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Miss Tic, vagabonde du bitume

Elle agissait toujours accompagnée d’un ou d’une complice pour l’aider, dans le silence (trompeur) de la nuit. Un pochoir dans une main, une bombe noire dans l’autre. Miss Tic a tatoué de ses peintures éphémères les murs de Paris. Souvent coffrée, surtout admirée, cette poète à la formule provoc’ et furieusement sensuelle continue d’opérer hors clandestinité.

Blouson de cuir et cigarette aux lèvres, Miss Tic me fait immédiatement repenser à ces quelques lignes bombées sur un mur du 11ème il y a 26 ans : « Vagabonde du bitume, mes mots font le trottoir et je deale mes émois à des trafiquants de spleen. »

Votre histoire débute en 1985 lorsque vous posez vos premières créations sur les murs de Paris.

Qu’est-ce qui vous a amenée à cette expression artistique populaire ?

Un mouvement d’art urbain s’est formé spontanément au début des années 80. Des étudiants aux Beaux-arts ont commencé à s’exprimer sur les murs de Paris. Certains détournaient les affiches publicitaires, d’autres repeignaient les palissades. C’était l’époque où Jérôme Mesnager réalisait son corps blanc, où le trio VLP peignait ses fresques multicolores à l’acrylique (ndlr : VLP signifie Vive La Peinture). Je voulais m’inscrire dans la mémoire de Paris. J’ai toujours eu un rapport très puissant à ma ville, avec Paris. Rapport que j’ai d’abord exercé avec le théâtre de rue.
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“J’enfile l’art mur pour bombarder des mots cœurs.”, Miss Tic (1985)

Pourquoi avoir choisi la technique du pochoir pour vous exprimer ?

Certains artistes utilisaient déjà cette technique qui a l’avantage d’être simple et rapide. Ce qui était essentiel lorsque l’on travaillait dans la rue, illégalement et sans autorisation… Cette technique me permettait de multiplier un dessin accompagné d’un texte bref. Les apprentis artistes ne s’exprimaient que par des images. Comme j’ai toujours eu une passion pour la littérature j’ai fait le choix d’associer de la poésie.

 

“La poésie ébauche les contours d’une ville à colorier.”, Miss Tic (1992)

Cette faculté de jouer avec les mots, vous l’aviez depuis toute petite ?

Avant d’écrire partout, j’écris depuis longtemps ! Depuis l’enfance, à l’école primaire, j’écrivais déjà des poèmes. Mais mon écriture n’avait jamais eu d’ambition éditoriale. C’était une activité intime.

Vos textes ont toujours été accompagnés d’une image, souvent celle d’une femme fatale. Elle est arrivée dès vos premières œuvres ?

Au début je réalisais des autoportraits mais rapidement, j’ai préféré utiliser l’image stéréotypé de la féminité. A travers elle, je pouvais aborder différents thèmes plus universels : la liberté, la séduction, l’altérité pour illustrer mes propos.

Cette femme universelle, c’est celle des magazines…

Je détourne l’image de la femme que nous renvoie les médias, la publicité et la mode. Je développe une certaine image de la femme non pour la promouvoir mais pour la questionner. Je fais une sorte d’inventaire des positions féminines. Quelles postures choisissons-nous dans l’existence ?

Extrait de l’exposition personnelle « LES UNS ET LES UNES », GALERIE W, PARIS (2013) :

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“Fais de moi ce que je veux.”, Miss Tic (2002)

 

On vous qualifie souvent de féministe. Vous êtes d’accord avec cette appellation ?

Je ne suis pas féministe, je suis pire ! Humaniste, humoriste, anarchiste. Mais ce que je délivre dans ma création c’est surtout l’idée de la liberté, jusque dans l’interprétation. Puisque chacun peut décider du sens de ce qu’il voit, comprendre comme il l’entend le jeu de mot ou le mot d’esprit. En pastichant la femme fatale, le fétichisme, je dénonce les rapports de domination, de soumission idéologique, machiste, phallocrate.

 

“Le masculin l’emporte, mais où ?”, Miss Tic (2010)

Il y a très peu d’homme dans vos fresques. Pourquoi ?

Ils ne sont pas totalement absent. Dans certaines expositions comme « Go Homme  » ou  » Les Uns et les Unes », ils étaient très présents. Disons qu’ils n’ont pas le premier rôle.

Comment se déroule votre processus créatif ?

Je commence par l’écriture, le matin en général, un stylo et une page blanche. Pour réaliser un pochoir, je dessine, un crayon et une feuille blanche, toujours d’après un document. Le dessin et l’écriture sont les travaux les plus long à élaborer. Ensuite je découpe dans du carton avec un cutter le dessin conçu pour devenir un pochoir et le texte. J’ai créer une typographie spécifique.

 

“Le mur a un grain. Moi aussi.”, Miss Tic

 

S’exprimer sur les murs de Paris est une activité illégale. Vous êtes-vous déjà faite prendre ?

La loi interdit les graffitis sur les murs, Entre 1985 et 1997, j’ai passé des dizaines de nuits dans l’inconfort des divers commissariats de police de la capitale. Pendant une énième arrestation en 1997, j’ai été déférée devant le tribunal correctionnel suite à une plainte des copropriétaires d’un immeuble. La procédure a duré deux ans et j’ai écopé d’une forte amende en appel. Depuis je demande l’autorisation aux propriétaires des murs.

Aujourd’hui vous êtes une artiste cotée, vous travaillez en atelier.

Cela n’a pas été difficile en tant que femme de vous faire une place dans le monde de l’art ?

C’est un milieu très masculin où la peinture des femmes est dévalorisée. J’en suis victime, comme toutes les femmes plasticiennes. Je l’explique par le machisme ambiant et la domination masculine qui sévit toujours !

Extrait de l’exposition personnelle « FLASHBACK » à la GALERIE LELIA MORDOCH (2015) :

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“Le porno est le bêtisier du désir.”, Miss Tic (2010)

On sent un retour de la culture street depuis quelques années.

Comment expliquez-vous un tel regain d’intérêt ?

Tout cela, c’est grâce à Banksy avec ces pochoirs aux messages politiques forts et aux professionnels et collectionneurs Anglais, qui ont soutenu ce mouvement. En France, alors que nous sommes les précurseurs, nous avons été ignorés ou méprisés. Le street art est enfin reconnu comme le dernier mouvement artistique de la fin du XXème et celui du début du XXIème siècle ! Il y a eu beaucoup d’amalgames sur ce mouvement : c’est un art qui est né dans la rue, qui vient du peuple. On l’a longtemps assimilé à une pratique de vandales qui gribouillent des tags. Les marchands, les commissaires priseurs et les collectionneurs se sont finalement intéressés très tardivement à ce mouvement quand ils ont senti la bonne affaire !

Sentez-vous que vous avez atteint ce que vous recherchiez artistiquement ?

Je n’ai pas la démarche du peintre qui cherche à faire LE chef d’œuvre. C’est la somme de toutes mes créations qui font œuvre… Je voulais m’inscrire dans la mémoire de Paris, j’y suis arrivé ! Je voulais m’inscrire dans l’histoire de l’art contemporain français, c’est fait… Je m’épanouis dans mon travail et ma vie au quotidien. Comme je l’ai écrit : “Soyons heureuses en attendant le bonheur”.

 

“Je t’aime temps.” Miss Tic (2015)

 

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Vous exposerez à la Urban Art Fair du 20 au 23 avril au Carreau du Temple à Paris.

Qu’allez-vous présenter aux visiteurs ?

Des œuvres récentes réalisées ces 4 dernières années qui offriront un large spectre des formats et des supports que j’utilise : papier, tôle, toile, collage, parpaing. Cette exposition s’intitule “ALERTE A LA BOMBE”

Vous arrivez à plus de 30 ans de création, cela en fait des œuvres…

Je ne comptabilise pas. Je laisse cela à mes biographes ! (rires)

 

La galerie Lélia Mordoch présentera MISS TIC à la URBAN ART FAIR du jeudi 20 au dimanche 23 avril, 4,Rue Eugene Spuller 75003 Paris. Le rendez-vous parisien à ne pas manquer !

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