Le 5 mars est sorti le nouveau clip Power de Muthoni Drummer Queen. Loin d’une simple coïncidence, l’artiste kenyane a voulu faire de ce titre un message international, une façon à la fois joyeuse et engagée de célébrer la Journée de la Femme et de rappeler les combats à mener, au Kenya et ailleurs.
Muthoni Drummer Queen, de son vrai nom Muthoni Ndonga, est un phénomène. D’abord parce que sa musique, délicatement hybride, à la croisée des chemins entre motown, soul et R&B (entre Beyoncé et Lauryn Hill), parvient à traiter de thèmes engagés avec des rythmes dansants, une bonne humeur communicative et un flow entêtant : chacun des 12 morceaux de son précédent album She (2019) était dédié à une héroïne, réelle ou imaginaire, et à son combat : réfugiée somali, activiste politique kenyane, amoureuse trahie ou luttant pour son indépendance financière… Toutes avaient une voix et une place. Le morceau Suzie Noma figurait notamment dans la bande originale du film Rafiki, l’histoire d’amour entre deux femmes kenyanes, présenté à Cannes mais interdit dans son pays d’origine…
Tout un programme qu’on retrouve en vibrant condensé dans ce nouveau clip de Muthoni Drummer Queen, Power. Tourné à la bibliothèque McMillan de Nairobi, symbole de l’époque coloniale, il déroule les combats passés et présents des femmes du pays avec un naturel joyeux et ludique (les looks de dingue n’y sont pas pour rien !) : en 1992, les mères des prisonniers politiques dénudent leurs seins et leurs corps dans un acte de résistance et de protestation ultime contre l’Etat, qui déclenchera un mouvement national et leur libération quelques mois plus tard. Autour de cette scène centrale gravitent des clichés féminins éternels et plus actuels revisités avec humour, de la nouvelle Eve aux gangs hip-hop ; on y découvre aussi deux récits contemporains d’accès à l’indépendance des femmes kenyanes, individuelle par le sport (la boxe, la course) ou collective avec un micro-business florissant de Matatus (les bus locaux). Ce clip n’est donc pas qu’un devoir de mémoire, il est aussi un message d’espoir, dont la portée dépasse les frontières des pays et de la musique.
A mille lieues des artistes pour lesquelles le féminisme n’est qu’un simple argument marketing, Muthoni Drummer Queen en a fait un son, une voix et une philosophie engagés pour les femmes et pour son pays qu’on retrouve dans le Ted Talk qu’elle a donné à Toronto en octobre 2019 sur « la construction d’une nation par la créativité ». Elle y balance notamment cette phrase, qui pourrait parler tout aussi bien de la crise d’identité kenyane que du combat quotidien de toutes les femmes : « On ne peut pas construire sur ce qu’on n’aime pas ; et on ne peut pas aimer tant qu’on ne s’aime pas. ». Si ça ce n’est pas de l’empowerment on veut bien se mettre à poil aussi…
