OMG ! Voici le «Livre» qui arrive à point nommé pour échapper au burn-out et à la déprime ambiante au bureau comme à la maison. Dans son dernier livre «Manager comme un yogi », Luc Biecq casse les codes éculés du management et du «vivre ensemble» au boulot ! L’idée ? Prendre appui sur la philosophie du yoga pour opérer un reset de nos relations pros.
Télétravail, incertitude, la crise du Covid met à rude épreuve la vie professionnelle, mais pas que. La vie sociale en général est totalement bouleversée. Dans ces conditions, pas facile de garder le moral, de rester zen, créatif, bienveillant et tutti quanti ! Et si vous testiez la yogi attitude pour ramener le calme, la sérénité et la bienveillance dans vos relations professionnelles ? Luc Biecq nous explique comment changer de regard et d’attitude pour sortir du cercle vicieux de la pression et du culte de la performance.
Qui es-tu ?
Je suis rédacteur en chef et auteur d’une enquête très complète sur le traumatisme du licenciement et du chômage, un travail qui m’a donné l’idée de ce nouveau livre. Je pratique le yoga depuis 15 ans et j’ai suivi une formation sur la communication non violente.
D’où vient cette idée épatante de réunir yoga et management ?
J’ai d’abord écrit sur le monde du travail quand on est forcé de le quitter suite à un licenciement. À cette occasion, j’ai rassemblé puis analysé des récits de mauvais traitements, des petites et grandes humiliations, des traumas suite à ces départs non volontaires.
Pour ce premier livre, j’avais interviewé Laurence Gay, professeure de yoga, et Emmanuel Fort, coach, qui sont mes experts dans ce nouvel ouvrage. Je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de mots communs dans les deux disciplines : posture, cadre, écoute, alignement, et surtout pratique. Dans mon milieu pro, j’ai vu pas mal de chefs d’équipe se comporter comme des militaires ou des sur-productivistes (y compris des femmes). La pratique du yoga a changé mon rapport au temps.
Je ne suis pas forcément plus souple physiquement mais j’ai déconstruit l’idéal du parfait rédacteur en chef et du parfait yogi. J’ai travaillé mon écoute, j’ai veillé à maintenir de véritables conversations avec mes équipes. Puis je redécouvre chaque jour le non-jugement. Yoga signifie YUJI ce qui signifie joindre, relier c’est-à-dire dans ce cas précis aider les gens à travailler ensemble. Je note aussi que ces deux domaines ont connu des scandales, des abus et heureusement, des réussites merveilleuses.
Ce livre s’adresse à toutes celles et à ceux qui travaillent en équipe, pas uniquement aux «grands patrons ». Notre pays est fait de 250 grandes entreprises de plus de 5000 salariés sur 5 millions d’entreprises. Il se crée 72 000 associations chaque année, et on a 2 millions de salariés employés dans des associations, sans oublier les 12 millions de bénévoles ! Le champs de cette pratique est immense et ne concerne pas que le monde de l’entreprise.
Peux-tu nous expliquer en quoi le management et le yoga sont compatibles ? À première vue c’est plutôt contre intuitif.
Au premier abord, ces deux pratiques semblent éloignées l’une de l’autre car on imagine l’entreprise comme une structure plutôt rigide et le Yoga comme la pratique de la souplesse. En réalité, ils possèdent un vocabulaire commun (engagement, alignement, ancrage, posture, intention….).
Ce sont des expériences sensibles, le yoga est simple, non normatif, il offre au management une opportunité, un regard unique et singulier. Le livre évoque plus la philosophie du yoga que les postures, cet ouvrage n’en comporte pas. Ce n’est pas un livre de développement personnel. Nous proposons des cas concrets analysés par des managers-yogi, et des préceptes pour réfléchir à l’influence de nos gestes sur nous-mêmes et sur les autres. Nous ne prétendons pas que tous les yogis feront de bons managers, mais nous décortiquons quelques piliers, en ajoutant des exemples concrets, réels, rencontrés sur le terrain.
La crise actuelle – avec son lot de changements, comme l’expansion du télétravail, le port du masque au bureau etc. – rend-t-elle la lecture de cet ouvrage encore plus indispensable ? En un mot, est-ce-que ce la crise a changé ton point de vue ?
Non, au contraire, cette crise l’a conforté. Le télétravail demande aux managers d’accompagner leurs équipes de façon plus subtile, sans abus de surveillance, sans penser que le salarié tente d’échapper au travail.
Tout cela demande de la confiance, or, celle-ci ne survient pas du jour au lendemain, elle se cultive. Favoriser l’autonomie n’est pas dans la culture des managers «petits chefs». Les exemples, les expériences proposées dans ce livre sont des anti-modèles. La percée souvent contrainte du télétravail permet de réfléchir aux cadres de cet exercice, de fixer de nouvelles règles.
Dans ce livre, on parle des 4 leviers de la posture du manager, outre le statut, le pouvoir d’expertise et le leadership, il y a le pouvoir de l’organisation. Car on ne peut pas imposer les mêmes règles à un employé qui a deux enfants en bas âge et un appartement minuscule qu’à un autre qui a un bureau à lui. Il faut s’adapter, c’est-à-dire dialoguer. Enfin, il y a le Svadhyaya (l’un des 5 nyamas où règles personnelles dans le Yoga) qui consiste à lire, étudier, s’étudier autrement dit prendre le temps d’acquérir des connaissances, des données nouvelles pour s’adapter.
Difficile de passer en revue la totalité du contenu de ton livre tant il est dense et hyper documenté par des témoignages, des études sociologiques et scientifiques, alors j’ai repéré quelques formules titres mettant en miroir yoga et management qui m’ont interpellée. Peux–tu en quelques mots nous les commenter, les expliquer ?
Trop zen pour être performant.
Luc Biecq, Manager comme un yogi
Personne n’a la même définition de la performance. Je préfère le mot «amélioration». En management, la performance est souvent reliée à des objectifs chiffrés, mais n’est pas l’alpha et l’oméga de la compétence ou de la réussite. On peut être meilleur dans son job, sans progresser en termes de chiffres, surtout en ce moment.
En fait, le yoga comme le management nous mettent face à nos limites. Si on est honnête avec soi-même, on se rend compte très vite qu’il y a des choses que l’on sait faire, d’autres que l’on ne sait pas. Et puis, personne ne part du même niveau, quelqu’un qui a un blocage avec les langues devra faire un effort surhumain pour surmonter son retard, il faut prendre en compte cet état de fait. Idem avec le yoga dont on a souvent une vision caricaturale. Le yoga, ce n’est pas faire le grand écart. Le yoga tel qu’on le pratique aujourd’hui avec des postures est arrivé très tard. La performance n’a pas sa place dans le yoga.
L’acceptation de la fragilité est la condition de l’évolution.
Luc Biecq, Manager comme un yogi
Oui, le manager qui joue les super héros, c’est terminé. Connaître ses fragilités, les contourner est indispensable en yoga comme en management, ça n’est pas être faible, c’est apprendre à avancer avec ses manques. Ne les niez surtout pas, c’est une force !
Apprendre à demander de l’aide et à en apporter.
Luc Biecq, Manager comme un yogi
Il faut en apporter au bon moment, ni trop, ni trop peu, et surtout attendre que la personne demande de l’aide. Si l’on se place du point de vue du manager, demander de l’aide n’est pas facile car il doit quitter son habit de super héros et se départir des clichés (un patron génial et tout puissant, présenté comme modèle, comme Carlos Ghosn avant la chute), de même qu’un yogi doit avancer, poursuivre patiemment sa pratique sans s’arrêter sur les contorsionnistes retouchés sur Instagram.
Ces «images» (leader charismatique ou yogis parfaits) sont des constructions, ce n’est pas de «vrais» corps (au sens de corps commun), ni de vrais managers, c’est ce que nous «vend» comme modèle. Prenons des exemples de contres modèles, l’abbé Pierre et Nelson Mandela étaient d’excellents managers, or on ne valorise jamais ou peu cette compétence, quand on parle d’eux. Car demander de l’aide, c’est aussi une question d’ego, il faut savoir descendre de son piédestal.
Souffler pour innover.
Luc Biecq, Manager comme un yogi
Pause et créativité sont liées et même indissociables. Souffler, ce n’est pas rien faire bien au contraire. C’est trouver le temps de réfléchir sur sa pratique de manager. Regarder une vidéo, se poser la question de la pertinence de telle ou telle réunion, lire etc. C’est s’offrir du temps pour laisser la créativité émerger. Nous recommandons un temps dédié à cette réflexion sur la pratique de management entre 10 et 15 minutes par jour minimum.
Sortir de l’urgence.
Luc Biecq, Manager comme un yogi
Les femmes connaissent bien cette urgence, sur les 10 interviewées, 9 sont des femmes. Le digital apporte une rapidité qui n’est pas toujours utile. Nous avons tous tendance à répondre très vite à des mails non urgents. Se fixer des priorités, c’est déjà ne plus subir, faire baisser la tension. Sherry Turckle auteure de « Reclaiming conservation : The Power of Talk in a digital Age » (non traduit en français) explique comment les machines sont devenues les architectes de notre intimité.
Selon elle, « notre moi virtuel, abstrait l’a emporté sur le moi convivial, empathique, présent aux autres ». C’est d’autant plus important en ce moment où les contacts physiques sont réduits. Plus le lien social est fort, plus l’entraide survient, plus l’aide est acceptée. Mais cela passe par le refus de mettre les gens en compétition. Le yoga donne un autre rapport au temps. Comme le yoga, le management a besoin de déconstruction.
Le mot clé ? L’engagement. Le yogi manager est amené à poser un regard différent sur les situations qu’ils rencontrent, à réfléchir aux conséquences de ses gestes, actes, décisions sur lui-même et sur les autres.
Les ouvrages de Luc : Guide l’autodéfense du licencié. De la déflagration à la reconstruction, Robert Laffont, également disponible en livre audio juste ici.
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