Tout comme la baguette et le béret, la charentaise, cette pantoufle à la semelle de feutre, fait partie du patrimoine français au rayonnement mondial. En France, Olivier Rondinaud se bat pour protéger sa fabrication en Charente : arrière-petit-fils de fabricants de charentaises, Olivier intègre la société familiale en 1995. Après des années fastes, l’entrée de la Chine dans l’OMC met un terme aux années de prospérité de l’entreprise qui finit par déposer le bilan. Mais Olivier n’a pas dit son dernier mot : en 2020, il relance l’activité dans la plus pure des traditions, entouré d’artisans désireux de protéger ce patrimoine. Pari gagné…
Olivier, peux-tu tout d’abord te présenter ?
Je suis une quatrième génération ! Mes arrières-grands-parents ont créé la société Rondinaud en 1907. Au départ, ils étaient petits artisans : ils détenaient un magasin de chaussures à la Rochefoucauld, et fabriquaient notamment des charentaises. Il n’y avait pas de grosse manufactures comme dans les année 50/60. Ces magasins avaient une cordonnerie en arrière boutique. Mon grand-père, James, est venu les rejoindre. Après la guerre, ils sont rentrés dans l’ère industrielle : ils ont commencé à fabriquer des pantoufles à grande échelle… et dans les années 70/80, la société comptait près de 1200 salariés.
Tu es aujourd’hui à la tête de la société Rondinaud qui perpétue un savoir-faire ancestral : la fabrication de charentaise ! Historiquement, qu’est-ce qu’une charentaise ?
La charentaise est une pantoufle sans pied gauche ni pied droit qui, historiquement, se glissait dans le sabot pour améliorer le confort, la languette protégeant le cou-de-pied du contact du bois. Le modèle a un peu évolué au fil des siècles, devenant un petit chaussons cousu à part entière, et les gens de maison au 18ème siècle s’en servaient pour entretenir et lustrer les parquets, grâce au morceau de feutre sous sa semelle.
Dans les année 70/80, la charentaise s’est démocratisée. On est allé chercher d’autres matières et d’autres motifs pour en faire un accessoire de mode.
La société est fondée par tes ancêtres en 1907, et les charentaises deviennent mondialement connues dans les années 70, comment ?
La charentaise a explosé parce que mon grand-père était un très très bon commerçant ! (rires)
En 2018, la société a déposé le bilan : c’est un gros coup dur. Que s’est-il passé pour en arriver là ?
Notre société travaillait beaucoup avec la grande distribution qui exigeaient des prix toujours plus bas. La société s’est démenée pour trouver des solutions, mais cela ne suffisait jamais. La grand distribution voulait toujours moins cher. En 2005, la Chine est entrée dans l’Organisation Mondiale du Commerce et il n’y a eu aucune mise en place de quotas d’importation – des mesures protectionnistes qui auraient pu protéger les entreprises françaises. Au lieu de cela, tous les grands distributeurs français et européens ont commencé à acheter là bas. On s’est mis en redressement et on a été vendu. La société a quitté le giron familial, et est rentrée à l’intérieur d’un groupe qui regroupait 4 sociétés en difficulté : l’idée était bonne mais mal positionnée car un an et demi plus tard, cette nouvelle société a été mise en liquidation.
En 2020, tu décides de relancer l’entreprise familiale. Quelles étaient tes motivations à ce moment-là ?
Suite à la liquidation, je n’ai pas voulu laisser partir tout ça en fumée, probablement mon atavisme familial… Et puis, que faire d’autre ?
En 2019, je me suis rapproché d’un de mes collaborateurs de l’époque, Michel Violleau, qui avait en charge le réseau de détaillants de Rondinaud. On s’est associé pour créer l’Atelier Charentaise. On s’est rapproché d’anciens salariés de l’entreprise, détenteur du mythique savoir-faire du cousu-retourné, j’ai racheté un petit parc de machine, on a trouvé un local à La Rochefoucauld et on a lancé les premiers modèles en mai 2020, juste après le déconfinement.
En relançant cette entreprise familiale, c’est aussi un patrimoine et un savoir-faire français que tu souhaites protéger ?
Parfaitement. Une charentaise qui n’est pas fabriquée en charente, ça n’a aucun sens ! Et puis on a été soutenu par la mairie : eux aussi n’avaient pas envie de perdre ce patrimoine charentais. Ils nous ont aidé à trouver notre local qui était un ancien garage automobile qu’on a transformé en atelier de production.
Nous avons choisi une démarche de « jusqu’auboutiste » pour rester dans la pure tradition de la charentaise. On ne veut pas, pour des raisons d’économie, galvauder le produit. Nous défendons un patrimoine. Aujour’d’hui nous sommes 20 : c’est notre poids de forme comme on dit avec Michel !
Vos charentaises sont reconnaissables entre toutes grâce au tampon que l’on trouve sous leur semelle…
C’est notre signature ! Nous voulons sincèrement partager l’investissement humain qu’il y a derrière la fabrication de ce simple chausson. Et puis on souhaite montrer ce que l’on fait ! Il faut une relève !
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
Je reprendrais les mots de mon grand-père :