Il vient tout juste de sortir au cinéma (après avoir été décalé à cause du confinement) : Voir le jour est le film à voir pour renouer avec le grand écran. Sarah Stern y incarne le rôle d’une sagefemme qui se bat tous les jours avec ses collègues pour défendre les mères et leurs bébés face au manque d’effectif et à la pression permanente de leur direction. Un film qui rend hommage au personnel soignant et dénonce la déshumanisation de nos hôpitaux… ça vous rappelle quelque chose ?
Pour la petite histoire, l’interview a été réalisée pendant le confinement ! Sarah était à l’époque enceinte de son premier enfant 😉
Voir le jour est un film social qui soulève nombre de questions dont une centrale : le peu de moyen des hôpitaux et les conditions de travail du personnel soignant. Quelle a été ta préparation pour ton rôle ?
J’ai la chance d’être entourée de personnes travaillant dans le milieu médical : ma demi-sœur est sagefemme et mon homme est médecin. Je suis allée en observation à la maternité de la Pitié et à Foch et j’ai eu la chance d’assister, en blouse, masquée, à des accouchements en salle de naissance. C’était incroyable. J’ai un souvenir extrêmement vibrant de ces moments. C’est très rare d’assister à un autre accouchement que le sien, sauf si c’est ton métier. C’est à la fois totalement banal et extraordinaire, un moment aussi très animal, très mammifère. J’ai pu voir comment le personnel entoure les femmes. J’ai jamais vu quelque chose d’aussi saisissant. C’est un sacré truc ! J’étais très heureuse d’avoir été nourrie de ces moments-là pour aborder le film de Marion Laine.
Qu’est-ce qui t’a plu dans le scénario du film ?
Le métier de sagefemme est un métier que je trouve incroyable et ce film rend honneur à la profession. J’ai des proches qui travaillent à l’hôpital public, j’ai des échos de la grande précarité du personnel soignant. On oblige l’hôpital à être plus rentable au détriment des soins et on observe une dévotion du personnel hospitalier qui travaille dans des conditions compliquées avec des locaux qui tombent un peu en désuétude, qui manquent de matériel… J’ai adoré jouer dans ce film car il est à la fois le portrait d’une femme, le personnage de Sandrine Bonnaire avec son histoire et ses blessures, mais aussi une photographie pas mièvre des maternités.
Le gouvernement met en place des mesures pour rendre l’hôpital plus efficace alors qu’il s’agit d’humains. On ne peut pas demander l’efficacité d’un fast-food dans le traitement d’un baby blues.
Une scène du début du film pose le décor : une vingtaine d’aide-soignantes (toutes femmes) réunies dans une salle pour un débrief avec le médecin (un homme) qui semble n’avoir aucune empathie pour les femmes qui accouchent à cause des restrictions budgétaires et l’objectif de 2 jours d’hospitalisation pour un accouchement naturel et seulement 3 pour une césarienne. Penses-tu que les pressions économiques et politiques déshumanisent nos hôpitaux ?
Je dirais que le film a contribué à m’ouvrir les yeux sur ce que je pressentais déjà un peu. Ces pressions économiques et politiques sont effectivement dénoncées dans le film avec finesse. Le gouvernement met en place des mesures pour rendre l’hôpital plus efficace alors qu’il s’agit d’humains. On ne peut pas demander l’efficacité d’un fast-food dans le traitement d’un baby blues.
A un moment du film, une raison est avancée par une aide-soignante pour expliquer pourquoi ce personnel des hôpitaux est si mal considéré et mal payé : ce sont des femmes. Penses-tu que le combat pour nos hôpitaux et leur personnel soit essentiellement un combat féministe ?
Je ne pense pas mais ce qui a attrait à la naissance a toujours été un combat féministe. J’ai regardé un documentaire sur ARTE « Tu seras mère ma fille » et le combat pour un accouchement dans la dignité a été un combat féministe, tout comme le droit à la péridurale… C’est vrai que beaucoup de combats dans la médecine ont été des combats féministes. Je pense que c’est aussi pour cela que le casting de ce film est quasi 100% féminin.
Ton personnage est finalement le plus solaire et joyeux du film. Que penses-tu apporter dans cette narration somme toute assez dramatique ?
C’est un personnage assez ancré, quelqu’un de solaire. J’ai beaucoup pensé à ma grand-mère pour incarner cette femme d’une force vitale incroyable et sans filtre. Marion voulait amener de l’humour avec ce personnage. Je me suis beaucoup amusée, elle est un peu cancanière. En discutant avec Marion, on lui a trouvé des petites caractéristiques amusantes comme employer des mots savants « en catatonie », « ecclectique », comme son amour pour Marc Lavoine… J’ai adoré jouer une scène qui a finalement été coupée : je partais en sucette en faisant une choré sur une chanson de Lara Fabian ! Ce qui est réussi dans ce film, c’est que même si on peut considérer que mon personnage est secondaire, il existe comme tous les autres autour du personnage principal incarné par Sandrine Bonnaire.
L’image du « petit personnel de l’hôpital » est aussi dénoncée : le personnage central du film dénonce qu’on les considère comme des « sous-merdes », qu’on les prend pour des « idiotes » alors qu’elles ont d’énormes responsabilités sur les épaules et un salaire trop bas. Pourtant aujourd’hui, c’est ce personnel mal payé qui a dû affronter l’épidémie du COVID. Penses-tu que ce film aura la résonance qu’il mérite ?
Je le souhaite de tout cœur. Je pense que les lignes sont en train de bouger déjà pour ceux dont ce n’est pas le quotidien : on prend la mesure et l’importance du rôle essentiel des soignants dans nos vies. Je trouve que c’est un très bel hommage rendu à cette profession. J’espère qu’il sera vu par le plus grand nombre possible !
Tu es sur le point de donner la vie, après avoir tourné un tel film, ce n’est pas anodin ! Quelle est ta philosophie ?
C’est drôle car j’ai pensé pendant plusieurs mois que l’accouchement n’allait pas m’arriver. Ce n’est qu’assez récemment que j’ai réalisé que j’étais pas loin d’y passer ! (rires) En dépit du fait que j’ai assisté à des accouchements, cela reste un moment de passage, surtout quand tu ne l’as pas encore vécu, un moment intimidant et stressant. Je l’attends et je l’appréhende. Cela ne se passe jamais comme tu l’as prévu, cela demande un certain lâcher-prise. Dans le contexte du confinement, c’est particulier, cela rajoute un peu d’appréhension car les équipes sont fatiguées, inquiètes d’attraper le COVID. Je vais devoir accoucher avec un masque. Les pères sont admis mais ne peuvent rester que 2h… Mais c’est accessoire par rapport au fait que je suis complètement dans l’impatience et la sidération de rencontrer un être qui est pour l’instant dans mon ventre. J’ai peur, j’ai hâte !
Depuis Sarah a annoncé la naissance de son bébé sur son instagram ! Félicitations <3