#

#Throwbackthursday – Amélie Nothomb

C’était une légende urbaine à laquelle je n’osais croire. Pour contacter Amélie Nothomb qui fête cette année ses 25 ans d’édition, un obscure forum sur le net m’invitait à lui écrire (comprenez avec un stylo) aux éditions Albin Michel. Selon les dires des internautes, Amélie recevrait des dizaines et des dizaines de lettres chaque jour et y répondrait à toutes, personnellement. Cette interview est la preuve qu’il faut croire aux légendes.

Extrait de l’interview d’Amélie Nothomb parue dans notre magazine papier « Double-Jeu » – mai 2017

Alors c’est vrai, vous répondez au courrier des lecteurs…

Oui ! J’ai l’immense chance d’avoir mon propre bureau chez Albin Michel, ce qui me permet d’avoir un endroit où recevoir des lettres et répondre à mes lecteurs. Mon bureau est un tel chantier… La cause de ma mort est connue : je mourrai sous l’effondrement d’une pile d’éditions étrangères ! (rires)

 

La question qui vous énerve le plus et qu’on vous pose souvent ?

Je me lasse beaucoup d’une question pleine de présupposées : “Est-ce que j’ai affaire à Amélie Nothomb l’écrivain, le personnage ou la femme ?” Cela m’agace ! Cela sous-entend-il qu’il y en aurait une fausse !? Il n’y en a qu’une. Ce n’est pas parce qu’il m’arrive d’être élégante à ma façon, c’est-à-dire de porter un chapeau et du rouge à lèvres, que je suis une autre en dehors de ces moments-là. Quand vous vous mettez sur votre 31 vous n’êtes pas en train de mentir.

 

Vous n’aviez pas l’intention de devenir écrivain. Qu’est-ce qui vous a pourtant poussé à l’écriture ?

Jusqu’à mes 2 ans, j’étais une simili-autiste. J’ai ensuite été très épanouie, puis à mes 12 ans j’ai basculé. J’ai eu une anorexie abominable qui a failli me tuer. A 17 ans, mon état était dramatique. J’étais très seule et j’avais si mal, qu’il fallait que cela sorte d’une manière ou d’une autre. Mon écriture a tout de suite pris la forme d’un roman et m’a permis de m’ouvrir aux autres. J’ai des amis et des amours aujourd’hui, je reviens de si loin dans la marginalité que je suis un grand message d’espoir ! (rires)

 

Je reviens de si loin dans la marginalité que je suis un grand message d’espoir !

Amélie-Nothomb-interview-le-prescripteur-riquet-à-la-houppe-3

Qu’est-ce qui a été déterminant dans l’envoi de votre tout premier manuscrit ?

C’est arrivé après l’échec japonais. A 21 ans, j’avais acheté un aller-simple pour le Japon, j’avais décidé d’y faire ma vie. Cela a été un échec professionnel et personnel. Je n’aurais jamais osé envoyer mon manuscrit auparavant, mais mon orgueil avait pris une telle baffe que je ne pouvais pas tomber plus bas !

 

Vous êtes connue pour avoir un rituel d’écriture proche de la transe. Comment y parvenez-vous ?

J’ai longtemps tâtonnée. A 17 ans, je sentais qu’il me manquait le degré d’énergie nécessaire pour écrire. J’ai essayé des substances pas vraiment légales pour trouver ce qui me donnerait cette espèce d’explosion d’énergie. Je l’ai trouvée au Japon à 21 ans : la fusion de se réveiller beaucoup trop tôt (ndlr : à 4h du matin) et de boire du thé beaucoup trop fort, le Extra Strong Tea de Mark & Spencer très chargé en théine, était idéale. C’est ce qui me met le feu au poudre et provoque une transe. J’ai dû apprendre à la maîtriser mais avec le temps, j’y suis presque parvenue.

 

Une fois ingurgité votre demi-litre de thé brûlant, l’écriture est instantanée ?

Je m’y mets tout de suite. J’écris dans mon pyjama d’écriture orange en matière thermonucléaire qui n’a qu’une seule fonction, c’est d’être très chaud. J’ai les cheveux dans la gueule. J’admire Dali qui s’habillait pour écrire ! J’attrape mon Bic Crystal bleu et si l’écriture ne vient pas, j’imite le geste d’écrire et cela démarre. C’est un état dangereux, d’extase et d’excitation extrême durant lequel je suis très fragile et en même temps plus forte.

 

Nous sommes dans une époque qui cultive le mépris et cela me met terriblement en colère. Il vaut mieux 1000 fois haïr que mépriser, bien que je ne sois pas pour la haine !

Amélie-Nothomb-interview-le-prescripteur-riquet-à-la-houppe-2

Vous dites “tomber enceinte” de vos romans…

Oui, ce sont de vraies grossesses, c’est comme cela que je le vis. La chose la plus importante est qu’elles tolèrent le champagne et même s’en accommodent fort bien. (rires)

 

 

Quelle est la chose la plus étrange chez vous ?

Oula… Il y a pas mal de choses très étranges (rires). Disons qu’il ne faut vraiment pas m’adresser la parole quand je suis en train d’écrire. Si la personne avec qui je vis, si grand soit mon amour, vient me parler à ce moment-là, je me transforme en barbe bleu. Il y a des moments où il est important de dire “C’est mon territoire et vous n’avez pas le droit d’y venir”. Créer des limites est un droit que toute personne humaine a le droit d’exercer.

 

Qu’est-ce qui vous révolte le plus aujourd’hui ?

Ma réponse va être très vague mais toujours d’actualité : le mépris sous toutes ses formes. Nous sommes dans une époque qui cultive le mépris et cela me met terriblement en colère. Il vaut mieux 1000 fois haïr que mépriser, bien que je ne sois pas pour la haine ! Mépriser c’est se trouver au-dessus des gens et je ne le supporte pas. On peut haïr sans mépris.

Amélie-Nothomb-interview-le-prescripteur-riquet-à-la-houppe-'

Découvrez le dernier roman d’Amélie Nothomb paru chez Albin Michel !

0 0 votes
Évaluation de l'article
CategoriesNon classé
S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires