Y-a-t-il parfum plus star, plus iconique, plus singulièrement lié à son inspiratrice que le N°5 de Chanel ? 50 ans exactement après la disparition de l’emblématique Coco, la maison de couture célèbre cette année un siècle de succès inaltérable pour sa première fragrance connue. Retour sur l’histoire de ce « parfum de femme à odeur de femme », ainsi que le voulut la Grande Mademoiselle, lancé le 5 mai 1921 et vite devenu mythique…
Coco et Ernest Beaux
Derrière le succès phénoménal du N°5, toujours en tête des parfums les plus vendus au monde, il y a le personnage de Gabrielle Chanel, créatrice hors norme, travailleuse acharnée, militante infatigable de l’émancipation des femmes, avec cette part d’ombre et de lumière propre à de nombreux génies… Et il y a celui qui a su transformer ses fantasmes olfactifs en un fabuleux trésor sensoriel : Ernest Beaux.
Leur rencontre a eu lieu sur la Côte d’Azur où elle séjourne, et par l’entremise d’un de ses amants, le Grand Duc de Russie Dimitri Pavlovitch Romanov, et c’est à lui que Coco va confier ses rêves de parfum abstrait, artificiel, aux antipodes de tout ce qui se fait à l’époque, basé essentiellement sur des accords simples floraux. La créatrice veut une essence à l’image de sa couture, composée, fabriquée. Beaux lui propose plusieurs essais, numérotés de 1 à 5 et de 20 à 24, elle en choisit quelques-uns dont le 5 qui sera lancé en premier. Et pour le choix du nom, pas de hasard « Je présente ma collection de robes le 5 du mois de mai, le cinquième de l’année, nous lui laisserons donc le numéro qu’il porte et ce numéro 5 lui portera bonheur. ». Le reste est inscrit dans l’histoire universelle de la beauté.
Un flacon et un étui devenus œuvres d’art
Lorsque Gabrielle Chanel imagine le flacon du N°5, c’est au contenu et avant tout au contenu qu’elle pense. Elle veut un contenant simple, épuré, sobre et chic. L’histoire dit que c’est d’ailleurs sur une idée du même Grand Duc Dimitri, s’inspirant de flasques de vodka utilisées par les soldats de la garde impériale de Russie, qu’elle élabore cette ligne très graphique, aux angles nets et au bouchon taille émeraude, totalement à l’opposé des flacons de l’entre-deux guerres, plutôt très travaillés. 5 déclinaisons du flacon ont cependant déjà vu le jour en 100 ans.
En 1921, l’’étui du N°5 (on dirait aujourd’hui packaging extérieur) est un collage simplissime, proche du courant cubiste, en papier gros grain surligné de noir. Après quelques évolutions, il intègre lui-aussi les collections permanentes du MOMA en 1959.
Inside N°5
Pour obtenir un parfum « artificiel » en 1921, Ernest Beau choisit d’utiliser des molécules de synthèse déjà maniées dans une de ses précédentes créations, lorsqu’il travaillait pour la maison Rallet, atelier de parfumerie de luxe d’origine française et basée à Moscou. Les aldéhydes lui permettent ainsi de reproduire une sensation qu’il se souvient avoir éprouvé lors d’un voyage près du cercle polaire, pendant la guerre, au moment du soleil de minuit, quand « les lacs et les fleurs exhalent un parfum extrême ». Utilisés en note de tête, ces composés chimiques à base d’essences naturelles d’agrumes, vont ainsi transcender, faire rayonner les autres matières premières naturelles du N°5, comme l’ylang-ylang, l’iris ou la rose et le jasmin (il y aurait 1000 fleurs de jasmin dans un flacon de 30ml d’extrait de N°5). Car même si Chanel désirait un parfum artificiel, ce sont aussi tous ces composants naturels de qualité exceptionnelle, qui lui confèrent son caractère unique.
L’effet N°5
Dans la lignée du N°5 et grâce à son succès mondial, le monde de la parfumerie a su mettre à profit l’arrivée des aldéhydes avec toute une « descendance » de nouvelles fragrances aux parcours tout aussi honorables, comme l’Arpège de Lanvin, Madame Rochas ou encore le Dix de Balenciaga. Et Ernest Beaux ne s’arrêtera pas à ce numéro magique pour la maison Chanel, puisqu’il lancera aussi le N°22, Gardénia, Cuir de Russie et bien d’autres…
5 interprétations du N°5
Comme toutes les icones, N°5 a inspiré de nombreux parfumeurs et en particulier tous ceux arrivés ensuite au sein de la maison Chanel, à l’exception d’Henri Robert. Chacun a ainsi pu composer quelques variations sur ces notes somptueuses et offrir des déclinaisons du parfum de 1921, totalement fidèles aux valeurs et aux exigences créatives de Coco Chanel.
Sont nés successivement :
- N°5 Parfum en 1921 par Ernest Beaux
- N°5 Eau de Toilette en 1924 par Ernest Beaux
- N°5 Eau de Parfum en 1986, par Jacques Polge
- N°5 Eau Première en 2008 par Jacques Polge
- N°5 L’Eau en 2016 par Olivier Polge.
Les Visages du N°5
On a toutes entendu l’histoire de Marylin Monroe qui confiera ne porter que « quelques gouttes de N°5 » pour dormir, un aveu dévoilé plus tard dans une interview pour le magazine Marie Claire et qui fera de la fragrance cette légende absolue. Plus tard, de grandes stars deviendront de vraies égéries : d’Ali Mac Graw, Lauren Hutton à Catherine Deneuve et de Carole Bouquet à Nicole Kidman, et maintenant Marion Cotillard.
N° 5 vu par le monde de la beauté d’aujourd’hui
N°5 c’est une fragrance audacieuse qui bouleverse les codes, un numéro, des ingrédients d’exception, une simplicité assumée face aux parfums aux noms à rallonge de l’époque. C’est ainsi qu’il naît. C’est cet esprit avant-gardiste et cette french touch, un brin impertinente que j’affectionne particulièrement. Finalement, Gabrielle a apporté une vraie fraicheur dans l’univers des nez. S’affranchir des codes, oser et transporter : 100 ans après, les règles tacites de l’icône sont plus d’actualité que jamais. Un parfum singulier, presque courageux, qui ne peut que nous inspirer.
Ludovic Bonneton, passionné et collectionneur de parfum, fondateur de la Maison Bon Parfumeur
C’est le parfum des femmes puissantes. Celles qui connaissent leur pouvoir. Celles qui laissent une trace sur leur passage. L’empreinte subtile et audacieuse d’une fragrance iconique dont on collectionne les flacons depuis 3 générations…
Charlotte Daubet, Rédactrice en chef du Prescripteur
Chanel n°5 représente tellement de choses pour moi : plus qu’une ode à la féminité c’est une ode à la Femme. À leur image. C’est un parfum à la fois épuré et puissant ; mythique et intemporel. Chanel n°5 a accompagné toutes les femmes que j’ai profondément aimées : que ce soit des icônes que j’ai admirées comme Suzie Parker, Catherine Deneuve ou Marion Cotillard, comme les femmes de mon entourage : Ma mère, ma grand-mère, ma tante ! Plus qu’un parfum, c’est un héritage avant-gardiste de la féminité. En 100 ans Chanel a gardé le don pour l’émerveillement et ce parfum et cette maison continueront toujours de m’émerveiller.
Claire Despagne, créatrice de D+ For Care.
Intemporelle, culte, indémodable, à la fois réconfortante et audacieuse…nombreux sont les adjectifs pour qualifier cette icône de la beauté qu’est N°5. Mais, en tant que passionné de la cosmétique, ce qui me fascine avant tout c’est que N°5 est la création d’une maison de couture : pour la toute première fois, un lien entre la mode et la parfumerie est né. 100 ans plus tard, la magie opère plus que jamais et N°5 est à son apogée, à la croisée des genres entre symbole de la haute-couture à la française et produit de beauté incontournable.
Alexandre Vacher, CEO de Méthode Physiodermie.
Un bouquet aux effluves subversives. Un exotisme olfactif inimitable. Une ode à la puissance des femmes. L’étoffe enivrante d’une Grande Dame.
Candice et Maïlys fondatrices d’Apnée Paris.
Un parfum mythique, peut-être le plus célèbre de tous, qui incarne le glamour, la sensualité, le luxe, la beauté féminine. Un parfum de caractère qui rappelle nos soeurs, nos mères, nos grand-mères, des femmes fortes et solides, mais surtout inspirantes, sans qui nous ne serions rien aujourd’hui. C’est le plaisir d’une odeur que l’on connaît par cœur associé à l’élégance suprême et le chic à la française.
Mahault de Guibert et Coline Bertrand, fondatrices de La Rosée.