Un premier album « Dévorantes » salué par la critique, une nomination aux Victoires de la Musique, une série de films à succès… Cette ancienne de l’Académie du Cirque Fratellini se balade avec l’aisance d’un funambule entre musique et cinéma. Rencontre avec Aloïse Sauvage, une artiste viscéralement libre.
Tu es actuellement à l’affiche de Placés de Nessim Chikhaoui. Parle-nous de ton personnage de Cécile, une éducatrice dans une Maison d’Enfants à Caractère Social.
Cécile est une éducatrice « installée » depuis pas mal de temps. On la sent un peu fatiguée, du moins, davantage à fleur de peau que ses autres collègues. Elle essaye d’avoir un enfant avec son conjoint et les hormones la travaillent… Bref, c’est un peu la ronchonne (au cœur sensible) de l’équipe !
Comment se sont passés la rencontre avec le réalisateur et le tournage du film ?
J’ai rencontré Nessim Chikhaoui grâce à David Bertrand, le directeur de casting du film.
Pour l’anecdote, on s’est croisés tous les deux en vélo à Paris à un feu rouge; il hésitait à me proposer ce rôle car c’est quelque chose que j’avais déjà pu expérimenter (et il me connait bien) dans d’autres films, mais il a pris cette rencontre comme un signe !
Aloïse Sauvage
Je me suis donc retrouvée à lire le scénario puis à rencontrer Nessim. On a parlé pendant un long moment; c’était une vraie rencontre humaine avant toute chose.
Le tournage s’est passé durant l’automne 2020; cela nous a permis d’échapper un peu au deuxième confinement étant donné que nous avions la possibilité de continuer à travailler au niveau du cinéma… Ça a été une vraie bouffée d’oxygène ; on a eu en plus la chance d’avoir un tournage qui ne s’est pas arrêté pour cause de cas COVID ; tout s’est déroulé sans encombres. On a tourné principalement en banlieue vers Villiers-sur-Marne, plus quelques jours dans le Sud.
Nessim Chikhaoui a dit s’être inspiré pour son film Placés de Nos Jours Heureux d’Olivier Nakache et Eric Toledano. Or tu as tourné avec ces deux réalisateurs en 2019 Hors Normes sur un autre monde à part, celui des enfants autistes. Quels sont pour toi les liens entre ces deux films ?
Pour moi, il y a un vrai lien,oui. Le lien « social » déjà, Eric & Olivier ont à cœur de parler de sujets qui les touchent et font toujours preuve d’une grande humanité en les mettant en scène. Je trouve que Nessim aborde les choses d’une manière similaire ; il expose une réalité et des problématiques dures tout en apportant de vrais moments de rire et de respiration. Tout est très naturel, vivant, frais et cela parle à tous types de public. C’est la force des films d’Eric & Olivier et je ne doute pas que Nessim en soit un digne héritier !
Tu as grandi en banlieue parisienne où a été tourné le film, est-ce que tu as fait appel à des situations vécues à ton adolescence pour préparer ton rôle ?
J’ai eu mon B.A.F.A et ai travaillé plusieurs étés en tant qu’animatrice de colonie de vacances. Alors, évidemment, ça ne fait pas de moi une éducatrice spécialisée mais ça m’a apporté une aisance, une facilité de communication et je crois la juste posture à adopter vis-à-vis de ces jeunes.
Aloïse Sauvage
Ensuite, oui, évidemment, j’ai fait appel à des souvenirs d’amis à moi (eux-mêmes placés ou devenus éducateurs) ainsi que des moments de vie vécus pendant mon adolescence, notamment à la maison de quartier de ma ville où on passait beaucoup de temps entre jeunes. Enfin, je me suis replongée dans le tournage du film Hors Normes où j’interprétais déjà une éducatrice, cette fois pour des enfants en situation d’autisme.
Tu as également participé à la B.O du film Placés avec la chanson du même nom, que tu as co-écrite avec Sam’s et sur laquelle tu chantes avec Viki. Comment s’est passée la création du morceau ?
Nessim est très solaire, bienveillant, attentif ; il aime mettre les gens en avant. La preuve, il a mis un morceau de Viki et un de mes morceaux (« Si on s’aime ») dans la B.O du film ! C’était déjà un sacré cadeau.
On avait déjà évoqué le sujet d’un morceau commun pendant le tournage mais c’est vraiment une fois le montage en cours que Nessim nous a rappelés en nous disant que ce serait vraiment symboliquement fort que de faire un morceau ensemble et de l’incorporer d’une façon ou une autre dans le film. Sam’s, Viki & moi sommes acteurs dans le film mais nous évoluons tous les trois parallèlement dans le monde de la musique. On a donc discuté de ce qui voulait être dit et Nessim a insisté sur la thématique de la « sortie sèche », le fait qu’à 18 ans, un jeune auparavant placé se retrouve coupé de toute aide et finit, souvent, à la rue. Nous nous sommes vus quelques jours après en studio et en une journée, le morceau « Placés » était né.
Depuis tes débuts au cinéma dans 120 Battements par Minute en 2017, tu as privilégié les films et séries porteurs d’une réflexion et d’un engagement. Est-ce que ce sont des choix délibérés de ta part ou une succession de belles rencontres ?
Un peu des deux, sincèrement ! Au départ, c’est toujours un choix. Je décide de me diriger vers tel type de film car le scénario me touche, car le sujet me parle. Et clairement, je ne sais pas faire autrement que de me laisser toucher par des choses qui engagent le cœur, d’une manière ou d’une autre. Ensuite, il y a la magie des rencontres qui me permet d’accéder au rôle convoité.
Je n’accepte jamais un film pour la « grosseur » du rôle mais toujours par rapport à la profondeur que j’y décèle. Par rapport à ce que raconte ce film et ce que je ressens profondément quand j’imagine faire partie de cette aventure.
Aloïse Sauvage
Entre le cirque, la danse et la scène, on te perçoit comme une artiste très « physique » pour laquelle le rapport au corps est primordial. En quoi le cinéma te permet-il de t’exprimer différemment ?
Je n’ai pas eu de formation d’actrice dite « classique »; j’ai la sensation d’apprendre sur le tas à chaque tournage, une formation sur le terrain disons ! Alors heureusement que j’ai mon corps, c’est lui qui me guide, lui qui sait, lui qui prend sa place sur le plateau en m’amenant à jouer la scène de manière souvent instinctive. Je dirais que je m’exprime d’une autre manière mais pas si différente dans le « procédé »: jouer, c’est ça qui m’importe. De sentir que je joue. Que tout est espace de jeu. Que tout est possible.
On t’a vue également dans la saison 2 de la série Stalk sur le hacking (France Télévisions, 2021). Quel est ton rapport aux réseaux sociaux et comment a-t-il évolué depuis le tournage de la série ?
Comme beaucoup de monde, j’imagine, assez addict. Quoique, les périodes plus silencieuses de création me permettent de m’en éloigner un peu mais globalement, je me sers des réseaux sociaux pour communiquer sur ce que je fais alors c’est du quasi-constant… Et c’est clairement un poison quand on s’y retrouve complètement aspirée du soir au matin…
Depuis le tournage de la série, pour être honnête, il y a eu deux phases: la première, de rejet en effet et de sur-attention (forcément on devient assez parano vu tout ce qu’on apprend en tournant « STALK ») et puis la seconde, le retour à la « normale » comme tout bon être humain ultra-connecté. Alors non, je n’ai toujours pas mis d’autocollant noir sur mon téléphone… Mais je change mes mots de passe plus régulièrement ! On va dire que c’est déjà ça. Même si c’est très médiocre comparé à tout ce que Charlie sait et peut faire…
Tu passes avec une grande liberté du cinéma à la musique, et ce mot liberté paraît bien résumer tes débuts. Qu’est-ce que c’est d’être une artiste libre en 2022 ?
Je crois qu’être une artiste libre, c’est créer exactement ce qu’on ressent en soi. Que chaque acte posé soit vécu comme entier, sincère et qui n’aurait pu être autrement. Les moments où je ne me suis pas sentie libre sont les moments où je me suis sentie « diminuée », bridée, frustrée, faisant des compromis, n’étant pas totalement alignée.
Être libre alors c’est ne rien regretter, s’emporter dans une danse, celle de nos viscères, sans avoir peur du reste. Être donc toujours au bon endroit. Pour soi.
Aloïse Sauvage
Quels sont tes projets à venir pour cette année un peu particulière, celle de tes 30 ans ? ☺
Il y a trois beaux courts métrages réalisés par trois femmes très talentueuses qui devraient sortir cette année et dans lesquels j’ai eu la chance de jouer : « Des jeunes filles enterrent leur vie » de Maïté Sonnet, « Laeticia35 » de Victoria Musiedlak et « Unes » de Kam Duv. J’ai également quelques tournages de prévus. Pour le reste, laissons l’avenir nous le dire… Mais ça manque de musique là non ? 🙂
Et pour finir quels sont tes 3 essentiels beauté, extérieure et/ou intérieure ?
Le baume miracle Ho Karan après la douche; la texture est différente de toutes les autres crèmes que j’utilise et en ce moment, c’est vraiment celle que je préfère. J’ai la sensation de nourrir ma peau d’une bonne manière.
Lire un peu chaque jour… Ça m’amène à voir la beauté du monde et à la ressentir profondément. Je me rends toujours compte de l’importance de la lecture quand j’y reviens après de longues périodes d’absence.
D’ailleurs je conseille l’ouvrage « Dans le palais des miroirs » de Liv Strömquist qui aborde… la beauté extérieure et l’apparence de manière générale. Ouvrage exceptionnel et nécessaire !
Aloïse Sauvage
Mes bijoux. Ma sœur m’a offert une boucle d’oreille en argent qui représente un petit tigre suspendu à un anneau. C’est mon nouveau grigri. J’ai très peu de bijoux mais ils ont tous une histoire et un lien avec la personne qui me les as offerts. Les porter me fait me sentir belle et forte.