Sélectionné dans la catégorie « Un certain regard », « Niki » est notre premier coup de coeur au Festival de Cannes ! Premier long-métrage de Céline Sallette en tant que réalisatrice, cette œuvre cinématographique audacieuse et profondément émouvante explore l’éclosion de Niki Matthews, mannequin, en Niki de Saint Phalle, artiste révolutionnaire. En se concentrant sur cette période délicate de sa vie et peu montrée, le film offre un regard intime sur les luttes personnelles de l’artiste, mais aussi un regard politique sur les violences sexistes et sexuelles à l’égard des enfants et des femmes.
Le premier long métrage de Céline Sallette
Céline Sallette, connue pour ses rôles tant qu’actrice, démontre ici une maîtrise impressionnante derrière la caméra. Aussi étonnant que cela puisse paraitre : le film qu’elle consacre à Niki ne présente aucune de ses oeuvres emblématiques ! Moi qui m’attendais à voir ses femmes aux formes généreuses et aux 1000 couleurs : point du tout !
Un choix de la réalisatrice ? Oui et non ! Plutôt des restrictions légales qui se sont transformées en une force narrative. Le spectateur est ainsi invité à se concentrer sur l’artiste et ses luttes intérieures plutôt que sa recherche plastique. La réalisatrice compense cette absence en adoptant une mise en scène qui capture l’essence même de la création artistique, en se focalisant sur le processus créatif et les émotions qui l’accompagnent.
Charlotte Le Bon bluffante en Niki
Charlotte Lebon incarne Niki avec une intensité et une justesse bluffante. Son interprétation donne vie à une femme en pleine métamorphose, naviguant entre douleur et libération. L’actrice parvient à transmettre la complexité des sentiments de Niki, rendant palpable sa quête d’émancipation à travers l’art. Cette performance est d’autant plus impressionnante qu’elle repose sur une compréhension profonde des nuances du personnage, reflétant les propres expériences de Le Bon dans le monde de l’art et du mannequinat.
Un film qui donne à voir un aspect méconnu de la vie de l’artiste
Le film se concentre sur une période sombre et bien précise de la vie de Niki : celle du chemin parcouru pour trouver sa signature artistique. On assiste ainsi à la naissance de Niki de Saint Phalle, permettant de saisir les racines de son engagement et de comprendre comment ses expériences personnelles ont façonné son art.
Un regard sur l’omerta autour des violences sexuelles faites aux enfants
Au-delà du portrait individuel, « Niki » porte à mon sens un message politique et féministe puissant. Celles et ceux qui connaissent le parcours de Niki de Saint Phalle savent qu’elle a été victime d’inceste par son père durant son enfance. Une blessure que l’artiste parviendra à extérioriser par l’art.
Ce que montre le film de Céline Sallet, c’est le silence assourdissant autour de ces violences et l’aveuglement (volontaire ?) de la famille et de la société toute entière. La détresse et la solitude dans laquelle se retrouve Niki est déchirante, révoltante, insupportable.
Le mépris de l’institution hospitalière, incapable d’écouter la parole des femmes – on est aux antipodes du « Je te crois » – est symptomatique d’une société malade qui au mieux nie l’inceste, au pire le valide. L’histoire de Niki que donne à voir Céline Sallet ne fait que résonner avec les récents rapports de la Civiise qui dénonce l’ampleur des violences sexuelles infligées aux enfants (1 enfant sur 10) et l’absence totale d’écoute de leur parole et de prise en charge.
Ce film illustre aussi comment Niki de Saint Phalle a défié les normes de son époque, utilisant l’art comme moyen d’expression, de guérison et de revendication. Il souligne l’importance de la résilience et de la créativité dans la quête de liberté et d’égalité, résonnant ainsi avec les luttes contemporaines pour les droits des femmes.