Même pour les plus fidèles, les parfums que l’on a l’habitude de porter l’hiver peuvent parfois devenir entêtants aux beaux jours, sous l’effet de la chaleur ou même simplement en termes de ressentis. Plus concentrés, capiteux parfois, on les aime souvent pour leur effet enveloppant. En été, c’est donc le moment de tenter de nouvelles fragrances, plus légères, plus ensoleillées. Comme on troque son manteau pour des vestes aériennes, et si on passait en mode « senteurs d’été » ?
Nous en avons parlé avec deux expertes du sujet : Patricia de Nicolaï, parfumeuse à la tête de la belle maison Nicolaï et Sarah Bouasse, journaliste experte en parfums et autrice du génial « Par le bout du nez », une histoire intime des odeurs, sorti cette année chez Calmann-Lévy.
Qu’entendez-vous quand on vous dit « parfums d’été » ?
Patricia de N. – Je pense plutôt à des Eaux de toilette ou des Eaux Fraiches avec un départ « splash » frais, non collant, dont les notes de tête sont tellement bonnes qu’on a envie de s’en asperger souvent !
Sarah Bouasse – En règle générale, on colle l’adjectif « estival » sur des parfums plutôt frais et légers, dont on estime qu’ils sont particulièrement agréables à porter quand il fait chaud. Mais un « parfum d’été » peut aussi être une fragrance aux évocations ensoleillées : notes marines, odeurs de monoï, etc.
Vers quelles notes se diriger pour choisir ce genre de fragrances ?
Patricia de N. – On peut se diriger vers des notes vertes de type « herbes coupées », les notes hespéridées (agrumes), zestées, juteuses et un peu amères ou encore les notes fruitées avec une pointe de fleurs blanches solaires comme l’ylang, le jasmin ou la fleur d’oranger, sont des sublimes notes estivales.
Il est parfois aussi intéressant d’utiliser des notes marines et iodées comme la Calone, molécule utilisée pour la première fois dans les années 90. On peut de même penser aux notes exotiques et légèrement sucrées qui connaissent un grand succès depuis le lancement des premiers parfums éphémères de chez Escada.
Enfin n’oublions pas non plus les notes fraîches et aromatiques comme la menthe, le basilic ou la verveine, des notes mises à l’honneur dans « Riviera Verbena » par exemple qui est l’une de mes créations les plus populaires en été, tout comme « Eau d’Été » qui est un floral-hespéridé et « Fig-Tea » une délicieuse note fruitée gourmande qui est un parfum référence de la marque NICOLAÏ.
Sarah Bouasse – Avant toute chose : il n’y a aucune règle. Si ça te fait plaisir de porter un parfum puissant en plein mois d’août, fais-le ! Mais il faut bien avouer que les fragrances à base d’agrumes, type eaux de Cologne, sont très appréciables quand les températures grimpent, pour leur côté rafraîchissant, vivifiant et pas trop entêtant.
Gros coup de cœur du moment : le petit nouveau de Parfum d’Empire, Un bel amour d’été, qui sent la plage et la peau chauffée au soleil, et qui irradie la joie de vivre.
Y-a-t-il une façon particulière de porter son parfum d’été ?
Patricia de N. – Il est vrai qu’il vaut mieux éviter de s’exposer au soleil avec du parfum sur la peau… Vous pouvez cependant parfumer votre sac, votre paréo, votre chapeau ou votre serviette ! Vous sentirez alors votre parfum préféré même à la plage !
Sarah Bouasse – Dans l’idéal, il vaut mieux éviter d’exposer sa peau au soleil après l’avoir parfumée avec un parfum à base d’alcool. En été, on peut donc favoriser un parfumage sur les vêtements ou les cheveux, ou bien opter pour un parfum sans alcool. Ceci dit, le parfum est une industrie régie par une réglementation incroyablement stricte, et les ingrédients photosensibilisants sont notamment très encadrés.
Sarah, dans ton livre on découvre que les parfums, les odeurs, sont non seulement présentes à toutes les étapes de notre vie, mais qu’elles déterminent aussi bon nombre de nos choix et de nos expériences ?
Comparé à nos autres sens, l’odorat a ceci de très particulier que nous conscientisons rarement les informations qu’il nous transmet. Pourtant, nous respirons et nous sentons de la naissance à la mort, et notre cerveau associe durablement les odeurs que nous croisons au cours de notre vie à des souvenirs et à des émotions. Ces associations déterminent effectivement beaucoup de choses, bien que nous n’ayons pas toujours conscience d’elles… et sûrement d’autant plus !
C’est ce qui m’a inspirée ce livre qui mêle le récit de mon expérience personnelle avec beaucoup de ce que j’ai appris en exerçant mon métier de journaliste, au contact de parfumeurs et de scientifiques de tous bords.
Sait-on quel est le pourcentage de personnes fidèles à un parfum et à contrario celles qui en changent régulièrement ? Et y-a-t-il des profils type ?
Je n’ai pas de chiffres, mais il est évident que les usages évoluent beaucoup. Du temps de nos grands-mères, le parfum était un produit de luxe. Et celles qui avaient les moyens de s’en offrir restaient souvent fidèles à une odeur qui devenait leur signature pour plusieurs années, voire pour toute une vie. Aujourd’hui, le parfum s’est largement démocratisé : il s’adresse à toutes les classes sociales et on peut en posséder plusieurs même lorsqu’on ne roule pas sur l’or. Cela permet d’alterner en fonction de la saison ou de l’humeur du moment… ce que l’industrie nous encourage à faire, bien évidemment !
On entend de plus en plus parler de neurosciences appliquées aux parfums. Que sait-on à ce jour des pouvoirs des fragrances sur nos émotions, nos humeurs ?
Notre odorat possède une connexion directe à notre cerveau limbique, siège des émotions, et certaines odeurs ont une influence bien réelle sur notre psyché.
Ce qui change aujourd’hui, c’est que les neurosciences permettent d’observer et de mesurer ces effets. Et l’industrie du parfum est au taquet sur le sujet, car cela l’aide à imaginer des fragrances qui, au-delà de « sentir bon », peuvent revendiquer, chiffres à l’appui, un bénéfice sur notre esprit.
Où en est-on des formulations plus naturelles ?
Clairement, le parfum « naturel » a le vent en poupe. Mais derrière ce terme, il existe beaucoup de pratiques très différentes. Pour le dire simplement : certains parfums estampillés « naturels » ne le sont pas tant que ça. Mais doit-on le regretter ?
Au-delà de ça, il me semble important de rappeler que les ingrédients de synthèse sont omniprésents dans les parfums depuis 150 ans. Que cela nous plaise ou non, ils ont façonné nos goûts et nos attentes, notamment en termes de puissance et de tenue.
Êtes-vous prêt à accepter cela ? La question mérite d’être posée car, même quand on est séduit par l’idée du naturel… nos habitudes en matière d’odeurs sont peut-être les moins faciles à changer.
1. Lalique, Soleil Vibrant, eau de parfum, 134€ | 2. Serge Lutens, La Fille Tour de Fer, eau de parfum, 213€ | 3. Goutal, Songes, eau de parfum, 205€ |
1. Sezane, L’Eau Sezane, 45€ | 2. Nicolaï, Eau d’Eté, eau fraîche, dès 55€ | 3. Prada, Les Infusions, Infusion de Gingembre, 160€ | 4. Bastille, 14 Juillet, eau de parfum naturelle, 98€ | 5. Courrèges, L’Eau Pâle, eau de parfum, 75€ | 6. Bulgari Allegra, Riva Solare, eau de parfum, 230€
1. Vyrao, Georgette, rose, violette, bois de santal, patchouli et de bois de gaïac, 130€ | 2. Bon Parfumeur, 304, eau de parfum, 95€ | 3. Granado, Patchouli, eau de toilette, 65€ | 4. Diptyque, Eau Capitale, Eau de parfum, 165€