Go-go danseuse, barmaid, dame pipi, doubleuse de porno… et aujourd’hui humoriste, Doully partage sur les planches, dans son spectacle « Hier j’arrête » co-écrit avec Blanche Gardin, les milles vies qu’elle a déjà vécues. Dans un humour noir et trash, la jeune femme à la voix de clocharde (sic!) se confie, sans filtre, sur son passé de toxicomane, ses overdoses, mais aussi sa renaissance, et son engagement pour les personnes handicapées (comme elle). Dans le brouhaha d’un café parisien, Doully revient sur son parcours qu’elle est bien la seule à ne pas trouver… Wow !
Il y a une chose que nos lectrices vont manquer à la lecture de cette interview Doully, c’est ta voix, dont tu parles beaucoup dans ton spectacle. Comment la décrirais-tu ?
Disons que ma voix est née bien avant moi ! (rires) Elle fait plus vieille ! J’avais beau expliquer aux gens que j’étais née avec une voix de clochard, je n’étais pas crédible car à l’époque je me défonçais. Maintenant que je ne prends plus rien, les gens me croient !
Tu débutes ton spectacle par toutes les situations comiques que tu as pu vivre à cause de ta voix…
Oui, c’est vrai que je commence le show par ça : j’ai eu plusieurs histoires de personnes qui pensaient que j’étais bourrée à cause de ma voix dans des circonstance assez drôles. Une fois par exemple, j’étais en retard pour un concert vers Pigalle et je ne trouvais plus la rue, j’arrête un mec bourré sur son scooter et il me dit « Vu que je suis dans le même état que toi, ça va compliqué de se repérer ». J’avais trouvé ça très drôle. Une autre fois, un chauffeur de taxi me dit au bout de 5 minutes, « Si ça va pas, vous me prévenez, je m’arrête ». Pareil, un jour je prends le bus et je me trompe de ligne, je vais voir le chauffeur pour lui dire que je me suis trompée, je suis fatiguée et il me répond : « Oui bah, pas que fatiguée visiblement. »
Yacine Belhousse, producteur et metteur en scène, m’a avoué au bout d’un an qu’il avait cru que j’étais bourrée la première fois qu’on s’était rencontrés.
Tu racontes dans ton spectacle que tu as quitté très tôt le domicile de tes parents, à seulement 14 ans. Pourquoi ?
Mes parents avaient très peu d’argent. On habitait un trente mètres carré à quatre à Paris, avec ma grande-sœur qui elle, avait sa chambre. Moi je n’en avais pas. Mes parents étaient des amours très ouverts d’esprit, aujourd’hui ils n’assument pas vraiment de m’avoir laissée partir à 14 ans pour que je m’installe seule, mais à l’époque ce n’était pas dramatique du tout ! Cela n’a pas été une déchirure. Et c’est grâce à cette indépendance acquise très tôt que je suis devenue qui je suis.
Comment vivais-tu, seule, à 14 ans ?
J’avais pas mal de potes plus âgés que moi, ils vivaient seuls. J’ai accueilli tous les clochards du coin chez moi vers mes 15-16 ans. Fatalement, c’était la fête en permanence. On vivait à 8 dans 25 mètres carrés… Après, j’ai commencé à travailler la nuit et pour tenir et supporter les gens bourrés, tu commences à prendre des trucs pour te mettre à niveau de ceux qui t’entourent !
As-tu toujours eu ce goût pour l’interdit, Doully ?
Ma sœur m’a dit un jour : « Toi, depuis que tu es née, tout ce qui est interdit, tu y vas. Tu t’es brulée les ailes mais tu as vécu beaucoup de choses. A contrario, j’ai peur de tout, et je n’ai rien vécu. » L’une des devises beaucoup répétées par mes amis et que je trouve vraiment utile, c’est : « La peur n’évite pas le danger ».
Dans ton spectacle, tu te confies sans filtre sur tes anciennes addictions et sur le fait qu’un jour, tu as décidé de tout arrêter. Qu’est-ce qui t’a permis de sortir du cercle infernal de la dépendance ?
C’est différent pour chacun. Mais je pense que le seul truc qui te fait sortir d’une addiction, c’est d’en avoir vraiment ras le cul. C’est comme quitter quelqu’un : si tu as encore un peu de sentiments, il y aura toujours une partie de toi qui pensera à elle. Si tu ne peux plus blairer la personne, c’est bien plus facile de stopper la relation. J’ai failli mourir plusieurs fois d’overdose, mais la mort ne voulait pas de moi, et puis je n’avais pas envie de mourir ! Quand je suis vraiment arriver au bout, ma famille m’a aidée à trouver un médecin, le Docteur André Weissmann, qui a mis au point un protocole clinique différent pour traiter la toxicomanie. Ca a été ça, ma lumière.
Ressens-tu parfois une nostalgie de tes années de défonce ?
Aucune nostalgie. Ce n’est même pas une option dans mon cerveau. Pour deux heures de kiff, une semaine de bad, non merci !
Quel est le message principal que tu voulais faire passer autour de la toxicomanie dans ton spectacle ?
Je crois qu’il ne faut jamais désespérer, ne jamais baisser les bras. Que ce soit pour les problèmes de drogues ou autres maladies.
©Doully
Qu’est-ce qui t’as poussée à monter sur les planches pour raconter des morceaux de ta vie dans un humour ouvertement noir ?
Je n’ai pas vraiment choisi d’écrire sur ma vie : elle n’est pas spécialement wow pour moi. C’est plus les gens autour de moi qui m’y ont poussée, quand je racontais mes conneries. J’ai commencé le théâtre assez tôt, pendant que je travaillais la nuit. Mais le problème, c’est que ça me prenait beaucoup de temps, sans me faire gagner de l’argent. Alors que la nuit m’en faisait gagner beaucoup plus. Mais j’ai toujours su que je voulais monter sur scène. C’est cette lumière qui m’a permis de m’en sortir. Ceux qui ont un problème d’addiction, ou un problème pour être heureux : accrochez-vous à un rêve.
Tu confies également dans ton spectacle être handicapée, puisqu’atteinte de la maladie de Charcot Marie-Tooth. C’est important pour toi de témoigner, dans un humour trash, sur ce sujet ?
Oui, c’est essentiel car je trouve qu’en France on manque d’infrastructures, comparé à l’Espagne par exemple où j’ai vécu quelques années. Je suis hallucinée du manque de bancs dans les rues de Paris, parfois juste des fauteuils isolés. Il y a vraiment une action à mener au niveau des mairies. Dans les aéroports, tu n’as aucun siège avant l’espace d’embarquement.
Parler de ce sujet dans mon spectacle me permet de sensibiliser le public. Il y a plein d’handicaps qui ne se voient pas au quotidien. On peut avoir les boules de se faire doubler au caisse, ou déplacer dans une rame de métro par quelqu’un qui pourtant, « a l’air normal ». Mais il faut garder en tête que beaucoup de handicaps ne sont pas visibles, et que c’est parfois très humiliant de devoir sortir sa carte de handicap pour se justifier.
Es-tu fière de ton parcours aujourd’hui ?
Je ne me suis jamais dit que j’étais fière de moi. Je suis contente si les autres le sont pour moi ! Mais je n’ai pas tendance à m’autocongratuler.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite Doully ?
Contactez mon voyant !