Mathilde Le Gagneur est en ce moment à la villa Noailles pour le Festival de Hyères. Finaliste dans la catégorie accessoire de mode, elle y présente une collection d’exception de pièces de maroquinerie en cuir végétal brut et bois d’ébène signé Atelier Le Gagneur. Un travail qui met à l’honneur l’artisanat français, promeut les matières écolo et la slow fashion. Rencontre avec cette Normande d’adoption.
Tu as été élève de la Saint Martins School de Londres. Que retiens-tu de ces années de formation ?
J’ai adoré vivre à Londres ! Et puis l’école était très cosmopolite, il y avait des étudiants qui venaient de partout et une exigence dans l’enseignement qui faisait du bien. On avait des professeurs avec un vrai jugement sur notre travail, ça m’a fait grandir.
Tu as fait tes armes chez Louis Vuitton. Quelles valeurs partagez-vous ?
Les valeurs du savoir-faire, du produit bien fini, du made in France. C’était mon tout premier emploi et une super opportunité ! Quand on sort de l’école on sait être créatif et leader un projet, en revanche on ne sait pas travailler dans le contexte d’une entreprise avec des équipes marketing, des artisans, une industrie. Je me suis formée à l’aspect technique de mon travail, j’ai été en contact direct avec les artisans et les maroquiniers. Cela a été extrêmement formateur pour la suite.
Tu as décidé de quitter Paris pour la Normandie : qu’est-ce qui a motivé ce changement de cap ?
Un choix personnel, j’étais enceinte ! On voulait que notre enfant grandisse à la campagne. On a pensé à revenir sur Paris pendant un temps et finalement on se plait beaucoup trop en Normandie.
Depuis ton nouvel environnement de vie, tu lances ta propre marque de maroquinerie : Atelier Le Gagneur. Te considères-tu comme une entrepreneuse dans l’âme ?
Oui, c’est une envie que j’avais. Je me suis toujours sentie entrepreneuse au sens créatif du terme.
Quelles sont les valeurs qui ont motivé la création de ton projet ?
Je voulais être dans le respect de l’humain et de l’environnement, c’était essentiel pour moi de monter un projet en accord avec mes valeurs personnelles. Cela a été évident de faire du made in France et très challengeant aussi car ce n’est pas facile de trouver un atelier de confection qui fasse confiance à une petite marque comme la mienne. J’ai également énormément travaillé sur le sourcing de mes matières premières pour qu’elles soient respectueuses de l’environnement. J’ai choisi des pièces de cuir de bovins français et une méthode de tannage végétal. Le tannage classique se fait avec des chromes extrêmement polluants. Le tannage végétal est une méthode plus longue, le cuir est plus coûteux mais cela respecte la planète.
Tu valorises l’artisanat français : c’est compliqué de produire à la main et en France aujourd’hui dans ton domaine ?
C’est difficile oui, et parfois je me dis « Heureusement que je ne savais pas ce qui m’attendait ! ». Mais aujourd’hui j’ai trouvé les bons partenaires avec qui travailler, j’ai une super relation avec l’atelier de confection situé dans le Nord de la France.
Tu valorises le côté durable de tes créations en choisissant des matériaux de qualité, respectueux de l’environnement. C’est une dimension essentielle à ton travail aujourd’hui ?
Je ne veux pas produire des centaines de pièces. J’ai la volonté de faire des modèles intemporels et en petite série. Ce qui intéressant pour moi est de faire évoluer les matière et les formes. Je ne respecte pas la saisonnalité. Je peux proposer des nouvelles couleurs quand j’en ai envie. Je m’affranchis du rythme de la mode pour garder un tempo qui me convient.
On voit beaucoup de lin dans tes créations, qu’est-ce qui t’attire dans cette matière ?
Le fait que ce soit une matière locale et écologique car peu consommatrice de ressources pour sa pousse ! La Normandie est la première région productrice de lin du monde. Il y a un terroir et un climat propice à sa pousse. Contrairement au coton, on n’a pas besoin de produits chimique, ni d’arrosage. Et j’adore son aspect naturel pour mes créations : la fibre est filée et tissée et c’est tout ! Il n’y a pas de coloration. Je l’envoie juste dans une usine pour qu’il soit déperlant, il est labellisé Oeko Tex.
Sur ton feed Instagram, on voit évidemment tes créations, mais beaucoup de champs de fleurs, de fruits et légumes… Ce sont tes inspirations ?
Cela me plait de partager ma vie normande sur Instagram. Il n’y a pas de beaucoup de marques en milieu rural. C’est chouette de pouvoir partager ça.
Il y a une volonté de prix accessible en se limitant à une distribution en ligne. Tu as tout de suite évacué la possibilité d’être vendue en boutique ?
Maintenant que je commence à avoir des demandes je me pose un peu plus la question ! (rires) Mais mes produits ont un pris de revient super élevé. Si je veux que cela reste accessible, je dois me tenir à ce postulat de départ.
Tu fais partie des finalistes du Festival de Hyères dans la catégorie accessoires de mode. Comment vis-tu cette nomination ?
J’ai été super super contente. Il n’y pas beaucoup d’événement avec cette portée-là. Moi en tant que marque qui se lance, c’est comme une grande fenêtre qui s’ouvre.
Que présentes-tu au Festival ?
Une collection que j’ai designée pour le festival et qui n’a jamais été montrée : 7 accessoires, sacs et pochettes, en cuir végétal naturel. Aucune coloration ni finition sur les pièces : elles ont la couleur rosé de la peau du bovin, c’est très organique. J’utilise aussi de l’ébène pour les poignets et les système de fermeture. Je voulais éviter de prendre des pièces métalliques qui font forcément appel à des finitions à bains chimiques et on connait rarement leurs origines. Mes pièces sont piquées avec des fils de lin, entièrement cousus à la main, sans machine ! C’est un énorme travail artisanal.
Où as-tu puisé ton inspiration ?
L’inspiration de base m’est venue d’un seau en bois japonais trouvée dans un livre de photos d’Albert Kahn.
Quels sont tes futurs projets ?
Pour l’instant, je suis concentrée sur le festival. J’ai vraiment envie qu’une sélection de pièces présentées soit commercialisée. Par la suite, j’aimerais lancer mon premier crowdfunding et j’ai une collaboration avec une artisane pour la fin d’année !
Tu as également lancé une collection réalisée par un ESAT (Etablissement et Services d’Aide par le Travail), quand sera-t-elle disponible sur ton eshop ?
Très bientôt ! Lorsque je recherchais des ateliers de confection, j’étais allée voir cet établissement de personnes handicapées dans le Calvados. Je ne pouvais pas y faire produire les pièces que j’avais en tête car le travail sur les coutures du cuir était trop exigeant. J’ai donc imaginé une collection adaptée, sans couture sur le cuir ! Cela rejoint ma volonté de donner un sens humain à Atelier Legagneur.
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