit à petit des hommes) qui ne sont pas mannequins, rayonnantes, charmantes, avec des imperfections mais qui assument et s’amusent.
T’es-tu sentie limitée avec la cosmétique d’aujourd’hui ?
Ces dernières années, avec toutes les nouvelles marques qui ont été créées, (Nyx, Milkmakeup, Glossier, Fenty, Kiko + toutes les marques coréennes ou japonaises qu’on n’a pas chez nous !!), il y a de plus en plus de choix de couleurs, textures, modes d’application… Toutes les teintes d’ombres à paupières, avec ou sans paillettes, des gloss impossibles à porter mais qu’on achète quand même (bleu, vert, violet…), eyeliners pastels, highlighters holographiques pour des looks de petites sirènes du futur… Et c’est surtout beaucoup plus accessible en termes de prix et d’image ! Les marques représentent enfin et de plus en plus leurs consommatrices. De “vraies” femmes (petit à petit des hommes) qui ne sont pas mannequins, rayonnantes, charmantes, avec des imperfections mais qui assument et s’amusent. Ça donne envie de s’y mettre.
Les royaumes de la mode et de la cosmétique sont tellement artificiels qu’ils forment déjà une réalité parallèle, omniprésente, fabriquée, trafiquée, calculée.
Quels sont tes tips perso en beauté ?
Je continue malgré tout à détourner les produits quand je ne trouve pas ce que je veux. Par exemple me coller des paillettes de nail art sur les pommettes ou sur les cernes (mon tricks préféré de 2018) et du gloss à lèvres pailleté sur les yeux ou une ombre à paupière un peu nacrée en highlighter, je mets de l’huile de ricin sur mes paupières pour les rendre glossy… J’aime beaucoup les produits qui font plusieurs zones. Le lip + cheep stick de Milk Makeup est un de mes produits favoris que j’utilise tous les jours. Je le mets aussi sur la pointe du nez et les paupières. Cruelty free qui plus est !!!
Avec la 3D, je peux créer un nouveau monde, sans code, sans complexe, neuf, drôle et inspirant.
Est-ce pour cela que tu t’es dirigée vers la 3D pour donner vie à tes maquillages imaginaires ?
Inconsciemment oui. Même si les couleurs, les textures évoluent, je me sens toujours limitée par les contraintes physiques, sociales et culturelles. On a une illusion de liberté avec le maquillage, il en va de même pour la beauté, on nous dit à longueur de journée “soyez vous-mêmes, épanouissez-vous, libérez vous” mais cela reste dans un cadre normatif plutôt rigide. On a l’impression que ça évolue, mais les canons de beauté restent hors d’atteinte pour 99,9% des femmes et des hommes. Les royaumes de la mode et de la cosmétique sont tellement artificiels qu’ils forment déjà une réalité parallèle, omniprésente, fabriquée, trafiquée, calculée. Avec la 3D, je peux créer un nouveau monde, sans code, sans complexe, neuf, drôle et inspirant. C’est ce que permet la combinaison de ces deux passions, la 3D et le maquillage. Je ne dis pas que le future ressemblera à ça, mais je propose une vision. De toute façon, ce que je créé est 100% virtuel. Avec les progrès technologiques galopant, j’espère que ce sera bientôt possible de porter ces étranges parures IRL (In Real Life) dans la rue, au travail, dans les transports en commun. En attendant, j’ai le projet de développer des filtres en réalité augmenté sur Snapchat, pour qu’un maximum de personnes puisse les essayer en utilisant simplement un smartphone.
Je laisse libre cours aux accidents heureux, il suffit d’une fausse manipulation dans mon logiciel de design 3D pour que la peau d’un serpent passe de l’écaille au miroir.
Tes make-up 3D sont fascinants, il semblent être inspirées de la nature (bulles, ailes d’oiseaux, sansues…), où puises-tu ton inspiration ?
Mon inspiration a quelque chose de terrestre, elle puise dans la faune, la flore, les insectes, les éléments, tout ce qui compose la richesse du vivant mais surtout dans le fantastique ! Je m’inspire des formes, des couleurs, des mouvements, des ombres. Parfois c’est juste la personne avec qui je collabore qui m’inspire, son univers, son visage, sa personnalité, son style ou même parfois son pseudo Instagram ! Je laisse libre cours aux accidents heureux, il suffit d’une fausse manipulation dans mon logiciel de design 3D pour que la peau d’un serpent passe de l’écaille au miroir. La manipulation des textures, des lumières étant très technique, il nous est encore difficile de reproduire exactement ce que l’on voit dans la nature avec la 3D. Le digital recréer sa propre réalité au travers des humains qui veulent donner vie à ce qu’ils imaginent.
Je cherche la bonne idée créative pour dénoncer les violences faites aux animaux au nom de la beauté féminine dans mes prochains make-up 3D.
Tes make-up bougent, semblent vivants, est-ce un message caché de cosmétique cruelty free ?
Je fais très attention à ce que tous les produits que je consomme soit cruelty free. C’est un pré-requis pour moi. J’en parle parfois dans mes posts, bien que ce ne soit pas le coeur de mon message. C’est un autre combat pour rendre la cosmétique plus éthique. La plupart des gens ne veulent pas regarder la réalité en face. Pour preuve, on dit “cruelty free” en français car “Violence envers les animaux” est beaucoup trop violent à entendre. Dans le dernier que j’ai fait pour une chanteuse / musicienne, Merrylamblamb sur instagram, j’ai créé pour elle un maquillage 3D en petit moutons kawaii inspiré de son pseudo. J’ai rajouté naturellement le #crueltyfree dans ma description, c’est un début. Je cherche la bonne idée créative pour dénoncer les violences faites aux animaux au nom de la beauté féminine dans mes prochains make-up 3D. C’est inhumain et totalement antinomique de vouloir se rendre plus vivante, plus belle et plus jolie aux dépends de la vie d’animaux innocents.
Si tu devais décrire en 3 mots la beauté du futur selon toi, lesquels choisirais-tu ?
Fun, non genré, responsable
Prescription Lab est une marque de cosmétique naturelle et cruelty free à l’univers minimaliste, quel make-up cela t’inspire ?
Ce qui me vient tout de suite en tête, c’est de la transparence, des formes organiques mouvantes très lentes, douces. Une lumière qui vient traverser ses formes, créant une jolie réflection sur la peau, tendre et précieuse.