J’ai été fascinée par ses mains qui ont l’air de caresser les courbes des corps féminins qu’elle sculpte depuis son atelier parisien. Dans un rapport presque charnel à la terre, Thalia Dalecky donne vie à ses sculptures du féminin, et autre pièces de mobilier à la poésie évidente. Rencontre avec une artiste qui travaille les mains dans la terre.
Série Photos de Solenne Jakovsky
Thalia, es-tu artisane ou artiste ?
Je me considère comme une artiste tout simplement, mon travail pouvant aller de la céramique, au dessin, en passant par la photo, la peinture… J’aime expérimenter plusieurs médiums.
Où as-tu installé ton atelier ?
J’ai un atelier partagé à Paris quartier République avec deux autres céramistes talentueuses : Morgane Pasqualini et Sofia Moser Leitao. Nous avons toutes les trois des univers complètement différents et c’est très enrichissant à vivre au quotidien !
Quand on parcourt ton univers, la sculpture de profil a une place essentielle dans ton travail, comment l’expliques-tu ?
J’ai commencé par travailler autour de la thématique du corps féminin, puis sont venus assez naturellement ces visages allongés, comme si les représentations figuratives des femmes que je créais avaient guéri les blessures du féminin en moi, et invité la partie masculine à s’éveiller dans ma création .
Quelles sont les artistes qui sont sources d’inspiration pour toi ?
Egon Schiele, Georgia O’keeffe, les photographies de Robert Mapplethorpe, les sculptures de Brancusi, le mobilier de Jean-Jacques Argueyrolles, Valentine Schlegel, Elsa Schiaparelli, et tellement d’autres !
On sent un rapport presque charnel à la terre et à tes créations, tu confirmes ?
Merci 🙂 Je confirme complètement, et je suis ravie que cela se ressente à travers un autre regard que le mien 🙂 C’est vraiment un but en soi pour moi dans l’art, le rapport au toucher, l’éveil des sens.
Quelles sont les terres que tu travailles ?
Essentiellement le grès chamotté. Parfois je préfère travailler une terre plus lisse quand j’ai besoin de douceur ; à d’autres moments, j’aime la terre très chamottée, très rugueuse…
On peut dire que ta technique est celle du modelage, en quoi cela consiste ?
Pour mes céramiques, j’utilise différentes techniques : celle de la plaque (travailler des plaques de terre que je colle les unes avec les autres), le colombin (les petits serpents de terre que l’on pose les uns sur les autres), ainsi que la sculpture à même le bloc de terre !
Tu réalises des sculptures mais aussi du mobilier comme des pieds de table basse, des pieds de lampe… L’art a-t-il besoin d’être utile selon toi ?
La mission que j’ai aujourd’hui, c’est surtout, au-delà de l’utilisation que l’on peut faire de mes pièces, la reconnexion avec la matière.
C’est aussi pour ça que j’aime créer des pièces de mobilier, car on a moins peur de toucher un pied de table qu’une sculpture sur son socle par exemple, alors que pour moi les deux ont le même but. Dans ce sens, le travail des finitions, avec des textures glossy, brut, satinées, cirées, etc… est très important à mes yeux. Il invite l’observateur à y poser sa main pour comparer les différentes sensations. C’est un retour à l’enfance, au stade primaire du toucher, à cette envie irrésistible de tâter les matières des objets qui nous entourent.
Tu donnes des cours dans ton atelier, la transmission est essentielle dans ta pratique ?
Oui, j’aime partager ce que j’ai appris, et aussi voir mes élèves évoluer : les observer être fiers d’eux, se faire du bien et parfois guérir leur estime de soi.
As-tu un projet de rêve que tu souhaites un jour réaliser ?
J’aimerais créer une maison de A à Z . De la porte d’entrée en bois sculpté, aux carrelages, tapis, tables et chaises en fer forgé, cheminée, rideaux brodés, coussins, murs en glaise, vitraux, escaliers sculpturaux… avec tout un tas d’artisans qui m’aideraient à y parvenir.
Tu as toujours les mains dans la terre et l’eau : as-tu une routine beauté particulière pour prendre soin de toi ?
Oui ! (rires) De la crème pour les mains dans tous mes sacs ! Le Must have de la céramiste 🙂 Et parfois un petit tour chez la manucure, pour remercier mes mains de tout leur travail quotidien .