2021 aura marqué le retour d’HollySiz, alias Cécile Cassel, avec un EP au titre qui résume bien cette année mouvementée : Thank You All I’M Fine. Entre danse, féminisme et magie, rencontre avec une artiste entière et engagée avec laquelle on a envie de commencer 2022 en beauté.

Après deux albums dont les titres laissaient une place au silence (My Name Is, 2013, Rather Than Talking, 2018) ton nouvel EP Thank You All I’M Fine sonne comme un cri d’affirmation. Pourquoi avoir choisi ce titre pour mener l’EP ?

Etienne Daho disait qu’il faut 7 ans pour comprendre ce qu’on voulait exprimer en écrivant une chanson. Je ne suis pas sûre d’avoir encore toutes les réponses en ce qui concerne les albums précédents !

Par contre le choix du titre Thank You All I’M Fine pour cet EP était une évidence. Cette chanson est arrivée presque comme une chance mystique, car je l’ai écrite avant le confinement. Elle était un peu bavarde au début, puis elle a évolué au gré de ce que je traversais, maintenant elle laisse place au silence justement… Cette fluidité l’a imposée comme titre de l’EP, j’avais envie de revenir avec un message fort : pendant le confinement, on s’appelait pour se donner des nouvelles. Thank You All I’m Fine en donne à ceux qui en demandaient… comme à ceux qui n’en demandaient pas !

Dans le clip de Thank You All I’m Fine, tu danses seule sur les toîts de Paris. Quelle place occupe la danse dans ta vie ?

La danse fait partie de ma vie, car un regard, un geste, me permettent parfois d’exprimer plus que des mots. Mais la danse a pris un sens plus profond avec le confinement. Pendant cette période, nos corps ont été entravés, empêchés du jour au lendemain. Et même aujourd’hui, je sens un rétrécissement, un recroquevillement face aux écrans… Le clip prône la réappropriation du corps avec une approche différente de celles que j’ai eues avant. Pour me préparer, j’ai fait 8 jours d’atelier d’improvisation avec Marion Mottin, parfois sur mes chansons, parfois sur d’autres. Des gestes, mais aussi des mots-clé ont émergé.

On retrouve dans le clip cette réappropriation du corps et cette liberté, ça me regarde de danser avec un bras à l’envers si j’en ai envie !

HollySiz

La mise en scène du clip est très minimaliste, avec des coupures a capella et des mimiques drôles face caméra. Est-ce que cela vient d’une envie de fusionner la chanteuse et la comédienne dans une affirmation de soi ?

L’idée des silences et des gros plans vient du réalisateur du clip, Fabien Constant. La vidéo commence par un silence, une façon de montrer comment la musique reprend sa place dans un monde resté silencieux pendant des mois. La proximité avec mon visage et ses mimiques inhabituelles comme se tirer la peau, loucher…souligne à la fois l’élasticité du corps, mais aussi les injonctions sur l’âge que nous subissons.

La partie interpération s’est faite à mon insu, mais l’idée était de ne pas avoir peur du ridicule. J’ai donc été ravie d’un commentaire qui a qualifié la chorégraphie de ridicule car la personne en question n’en avait vu qu’un extrait ! Avec un hashtag Celeste Barber, que j’adore par ailleurs. Bref, certains ont fait exactement ce que j’attendais, c’est-à-dire visionner seulement un court moment et prendre le clip au premier degré. J’ai invité la personne concernée à le regarder en entier. Ce qui est dit dans le clip a donc une réalité prouvée !

Ton EP parle de libération et d’exaltation. Tu as toi-même pris une liberté artistique à l’issue du confinement en quittant ta maison de disques. Comment cette période particulière t’a-t-elle permis de te redéfinir en tant qu’artiste ?

J’ai toujours écrit mes chansons et produit ma musique, donc le fait de ne plus dépendre d’un label m’apporte plutôt une liberté par rapport aux injonctions de marketing et de promotion que sur le plan créatif qui reste inchangé.

Et en tant que femme ?

Je trouve que la période du confinement et plus largement que les 3 dernières années ont vu une prise de conscience des corps inégalée. J’ai commencé à regarder la série Impeachment qui parle de l’affaire Monica Lewinsky dans les années 1990 aux Etats-Unis, et on voit le changement par rapport à aujourd’hui ! Le traitement de cette affaire et de cette femme par les médias, à l’époque un vrai foutage de gueule, ne passerait plus du tout aujourd’hui !

Des voix se sont élevées depuis, et notamment avec MeToo. Nous avons mis le pied dans une fourmillière millénaire, le débat est maintenant sur le tapis, mais je me demande en tant qu’artiste et en tant que femme ce qui va en sortir.

HollySiz

Est-ce que cette liberté éclairée va faire peur, et donc déclencher un retour en arrière comme à d’autres périodes de l’histoire ? En tout cas cette pulsion de vie et ces changements infusent dans mon travail.

Je me réjouis aussi de voir la scène artistique plurielle qui émerge en France, et j’admire la génération qui a 20 ans aujourd’hui pour sa fluidité et son engagement, qui me font me sentir très vieille !

HollySiz

Je suis de la génération Sida, où faire l’amour voulait dire faire attention, et où le coming-out était une épreuve qu’on devait passer auprès de sa famille et de son entourage. Ce n’est pas encore une évidence aujourd’hui, mais je me sens quand même privilégiée d’être une femme française. Et d’avoir 39 ans en 2021 plutôt qu’en 1981 ou en 1991. Ce qui s’ouvre devant nous est trop enthousiasmant pour avoir peur de vieillir.

Les titres de l’EP abordent des thèmes parfois difficiles (Shooting Star, Give Me Something), mais toujours avec un rythme et une énergie qui nous poussent dans le positif. Comment fais-tu pour créer cet équilibre ?

J’ai une pudeur naturelle qui me pousse à ne pas sortir les violons pour aborder les thèmes douloureux. Come Back To Me était une chanson sur le deuil de mon père, mais elle a été reçue avec toute l’énergie de la danse. Je ne me suis pas rendue compte à l’époque qu’à chaque fois que j’interprétais cette chanson, c’était une incantation, une prière que je faisais tous les soirs sur scène. De toute épreuve, il naît de la lumière, cette chanson en est un bon exemple, comme Alors On Danse de Stromae que j’aime beaucoup.

La danse ne coûte rien, ne nécessite rien, on n’a même pas besoin de ses quatres membres, et pourtant elle peut être un antidote à la dépression sociale et aux difficultés.

HollySiz
HollySiz – Crédit Photos : Shelby Duncan

Ton titre Sister sorti en juin parle de sororité, pourtant tu as grandi avec deux frères… Comment t’es-tu constituée cette deuxième famille féminine ?

J’ai grandi au sein d’une fratrie avec un père très présent et où les codes masculins étaient donc prédominants. Petite, mes meilleurs amis étaient naturellement des garçons, car ils correspondaient à ces codes que je connaissais. Et puis j’avais certainement établi une sorte de protection enfantine, car je n’étais pas entourée que de femmes très sympa…

En vieillissant, j’ai commencé à mieux appréhender ma féminité. J’ai compris la puissance des femmes, la notion de communion. J’ai surtout rencontré des femmes différentes, qui sont devenues mon mentor, ma marraine, ma sœur…

HollySiz

Une en particulier à laquelle la chanson Sister est dédiée, même si j’avais en tête un propos plus large. Carol King chante une chanson que j’adore, You’ve Got a Friend : j’ai voulu en écrire ma version avec un compositeur anglo-norvégien. C’est une déclaration d’amour essentielle, avec une écriture très simple qui dit les choses. A la suite de cette chanson, le confinement m’a également amenée à sortir de ma pudeur et à dire tout simplement aux gens que je les aime.

Tu vis désormais au Pays Basque, et j’ai lu que tu n’avais pas choisi cet endroit par hasard, qu’il avait une histoire de sorcières ancestrale. Quel est ton rapport avec l’invisible et penses-tu être une sorcière moderne ?

J’ai un attachement très ancien au Sud-Ouest, où j’y vais depuis que je suis toute petite. J’y suis réellement installée depuis 4 ans et demi, après avoir passé plus d’une année avec un pied au Pays Basque et l’autre à Paris ; je ne suis donc pas une exilée du confinement !

Lorsque je suis arrivée ici je me suis connectée avec beaucoup de choses : des rencontres de femmes, de lieux « habités » comme ma maison lorsque je m’y suis installée… J’ai également redécouvert l’histoire du pays, et fortement ressenti l’appel de la Nature. C’est un endroit tellurique, il suffit de voir le nombre de profs de yoga, de magnétiseurs, de sophrologues et de rebouteux quand on regarde les plaques dans les rues. Quelque chose m’attendait ici… Cet endroit me recharge et m’inspire énormément, il m’apporte une forme de paix. J’ai la chance d’avoir la mer au bout de ma rue, et depuis mon arrivée il n’y a pas un jour où je l’ai vue pareille.

Tu as tourné une vidéo sur la sécurité routière avec Jean-Pascal Zadi : « Si tu conduis, je raccroche. » Pourquoi t’être engagée sur ce thème ?

La chanson de l’EP Shooting Star parle d’un de mes amis décédé dans un accident de voiture, c’était donc une évidence pour moi d’accepter la proposition du réalisateur Rémi Bezançon avec qui j’ai par ailleurs tourné deux films. Cela fait tristement partie de notre quotidien, on a tous été touchés de près ou de loin et plus ou moins brutalement par un accident de la route. J’étais donc contente de m’engager de cette manière-là, et en plus de tourner avec une équipe de copains.

Par contre, j’ai été bouleversée des commentaires qu’a suscité le couple mixte que je forme à l’écran avec Jean-Pascal Zadi. Les bras m’en sont tombés qu’on en soit encore là aujourd’hui ! Sachant en plus que c’était un hasard de casting et de calendrier, notre duo n’avait pas été plannifié…

Tu as choisi de placer l’année 2022 sous le signe de Stevie Wonder avec « Free ». Comment cet artiste t’a-t-il influencée ?

La musique de Stevie Wonder a un pouvoir sur mes cellules, elle provoque chez moi une réaction quasi mystique et naturelle d’explosion de dopamine instantanée.

HollySiz

C’est le seul artiste avec lequel j’ai vécu ça : quand je l’ai vu monter sur scène, j’ai explosé en larmes comme une petite fille de 8 ans ! C’est ce que je nous souhaite à tous pour 2022 : la liberté pour chacun(e) d’être et de ressentir tel qu’il/elle l’entend.

Quels sont tes projets à venir en tant que chanteuse et en tant qu’actrice ?

La suite de l’EP est en route, je suis en train de l’écrire… Je reprendrai ensuite avec plaisir les festivals d’été le 16 juin 2022 à l’Aluna Festival aux côtés de Stromae, je suis très heureuse de faire l’ouverture avec lui !

Puis j’enchaînerai sur ma tournée en juin 2022 avec tout autant de bonheur, celui de pouvoir recréer des « Walls of Love » où les gens se jettent dans les bras les uns des autres, sans abus, sans violence, et surtout sans se lâcher ensuite ! C’était le cas pour les live de Rather Than Talking il y a deux ans et demi et je me demande si des bébés ne sont pas nés depuis.

Et enfin, vous me verrez dans une série à la rentrée 2022. Je me suis éclatée à la tourner, j’ai un rôle hilarant, mais je ne peux pas encore en parler… A suivre !


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