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La créatrice française la plus hype de New York

Personne n’imaginait qu’en débarquant pour 3 mois à NY, elle allait finalement s’y installer et lancer Ginette NY. Pas même Frédérique, la fondatrice, qu’on a réussi à skyper depuis son appartement new yorkais. Rencontre avec celle qui a cassé les codes de la joaillerie contemporaine.

 

Monogramme
Mythique monogramme Ginette NY

Tu as sorti ta première médaille en 2002. Pourtant tu n’étais pas dans le bijou à cette époque ?

Non, en fait je retravaillais pas mal de vintage en confectionnant des sacs et des vêtements. Une amie ouvrait une boutique, appelée Calypso. C’était dans les années 90. Elle voulait qu’on bosse ensemble, mais sa boutique était trop petite pour accueillir mes créations, alors elle m’a demandé de confectionner des bijoux. J’ai commencé par ma fameuse médaille, celle qui a deux trous pour y faire coulisser une chaîne. Il se trouve que j’en avais déjà confectionnées pour ma famille et mes cousines lorsque j’habitais à Marseille. Les petites médailles se faisaient beaucoup dans le Sud. J’ai laissé la possibilité aux clients de graver leurs initiales dessus et cela a énormément plu ! Alors j’ai commencé à élargir la collection en twistant des éléments de récup’.

Justement, tu as fait le choix de ne pas apprendre le métier d’artisan. Ne pas connaître la technique ne t’a jamais freiné ?

Non car ce que je souhaitais faire était très simple ! J’utilisais beaucoup de pièces déjà existantes. Par exemple, avec plein de gourmettes attachées ensemble, j’en faisais un gros bracelet. J’aime énormément twister. J’ai beaucoup utilisé les pièces de type industriel comme les plaques pour certifier l’argent ou l’or d’un bijou : je la faisais trouer de chaque côté, puis graver avec un mot qui me tenait à cœur. C’est comme ça qu’est née ma plaque LOVE. Mon fameux cercle en or est en réalité une pièce d’un fabricant à qui j’ai demandé de grossir la taille : à la base, c’était un petit anneau qu’on utilise pour fermer les chaînes. Je lui ai demandé de m’en livrer de dimension surréaliste pour lui ! J’ai rapidement travaillé l’or et intégré des diamants, de l’empierrement… Pour réaliser ces créations, je laisse faire les artisans dont c’est le métier.

Love

Une femme n’a plus besoin de son mari pour s’offrir une jolie pièce, elle peut se faire plaisir toute seule.

Tu dis souvent ne pas te considérer comme une marque de joaillerie. Pourquoi ?

J’ai plutôt ouvert à quelque chose de différent dans l’univers du bijou. Je ne fais ni de la fantaisie, car mes bijoux sont en or, ni de la grande joaillerie. Je suis cet entre-deux qui, je pense, correspond à la femme moderne. Mes bijoux peuvent se porter au quotidien, on parle de bijoux de peau, ceux qu’on ne quitte jamais, même pour dormir ou prendre sa douche… Je pense qu’ils sont émotionnels, touchent au personnel, à l’intimité. Mes créations sont également accessibles : une femme n’a plus besoin de son mari pour s’offrir une jolie pièce, elle peut se faire plaisir toute seule, comme quand elle s’achète une très belle paire de chaussures.

Ginette-3

Quelles sont tes sources d’inspiration ?

J’aime les couleurs, les matières, le prêt-à-porter. Je suis très à l’écoute de mes clients et je navigue beaucoup dans les milieux de la mode et du luxe. Mes inspirations peuvent partir d’un motif, de l’envie d’introduire une pierre… Je ne reste pas focus sur le bijou, mon esprit, mon regard se nourrissent de bien plus de choses pour être créatifs dans le bijou. Je suis très inspirée par le vintage, l’architecture et le design. J’aime aller piocher dans le passé en le décalant.

Tu as des créateurs qui t’inspirent particulièrement ?

Aujourd’hui je suis attentive à ce qui se passe. On ne sait plus trop qui on aime et qui on n’aime plus car chaque collection peut tellement être différente de la précédente ! Si je devais tout de même en citer deux, ce serait Christophe Lemaire et Les Prairies de Paris.

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Crédit - Willy Ronis
Crédit – Willy Ronis

Tu as grandi dans la cité radieuse de Le Corbusier, cela a développé chez toi ce goût pour l’architecture et le minimalisme ?

Je pense oui. C’était une vie très particulière. On vivait dans un immeuble très brut, c’était très identitaire. La vie y était chaleureuse, même si c’était bétonné. Il y avait un étage commercial, on pouvait se rendre chez le boucher, le boulanger… Au 6e, il y avait mon école maternelle, et le gymnase était sur le toit ! L’école enseignait selon la méthode Freinet. C’est un environnement qui a forcément éveillé des choses chez moi. Je n’appréhende pas l’art, les couleurs et les matières comme les autres. Je me suis sentie super à l’aise, hyper libre de m’exprimer.

Tes deux filles partagent aussi ta passion pour le bijou ? Elles sont fans de maman ?

La petite de 7 ans, ça la saoule. (rires) La grande de 14 ans adore. Elle porte mes bijoux et m’a aidé l’été dernier sur le motif empierré turquoise. Elle est d’ailleurs rentrée cette année à LaGuardia High School of Music & Art and Performing Arts, dans la section chant. C’est l’école qui a inspiré Fame. Je suis très contente qu’elle puisse vivre cela ici, à New York. J’aime plonger mes filles dans mon travail, je les « utilise » parfois en les faisant poser en photoshoot (rires).

 

Il se trouve que j’ai gagné au tirage au sort de la sacro-sainte carte verte. Je me suis dit que c’était le destin.

Boutique parisienne 66 Rue des Saints-Pères
Boutique parisienne 66 Rue des Saints-Pères

Pourquoi es-tu restée à New York pour développer ta marque ?

Quand je suis partie de France, c’était pour aider une amie enceinte. J’étais censée rester trois mois à New York et finalement je ne suis jamais repartie. Quand j’ai fait les démarches pour les papiers administratifs, il se trouve que j’ai gagné au tirage au sort de la sacro-sainte carte verte, ce visa permanent ! Elle me permettait de travailler aux EU, d’obtenir la nationalité américaine au bout de 5 ans… Je me suis dit que c’était le destin.

Ma mère, ma boss, mon amie… Toutes sont de générations différentes, et elles portent toutes tes créations. Comment expliques-tu d’être si universelle ?

Ce que tu dis, c’est ma plus grande satisfaction. D’avoir pu faire une marque qui n’a pas de limite d’âge. Ginette NY ne s’adresse pas à une certaine catégorie de femmes, l’attachement se joue davantage sur le design. Et j’avoue que lorsque je vois un de mes cercles au coup d’une femme de 70 ans, c’est encore plus beau que sur une minette. Je trouve cela super moderne, magnifique. J’ai aussi voulu que l’on puisse s’y retrouver dans les prix, bien que mes bijoux soient en or. A mes débuts, je n’avais pas les moyens de me payer des bijoux de dingue. Personne ne m’avait jamais offert de diamant. Introduire dans mes collections des micro-diamants abordables, c’était ma façon de rendre accessible un rêve.

Tu proposes aussi une collection pour homme…

Les hommes qui osent mon monogramme, c’est génial. J’ai offert le monogramme à mon filleul qui avait un style plutôt classique. On dirait qu’il a une fleur autour du cou. C’est beau, naturel, assumé. Lui ne s’est jamais senti mal à l’aise. C’est marrant parce que c’est assez inattendu. Et j’ai eu beaucoup d’hommes et de femmes qui pensaient ne jamais porter de bijou. Mais avec Ginette, ils ont passé le cap. Ça aussi, c’est l’une des meilleures choses qui puisse arriver à une créatrice, et c’est aussi ce qui me touche le plus.

Comment conçois-tu tes collections de bijoux ?

Tous les 6 mois, je réinvente de nouveaux modèles avec de nouvelles matières, de nouvelles couleurs. Chaque collection raconte une histoire que je mets en scène dans un film et un photoshoot. C’est important pour moi de marquer mon univers avec une mise en scène qui change à chaque collection.

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Quelle histoire as-tu voulu raconter dans ta nouvelle collection ?

Des moments de vie, simples, dans un univers complètement surréaliste. Je les ai pensés comme des tableaux. On y voit mes bijoux portés dans son bain, pendant la nuit, enlevés, remis… Je souhaitais inciter à prendre vraiment conscience de ces moments simples, à s’attarder sur eux. J’avais envie que le temps s’arrête. Même moi je me rends bien compte qu’aujourd’hui tout va trop vite, on va trop vite, je vais trop vite. Cette collection, c’est ma façon d’envoyer des petits messages de vie sans qu’ils soient radicaux, tranchants et agressifs. J’y instaure discrètement ma philosophie.

Quels sont les futurs projets de Ginette NY ?

J’ouvre une nouvelle boutique à Paris début 2017, rue du marché saint honoré ! On va aussi travailler sur une nouvelle boutique à NY car l’actuelle a besoin d’être repensée. Cela fait maintenant 10 ans que je l’ai ouverte, j’ai envie de bouger, de reconsidérer le message de la Maison Ginette NY. Même si j’adore la boutique historique et qu’elle a une grande valeur sentimentale, je recherche quelque chose de plus grand, avec la possibilité de partager l’histoire de Ginette. Y mêler l’art, ma toute première formation, et finalement l’une de mes grandes sources d’inspiration.

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