Avec la libération de la parole autour des règles et du syndrome prémenstruel, un terme sort enfin de l’ombre : l’endométriose. Mais qu’est ce que c’est exactement, et comment savoir si on en souffre ? À l’occasion de la semaine européenne de prévention et d’information sur cette maladie du 8 au 14 mars, Cécile Togni, présidente de l’Association Info-Endométriose, répond à nos questions.
Qu’est-ce que l’endométriose pour l’expliquer simplement ?
Pour faire très simple, quand notre corps se prépare à recevoir un embryon, l’utérus se couvre d’endomètre, une membrane spongieuse qui s’évacue durant les règles.
Quand on souffre d’endométriose, ce fameux endomètre ne se forme pas qu’à l’intérieur de l’utérus, où il est censé être, mais aussi à l’extérieur. Il se retrouve alors autour des trompes, des ovaires ou de l’intestin.
Lors des règles, au lieu de s’écouler naturellement par le vagin, le sang s’évacue dans le corps, c’est ça qui crée les lésions et douleurs chroniques propres à cette maladie, et qui peut aussi entraîner l’apparition de kystes ovariens.
Quels sont les symptômes les plus répandus de l’endométriose ?
Le symptôme le plus évident et le plus connu, ce sont les crises de douleurs qui accompagnent les règles. Celles-ci se manifestent le plus souvent au niveau du pelvis et de l’abdomen, et sont très handicapantes. L’endométriose peut causer tout un tas de symptômes qu’on associe moins à cette maladie. Elle est la source de tout un tas de lésions internes autour de l’utérus. Du coup, certaines personnes ressentiront des douleurs même en dehors des périodes des règles, et des d’inflammations.
Il y a aussi les douleurs durant les rapports sexuels, qui ne sont absolument pas normales. Sur le long terme, les lésions peuvent aussi diminuer la fertilité, c’est d’ailleurs quand j’ai voulu tomber enceinte que ma maladie a été décelée et que j’ai été diagnostiquée.
Enfin, le symptôme peut être le plus tabou et le moins glamour se manifeste aux toilettes : l’endomètre endommage l’intestin, le côlon et le cul de sac de douglas, ce qui rend l’évacuation de selles très pénible.
L’endométriose touche 1 personne réglée sur 10. Comment expliques-tu qu’il y ait eu jusqu’à maintenant un désintérêt pour l’endométriose ?
Il est bon de préciser que quand on dit qu’une personne réglée sur 10 souffre d’endométriose, il s’agit des statistiques liées au diagnostic ! En réalité, les chiffres sont sans doute bien plus élevés.
Je pense que ce désintérêt vient du fait que la plupart des symptômes de cette maladie sont liés à des tabous très ancrés.
C’est une maladie des règles, historiquement liée à la douleur des femmes, ce sont deux grands tabous, alors cette maladie a été oubliée, enfouie.
Cécile Togni, présidente de l’Association Info-Endométriose
Les règles sont souvent sources de blagues et de moqueries qui font qu’on a parfois honte d’en parler. Du coup, beaucoup de personnes préfèrent faire l’autruche. Ce n’est pas toujours possible, par exemple, de dire à son responsable qu’on à besoin d’un arrêt d’une semaine par mois, alors on serre les dents.
Mais c’est un cercle vicieux : plus on attend, plus les dommages sont profonds, et plus la maladie devient handicapante. C’est pour ça qu’il est essentiel d’en parler et de lever ce tabou !
Tu nous dis que les statistiques des diagnostics sont bien en dessous de la réalité, à quoi c’est lié ?
Selon moi, au fait que la médecine a longtemps été un milieu uniquement masculin. Beaucoup de médecins confrontés à ces récits de douleurs préfèrent prescrire la pilule, par exemple, qui cache les symptômes mais ne traite absolument pas la source du problème.
Comme l’intérêt pour cette maladie est récent, beaucoup n’ont été pas formés à la reconnaître. Ils n’ont pas le réflexe de prescrire les échographies pelviennes ou IRM qui permettent de déceler la maladie.
Aujourd’hui, il faut en moyenne 7 ans pour obtenir un diagnostic.
Cécile Togni, présidente de l’Association Info-Endométriose
Je mets aussi en cause l’idée reçue selon laquelle c’est normal d’avoir mal quand on a un utérus, qu’il faut juste attendre que ça passe. Cette idée qu’on exagère et qu’on n’a finalement pas si mal et que ça ne vaut pas le coup d’en parler à notre médecin ou notre gynéco. Et c’est encore pire pour les personnes en surpoids ou racisées, dont on minimise encore plus la douleur.
Ce désintérêt soulève une question sociétale profonde : On considère que souffrir quand on a un utérus, c’est normal. Comment sortir de cette vision insensée ?
Déjà, il faut arrêter d’en vouloir à notre utérus, de voir ça comme une fatalité. Au contraire, il est essentiel d’apprendre à aimer nos corps, nos utérus, et même nos règles, même si elles sont sources de souffrance.
Il y a encore peu de temps, le clitoris n’avait pas sa place dans nos conversations. On ne parlait pas d’utérus, on ne regardait pas son sexe, c’était pour faire des enfants. On se retrouve avec des jeunes adultes qui éduquent leur mère sur ces sujets, c’est dire !
L’éducation est centrale pour libérer la parole et accueillir ses règles, mais aussi reconnaître quand quelque chose n’est pas normal. Il faut en parler à nos amies, en parler à notre médecin, insister pour qu’on nous entende, et faire dégager ce tabou.
Il faut aussi prendre conscience que cette maladie n’est pas constante, et que les expériences des personnes qui en souffrent varient énormément. Votre endométriose peut être grave sans être très douloureuse, ou très douloureuse sans être grave pour autant.
Toutes les endométrioses sont différentes, c’est pour ça qu’il faut en parler.
Cécile Togni, présidente de l’Association Info-Endométriose
Je vous conseille, entre autres, l’excellent podcast “mon endométriose” (disponibles sur Apple Podcast et Spotify) qui présente des conversations de femmes autour de leur maladie, de la façon dont elle impacte leur vie, et de leur parcours – chacune est différente, chaque parcours de est différent, et il faut les écouter.
Toi qui est engagée dans cette lutte depuis longtemps, qu’est ce que tu constates comme changements ?
Je suis heureuse de voir que la nouvelle génération ne se laisse pas faire ! La libération de la parole est en cours, et on avance très vite mais tout ne se fait pas en un jour.
Quand j’étais jeune, on n’en parlait pas, et je me sentais seule face à toute cette douleur. Si on m’avait accompagnée et informée quand j’étais ado, si on m’avait dit que ce n’était pas normal d’avoir mal, j’aurais moins souffert. C’est pour éviter à d’autres de souffrir inutilement que je me suis engagée dans cette lutte. Je ne veux pas que ça continue d’arriver à d’autres personnes.
Plus on reçoit ces informations jeune, plus tôt on peut réclamer une vraie aide médicale.
Cécile Togni, présidente de l’Association Info-Endométriose
Quelles sont les actions d’info-endométriose dont tu es la présidente ?
Nous avons pour mission de sensibiliser les personnes réglées et de créer une vraie mobilisation autour de cette maladie. Elle était quasiment inconnue à nos débuts. Il suffit de voir le premier slogan que nous avons utilisé : “Les règles c’est naturel. Pas la douleur”. C’est seulement après qu’on a pu parler d’endométriose. Ce mot ne parlait à personne à l’époque.
Nous accompagnons aussi les personnes qui ont du mal à se faire diagnostiquer, et échangeons beaucoup avec des associations de patientes. Info-endometriose développe activement des outils et des moyens de communication à destination des personnes touchées et du grand public avec trois mots d’ordre : sensibiliser, rassembler et mobiliser.
Ensuite, nous voulons mobiliser le grand public, les mécènes mais aussi les pouvoirs publics autour de la recherche au travers de campagnes et d’appels au don. L’endométriose est une maladie dont on parle de plus en plus mais dont les causes sont encore très floues, qui est donc difficile à traiter. L’INSERM* a mis en place un comité scientifique qui travaille sur ces questions.
La recherche manque de moyens et a donc du mal à avancer.
Cécile Togni, présidente de l’Association Info-Endométriose
*INSERM : Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale
En quoi cette semaine européenne est importante pour vous ?
Déjà, parce qu’on nous donne beaucoup plus la parole. Ça nous offre une fantastique plateforme pour nous exprimer. La dimension européenne nous permet aussi de mettre toutes nos ressources en commun et de travailler main dans la main avec les associations d’autres pays.
Il ne faut quand même pas oublier que nos actions et campagnes ne se limitent pas à cette semaine. Nous voulons en faire une grande cause de la santé mondiale au même titre que d’autres maladies.
Les chercheurs sont dans les starting-blocks, il ne manque plus que le financement.
Cécile Togni, présidente de l’Association Info-Endométriose
En 2021, pour la toute première fois, nous avons décidé d’organiser une collecte de fonds à cette occasion, qui ira directement à la recherche sur l’endométriose. On encourage tout le monde à y participer, que ce soit le grand public, les mécènes ou encore les pouvoirs publics.
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