Petite, elle était réveillée par le bruit des perles que son père, fondateur de Gas Bijoux, faisait tomber sur le sol de leur maison-atelier à Marseille. Quelques années plus tard, Marie Gas plaque ses études d’avocate pour lancer son premier concept store BY MARIE : une curation des nouveaux créateurs de demain pour promouvoir l’artisanat et la slow consommation. Elle nous a ouvert les portes de son appartement parisien, pour un entretien tout en confidences.
Tu as toujours vécu dans un milieu artistique avec les ateliers Gas Bijoux de ton père installés dans votre propre maison… Plutôt étonnant d’avoir d’abord entamé des études de droit ?
Disons que j’ai beaucoup écouté mon cerveau gauche avant de découvrir mon cerveau droit ! (rires) Et je pense que j’avais une image erronée du réel métier d’un avocat. L’atelier Gas Bijoux a toujours été dans notre maison sur les hauteurs de Marseille. Depuis toute petite, mon père travaillait dans l’atelier qui se trouvait au-dessus de nos chambres. J’étais réveillée par le bruit des perles qui tombaient sur le sol. J’ai grandi dans une sorte de désordre qui a dû me nourrir c’est sûr.
Je n’étais pas certaine de m’épanouir dans ce nouveau métier mais j’avais l’intuition que cela me ressemblait davantage et je ne me suis pas trompée.
Qu’est-ce qui t’a poussée à changer ton destin ?
Je venais de prêter serment pour rentrer dans l’école d’avocats et j’ai décidé de faire une année de pause. J’en ai profité pour accompagner mon père à des salons, j’ai découvert tout un horizon créatif que je ne soupçonnais pas ! Je me suis ramenée toute une mode très colorée, hippie chic, très féminine de NY et Los Angeles qui ne s’était pas encore exprimée en France. J’ai décidé de quitter le métier d’avocat pour lancer mon projet de concept store. Je n’étais pas certaine de m’épanouir dans ce nouveau métier mais j’avais l’intuition que cela me ressemblait davantage et je ne me suis pas trompée.
Où as-tu installé ta première boutique ?
D’abord à Paris, rue Étienne Marcel puis à Saint-Tropez, Marseille et puis à nouveau Paris, avenue George V. C’est à Saint-Tropez où je me sens le plus libre d’exprimer ma saison estivale. La clientèle est magnifique, internationale exigeante, très raffinée et adhère complètement à mes collections. Certaines clientes fréquentent la boutique depuis plus de quinze ans… et viennent à présent avec leurs filles et bientôt les enfants de leurs enfants !
Je souhaite que mes clientes donnent du sens à chaque pièce et gardent longtemps chaque création, c’est l’ADN de ma propre collection BY MARIE Collection.
Comment s’est passée ta transition vers une offre e-shop en plus de tes boutiques ?
Je me suis posée la question il y a 5 ans, et je l’ai mis en place il y a 3 ans. Je ne voulais pas au début. Je cherchais mon modèle, j’avais la possibilité de penser différemment le digital et je cherchais vraiment le modèle qui correspondrait le mieux à BY MARIE, à moi, à ma clientèle. J’ai voulu penser un joli site qui soit facile à comprendre, lifestyle, avec un esthétisme fort. Même s’il est de plus en plus difficile d’avoir de nouveaux créateurs en exclusivité (ce qui était le concept de BY MARIE), je voulais continuer à me démarquer par la façon dont les looks et les accessoires sont rendus désirables sans pousser à la sur-consommation. Je souhaite que mes clientes donnent du sens à chaque pièce et gardent longtemps chaque création, c’est l’ADN de ma propre collection BY MARIE Collection.
Aujourd’hui tout le monde copie tout le monde, il faut savoir faire la différence et acheter de l’original.
Tu accordes une grande importante à l’artisanat…
J’ai toujours aimé l’artisanat de manière générale, c’est pour moi une composante du luxe. Aujourd’hui tout le monde copie tout le monde, il faut savoir faire la différence et acheter de l’original.
Avec BY MARIE, j’essaie de promouvoir une mode sans hystérie dans la consommation.
Ta démarche se rapproche de la slow fashion…
Ce côté slow fashion a toujours existé : prendre son temps de venir à la boutique, de s’habiller avec des vêtements qui ne sont pas démodés, qui ont une durée de vie et de plaisir qui durent un peu plus qu’une saison, c’est aussi une démarche de slow fashion. Avec BY MARIE, j’essaie de promouvoir une mode sans hystérie dans la consommation.
Comment déniches-tu les créateurs de demain ?
Avant je faisais énormément de salons, je voyageais beaucoup et je faisais des rencontres. Maintenant ça va plus vite. Faut courir plus vite ! (rires)
Tu es passionnée d’art et d’architecture, c’est cela qui te nourrit au quotidien ?
Plutôt la curiosité ! Je trouve que le métier d’architecte est le plus beau métier et le plus passionnant. L’art est un vecteur d’émotions comparables.
Pour ta marque BY MARIE Collection, tu n’as souhaité développer qu’une collection été…
Je sors une collection l’été et l’hiver, uniquement des cachemires intemporels ! L’idée n’était pas de révolutionner le cachemire, loin de là. Je souhaitais transmettre le savoir-faire de femmes au Népal et proposer des cachemires qui conviennent aux femmes pas très grandes et aux petits seins ! (rires) Je crée mes collections de manière très spontanée, c’est tout le contraire de ce que j’étais, petite avocate bien organisée.
Qu’as-tu gardé de cette petite avocate organisée aujourd’hui ?
Une capacité de travail !
Tu es aussi directrice artistique de Gas Bijoux, comment fais-tu pour être aussi créative pour les deux marques ?
Je ne sais pas ! (rires) Parfois je me dis que ce n’est pas humain. Mais je pense que l’un nourrit l’autre et que l’un est le moteur de l’autre. Je pense que ça donne la pêche de créer et que mes études d’avocat m’ont permis d’avoir un esprit de synthèse et de travailler très vite. Chez BY MARIE, je travaille sur 4 collections par an et pour Gas Bijoux, je vis un peu au rythme des présentations presses. On a des nouveautés presque tous les jours. Je m’occupe d’insuffler un cœur de collection et les artisans continuent de créer toute l’année en explorant et en improvisant sur les couleurs.
Je pense que les gens qui travaillent directement avec moi savent que le mot d’ordre c’est le plaisir dans la création.
Tu penses que les gens qui travaillent avec toi te décrivent comment ?
Je ne sais pas ! (rires) Je ne me pose pas la question et je pense que c’est très bien comme ça. Mais je pense que les gens qui travaillent directement avec moi savent que le mot d’ordre c’est le plaisir dans la création.
Il y a une forme d’intégrité à avoir pour sa marque, rester fidèle à ce qu’on aime, à ce qu’on est, même si cela engendre parfois de faire un peu plus le dos rond.
Quand on est devenu une institution, ce n’est pas difficile de se renouveler sans se perdre ?
Il y a des moments de crise parce que le doute est toujours là, mais avec le temps on acquiert de la confiance. Le passage au digital a été un moment de crise, il y avait la peur de l’inconnu et de ne plus contrôler. Il faut faire attention aux phénomènes de mode aussi, très éphémères ! Il y a une forme d’intégrité à avoir pour sa marque, rester fidèle à ce qu’on aime, à ce qu’on est, même si cela engendre parfois de faire un peu plus le dos rond.
Tu as encore des rêves inaccomplis ?
Non, je ne crois pas et c’est une grande chance. Peut-être avoir plus de temps car je cours après lui ! (rires)
Que fais-tu pour décompresser et prendre de la hauteur ?
J’adore lire. Je viens de finir Vers la Beauté de David Foenkinos. J’adore chiner aussi et pouvoir aller dans la nature, il faut que je vois la Méditerranée, sinon je deviens folle. Je descends souvent à Marseille pour voir la mer.
Te sens-tu chanceuse ?
Oui… J’ai deux affaires et on travaille en famille avec mon frère et mon père, donc il n’y a personne qui est là pour me dire non, c’est pas bien ! (rires)
Et on a hâte de voir la suite…
[…] avions déjà rencontré Marie Gas pour un portrait passionnant : elle nous avait accueillies chez elle, dans son appartement décoré avec goût, à […]