« Heureux soient les fêlés », c’est le titre du spectacle (super) original de l’humoriste François Mallet ! Dans une mise en scène sensible et poétique où la danse s’invite entre deux blagues, François brise le tabou de l’hôpital psychiatrique où il a séjourné un temps suite à une très lourde dépression. Gay, bipolaire, patineur artistique et beauf (sic!), il dézingue les idées reçues sur les « malades mentaux » et offre un témoignage intime de son parcours de guérison où la thérapie tient une place de choix. Rencontre avec un humoriste à suivre absolument.
Dans ton spectacle François Mallet, tu livres un récit très intime de ton histoire : celui d’un jeune homme de la campagne, passionné de patinage artistique, gay et bipolaire, qui un jour s’effondre sur la glace et part en hôpital psychiatrique…
Proposer ce spectacle aujourd’hui, est-ce un exutoire pour toi ?
« Heureux les fêlés », le titre de ton spectacle, donne le ton : tu veux briser le tabou sur les personnes en hôpital psychiatrique !
Il y a quelque chose de très paradoxal : l’hôpital psychiatrique fait peur et en même temps, dès que j’en parle sur scène, il n’y a pas d’appréhension. Je baigne là-dedans depuis longtemps.
Ton spectacle est d’ailleurs une ode à la thérapie : inviter les gens à prendre soin de leur santé mentale est important pour toi ?
Ce n’étais pas vraiment conscient de ma part mais la conclusion de mon spectacle, qui n’est pas de l’esbrouffe, montre bien combien la thérapie m’aide tellement à avancer et à être apaisée dans ma vie.
J’ai des blessures, mais la sérénité qui se voit en conclusion de mon spectacle est réelle. Je pense que la thérapie est souvent délaissée ou décourage beaucoup les gens qui ne savent pas vers qui se tourner ou qui restent sur un échec. Mais ça vaut le coup de continuer de chercher un thérapeute qui nous convient.
La danse a une place centrale dans ton spectacle qui a été chorégraphié par ton compagnon Maxime Boissier. C’est unique dans un spectacle de stand up !
Quand je suis arrivée à Paris et que j’ai axé mon spectacle sur la santé mentale, on s’est dit avec Maxime mon chorégraphe et Quentin Amiot mon metteur en scène, qu’on avait envie de traduire mon propos par le corps et non par les mots. Plus on a retravaillé le spectacle, plus on y a intégré des séquences de danse pour le rythmer, lui donner du relief.
Danser au Métropole est une défi de taille car… la scène est toute petite !
C’est vrai ! On ne dirait pas comme ça, mais la chorégraphie est millimétrée pour justement éviter que le spectateur ait l’impression que je vais me prendre un mur ! Et bien sûr, je n’ai qu’une hâte, c’est de jouer sur un plateau de 20 mètres par dix, même si ce sera un tout autre défi !
Dans ton spectacle, tu revendiques aussi ton statut de gay et beauf ! Pour toi, vous n’êtes pas assez visibles ?
Je suis certainement dans la vie moins gay et beauf que sur scène ! Mais c’est vrai qu’au cours de conversations hors scène, je me suis dit qu’il y avait un petit fil à tirer sur ce sujet car je ne corresponds pas aux standards du gay parisien !
Ce que tu ne racontes pas dans ton spectacle, c’est comment tu en es venu au stand up !
Le stand up est venu petit à petit, quand je suis sorti de ma dernière hospitalisation. A l’époque, je terminais mes études à Sciences Po Lyon, mais je ne voulais plus exercer le métier de journaliste, je ne savais pas quoi faire de ma vie. Je voulais faire quelque chose d’artistique, mais pas dans le patinage. J’avais hésité à reprendre des études de danse…
Et puis un jour je suis allé voir une pièce dans un café théâtre de Lyon : ça s’appelait « Bienvenue dans la coloc ». Il y avait 5 comédiens sur scène et ils avaient l’air de tellement s’amuser que j’ai commencé à prendre des cours de comédie en atelier du soir, en parallèle de petits boulots. J’avais besoin de cela à cette période de ma vie. Au bout d’un an environ, j’ai participé au Concours Kandidator sur Lyon : j’ai passé toutes les étapes du concours qui consistait à faire des sketchs de 2 minutes seul sur scène.
Avais-tu déjà un goût pour la scène ?
J’ai un goût de la scène depuis l’âge de 8 ans grâce à ma pratique du patinage artistique.
Lorsqu’on te voit sur scène, François Mallet, on ne peut pas s’empêcher de t’imaginer aussi sur des projets cinéma. Est-ce une envie de ton côté ?
C’est une envie, oui ! J’avais écrit une série à Lyon où je jouais mon propre rôle et ça m’a beaucoup plu. C’est quelque chose que j’aimerais développer par la suite, mais ce n’est pas mon objectif premier car je préfère vraiment la scène : la réaction immédiate du public, le bide ou non, l’émotion…
Il parait que tu travailles sur une version sur glace de ton spectacle… Quelle relation entretiens-tu à présent avec le patinage qui a eu une place si forte dans ta vie : te sens-tu apaisé ?
J’ai une relation globalement apaisée avec le patinage mais ne pas avoir fait une grande carrière reste une blessure.
En revanche, cela reste un bonheur de pratiquer le patinage par passion dans une optique purement artistique, libéré de ces injonctions à me lever à 5h du matin pour aller à l’entraînement. D’ailleurs, je ne veux plus avoir la contrainte de me lever à 5h du matin pour quoi que ce soit dans ma vie !