Après son best-seller, Heureux comme un Danois, la coach et conférencière Malene Rydahl nous livre une réflexion sur les illusions du bonheur. Ses ingrédients les plus souvent cités ? La beauté, l’argent, le pouvoir, la célébrité, le Sexe. Sujet éminemment complexe, le bonheur est ce saint graal que tout le monde essaie de trouver.
Un froid vendredi d’hiver, je suis allée le chercher au côté d’une jolie brindille blonde aux yeux bleus, aux faux airs de Carrie Bradshaw, en buvant un thé vert dans un bar d’hôtel où crépitait un feu de cheminée. « Cliché ! » me direz-vous ? Et bien… Oui et non ! Pourquoi la beauté serait-elle un frein à l’intelligence et vice-versa ? Après une heure en tête-à-tête, ce que je retiendrai c’est son sourire et sa lumière intérieure. Un apaisement qui vous enveloppe et que l’on a du mal à quitter. Le début du bonheur en somme…
Dans votre livre, vous oscillez entre une quête et une enquête ! Vous avez l’âme d’un Sherlock Holmes tout en vous appuyant sur des témoignages et du vécu…
Malene Rydahl : C’est un mélange d’essai et de récit très personnel. J’avais une envie très profonde de partager des choses. Ce livre je le voulais d’abord décomplexant pour mes futurs lecteurs. Ce n’est pas un jugement sur les gens beaux, riches ou puissants, mais une explication des mécanismes. Ce qui m’intéresse c’est de mettre en lumière ce qui se passe quand on prend le pouvoir. Quel est le prix à payer ? A côté de mes lectures et de mes recherches, je partage des pistes tirées de ma propre expérience.
Ce qui compte ce n’est pas tant ce que l’on a, mais la relation que l’on tisse avec la beauté, l’argent, le pouvoir, la célébrité et le sexe. On en veut plus, toujours plus ?
J’observe trop souvent le temps et la place que prend dans la vie des gens, la fameuse « vie rêvée des autres ». Se projeter à l’aune des cinq obsessions que sont la beauté, l’argent, le pouvoir, la célébrité et le sexe, finit par empêcher de vivre le présent. On souffre sans apprécier ce que l’on a déjà. C’est la dernière liberté des hommes de choisir l’attitude que l’on va adopter, quelles que soient les circonstances, les plus atroces soit-elle. J’emprunte cette pensée au logothérapeute et philosophe autrichien Viktor Frankl qui a survécu aux camps de concentration durant la Seconde Guerre mondiale.
Instagram, en particulier, a exacerbé ce sentiment que chez les autres, c’est mieux ! On ne compte plus les profils de filles à la vie sublime, de mères parfaites, et de vie de famille qui font rêver …
Oui mais cela existait déjà avant. Les réseaux ont exacerbé les films de Disney que nous avons tous vus petits, avec la princesse, parfaite elle aussi, qui épouse un prince parfait, et qui vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… Le relais s’est fait ensuite via la télévision et les films d’Hollywood. La différence avec aujourd’hui, c’est que les films nous faisaient rêver, tout en en ayant conscience que Barbie ou Disney faisaient partie d’un rêve, d’un monde irréel. Aujourd’hui, via les réseaux sociaux c’est notre voisin, notre collègue et nos amis qui nous font fantasmer. On a perdu cette distance, ce filtre. Maintenant on se compare au premier degré avec les autres, et cela fait davantage souffrir. Alors qu’en fin de compte, même sur instagram, il y a une tricherie, ne serait-ce que sur le choix des photos et des mises en scène.
Vous parlez de Paris Hilton, des Kardashian… comme d’un leurre. Ils vendent du rêve ou un mirage ?
Si je peux toucher des jeunes qui pensent que les Kardashian représentent la parfaite image du bonheur, et leur dire : « Vous allez peut-être réaliser que le chemin vers le bonheur n’est pas celui-là mais un autre plus court », j’aurais atteint un but ! Il y a un manque de sens absolu qui finit par empêcher tout épanouissement et donc empêche d’être heureux. Dans mon chapitre sur les ultra-riches, je démontre que les gens qui ne travaillent pas du tout, et qui n’ont jamais eu à travailler, sont dépressifs. Ne pas avoir d’activité à soi, ne pas apporter sa pierre à l’édifice, génère une solitude extrême et une insatisfaction permanente.
Les événements déterminent seulement 10% de notre bonheur, la génétique 50% et nos choix 40% !
Puisque nous parlons des illusions du bonheur dont la beauté en est une, où se cache la beauté pour vous ?
A l’intérieur de soi ! On a tellement l’impression que c’est un cliché de le dire, mais je le pense profondément. La beauté est holistique, je la vois dans l’âme des gens, dans le sourire, leur générosité…
Quelle est votre routine beauté ?
Le sommeil ! J’essaie aussi de vivre consciemment. Je commence mes journées en pleine conscience, c’est-à-dire que je prends un moment pour accueillir la journée, je suis calme, avec mon café et une bougie. J’essaie d’avoir du temps pour moi.
C’est très yogique tout ça ?
Alors je suis une yogi qui s’ignore ! Je ne suis inscrite à aucun cours, je m’étire toute seule chez moi. En revanche, si fermer les yeux, se concentrer sur les choses qui vous entourent, être connectée avec ses émotions, c’est méditer, alors je m’en rapproche sans le savoir.
Pour vous, qu’est-ce que le bonheur ?
L’harmonie entre ce que vous pensez, ce qui cogite à l’intérieur de vous, ce que vous dites tout haut et ce que vous faites derrière. C’est cet alignement que j’appelle une base de bien-être. C’est en tout cas pour ma part ce que j’ai toujours cherché à faire sur le chemin de ma vie. Ne pas me trahir moi-même. Quand on parle de bonheur, je pense que l’on doit aussi penser à la puissance de l’émerveillement de chacun. Une enquête reconnue de l’universitaire et psychologue Sonja Lyubormirski a démontré, grâce à ses travaux à l’université de Californie, que les événements déterminent seulement 10% de notre bonheur, la génétique 50% et nos choix 40%. L’attitude que l’on adopte par rapport à sa vie reste donc capitale.
Attention à la tyrannie du bonheur, écrivez-vous !
Oui, on a le droit aussi d’être malheureux et de vivre des émotions négatives ! En particulier quand un proche meurt, il est important de laisser une place aux pleurs. J’ai perdu récemment mon père avec qui je m’entendais très bien. Je trouve bien sûr qu’on me l’a enlevé trop tôt, mais je ressens en même temps une grande gratitude d’avoir pu l’accompagner jusqu’au bout. Un deuil peut à la fois être rempli d’amour et d’une grande tristesse.
Au bout du compte, après avoir enquêté sur le bonheur et ses mirages, quelle est la philosophie Malene Rydahl ?
Le lâcher-prise ! Ma philosophie c’est de danser avec la vie ! Avec le temps, je n’insiste plus quand je sens que ça coince. Je frappe à des portes et si elles ne s’ouvrent pas, je me tourne vers d’autres chemins. En réalité, la vie n’est pas si difficile que cela, on la rend difficile car on veut absolument aller à un seul endroit. Il y a tant d’autres possibilités ! C’est une manière plus douce d’avancer, et de faire confiance, profondément, à la vie !
Le bonheur sans illusions, de Malene Rydahl, Flammarion, 367 p., 19 euros.