Rencontre avec les chefs du moment, qui se révèlent à travers 3 de leurs plats associés à une vingtaine de nos questions. Au départ, celles-ci n’avaient pas grand-chose à voir avec la cuisine (on ne prétend pas être un mag spécialisé). Mais forcément, quand on rencontre des passionnés, ils ne peuvent qu’y retourner, souvent en courant… Chaud devant avec Alix Lacloche !
Après avoir fait ses classes chez les plus renommés des deux côtés de l’Atlantique (Alain Passard et Pierre Hermé en France, Alice Waters à San Francisco), c’est à Paris que la Franco-Américaine Alix Lacloche a décidé de poser ses bagages, et de s’exprimer pleinement en cuisine comme ailleurs : elle a notamment participé à La Nouvelle Édition de Canal + et apparaît régulièrement dans les médias pour partager ses recettes à la simplicité décalée.
Alix Lacloche nous reçoit chez elle un lendemain de Thanksgiving, et forcément au vu de ses origines, c’est une occasion de cuisiner pour ses amis qu’elle n’aurait jamais raté ! La rencontre se fait donc en mode cocooning, à quelques mètres des fourneaux qui semblent encore fumer du festin de la veille. Son teckel Mikado blotti sur ses genoux (lui aussi semble avoir besoin de récupérer), Alix répond à toutes nos questions avec la chaleur et la franchise qui ont fait sa réputation, n’hésitant pas à aller plus loin et à surprendre parfois… Rencontre avec une foodista qui en a sous le pied (et le fourneau !).
Ensuite lorsque j’ai perdu ma mère à 14 ans, je me suis retrouvée seule avec mon père et le Picard du coin, c’est à ce moment-là que je me suis mise à cuisiner.
ENTRÉE (EN MATIÈRE)
Vegetable blunt
Le vegetable blunt soit une feuille de chou cuite al dente dans laquelle on roule plein de légumes crus bien taillés, avec des herbes à gogo (menthe, coriandre mes favorites) et des petites choses croquantes, comme des oignons frits, ou du sésame toasté, des feuilles de shizo ou des feuilles de nori par exemple, il n’y a pas de règle quant à ce que l’on met dedans. On roule tout, on ferme le blunt et on le trempe dans une vinaigrette à la crème de sésame – à réaliser avec de la crème de sésame (dans les supermarché type Bio C Bon), du vinaigre de riz, de la sauce soja, de l’huile de sésame et éventuellement un peu de mayonnaise comme le font les japonais.
Mes racines
Ma mère était américaine, et obsédée par les bons produits : du pollen au petit-dèj, beaucoup de légumes, pas de sucres, zéro produits industriels… Elle a même fait venir un nutritionniste à la maison ! Du côté français de mon père, la famille cuisinait aussi beaucoup, et avait l’obsession du bon produit, on pouvait aller chercher tel jambon à 1h de Paris pourvu que ce soit le bon !
Ensuite lorsque j’ai perdu ma mère à 14 ans, je me suis retrouvée seule avec mon père et le Picard du coin, c’est à ce moment-là que je me suis mise à cuisiner.
Un souvenir d’enfance
Les escalopes à la milanaise de ma grand-mère paternelle, sans hésiter ! Et même si elle les servait toujours dans un grand plat, j’avais peur de ne pas en avoir assez et je lui demandais systématiquement de m’en remettre tellement c’était bon !
Une rencontre déterminante
Astrid de T’Serclaes, ancienne journaliste culinaire, que je considère comme ma « marraine » dans ce métier. Je l’ai rencontrée à mes débuts il y a 10 ans lorsque j’étais en stage chez Alain Passard. Elle a cru en moi, a appelé Pierre Hermé et m’a fait embaucher en deux secondes chez lui, l’un des meilleurs souvenirs de ma vie.
Une matière préférée (en cuisine ou ailleurs)
C’est difficile, j’en ai beaucoup, ce que je fais en cuisine est centré sur la matière… En ce moment j’aime bien tout ce qui est mou, gélatineux, comme les œufs de saumon par exemple. Je m’amuse aussi à faire un mélange sucre glace et de vanille au Vitamix qui s’approche de cette texture un peu old school, un peu années 70.
Une ville
Exceptée Paris, Rome pour sa cuisine ! J’y ai passé 3 mois quand je bossais pour la chef américaine Alice Waters, ça reste un très bon souvenir.
Femme de jour ou de nuit ?
Les deux, ça dépend des jours ! Plus sérieusement, j’étais sûrement plus « femme de nuit » avant, mais maintenant j’ai plutôt tendance, sauf aujourd’hui (rire), à être debout à 8h du matin. Et quand je re-tente la femme de nuit il me faut une semaine pour m’en remettre, donc ça devient rare !
PLAT (DE RÉSISTANCE)
Nouilles froides au sarrasin, boutargue et trévise
Mon sport
J’ai un coach génial, Raphaël Doub, qui m’a par exemple emmenée en rando dans les Alpes il y a 3 semaines. Et puis avoir un chien est un sport en soi ! Les promenades quotidiennes avec Mikado me font du bien.
Je me donne à fond pour que les invités vivent une expérience totale ; il faut que ça dépasse la cuisine, qu’ils soient plongés dans un art de vivre total.
Mon « classique » (en cuisine ou ailleurs)
À la maison, un plat de pâtes ça marche à tous les coups. Et pour un événement, une de mes salades gourmandes.
Mon vin
En dehors du boulot, tu veux dire ? Alors oui, si on parle en dehors, un bon verre de Bourgogne, juste un verre parce que je n’apprécie plus trop l’alcool, donc il faut qu’il soit bon ! (rires). Et pas forcément « bio »… Je ne suis pas fan des vins nature, même si je respecte tout le travail qui est fait autour, l’effet de mode avec ces vins m’ennuie.
Ma devise
Je n’en ai pas une en particulier, il faudrait que j’y réfléchisse pour pouvoir ensuite la sortir d’un coup comme ça !
Par contre, il y a un mot qui revient souvent pour définir mon objectif : inoubliable. Je me donne à fond pour que les invités vivent une expérience totale ; il faut que ça dépasse la cuisine, qu’ils soient plongés dans un art de vivre total. C’est mon métier qui veut ça, tout doit être parfait jusque dans le moindre détail ! Hier par exemple, j’ai eu 40 personnes à dîner. Je les aime toutes beaucoup, et pourtant certaines ne se connaissaient pas. La réussite d’un dîner c’est que l’alchimie prenne autant dans l’assiette qu’entre les gens ! Et je crois que j’ai réussi…
La réussite d’un dîner c’est que l’alchimie prenne autant dans l’assiette qu’entre les gens!
Mon héros – Mon héroïne
Amaryll Schwertner, qui a fondé « Boulettes Larder » à San Francisco. J’ai une véritable admiration pour cette femme, une chef pas comme les autres avec une vie pas comme les autres : une émigrée hongroise qui a débarqué à Miami avec sa grand-mère, et qui a réussi à monter un super projet. Même si elle est moins connue qu’Alice Waters (de Panisse à San Francisco, pour en savoir plus voir notre interview d’un autre chef, Daniel de La Falaise ici ndlr), elle est tout aussi forte dans sa recherche de mélanges de cuisines de tous les pays, c’est aussi une pro des épices ! Elle m’a appris à me faire confiance, et aussi que tout doit être délicieux, même si tout n’est pas forcément beau, c’est quelque chose que j’applique encore au quotidien.
Mon accomplissement
Arriver à travailler à la fois en équipe et sans stress, comme cette semaine avec Jérémie Ka, mon meilleur ami à qui on doit notamment le restaurant parisien « Balls ». Nous avons assuré un événement pour 300 personnes pendant 2 jours, et nous avons décidé de poursuivre la collaboration en montant notre société de traiteurs en duo, pour un projet qu’on veut imposer comme un petit Potel et Chabot, avec des événements de plus de 100 personnes comme des mariages, des séminaires…
Mon rêve
Travailler moins et gagner plus ! (rire) Non, plus sérieusement arriver à prendre soin de moi correctement, car ce métier est très physique et je ne prends pas assez le temps… Et continuer à développer mon activité, arriver à créer une entreprise stable, qui produise des événements inoubliables dont on se souviendra très, très longtemps après !
Ma deuxième passion
Chiner, j’adore dénicher des vieux objets. Je m’inspire beaucoup de mes virées aux Puces pour créer des set designs originaux. Plus largement j’adore tout ce qui est manuel : poterie, DIY, papier mâché, couture…
Mon évasion
Marcher sans but précis, en ville ou dans la nature.
DOUCEURS ET AMERTUMES (DESSERT ET CAFÉ)
Gâteau au persil, meringue, noisette et cerise
Ma musique
En ce moment une playlist de chansons italiennes.
Mon parfum
Soit je n’en mets pas, avec mon métier c’est normal, soit une touche de fleur d’oranger. Mais j’aime beaucoup sentir les parfums connotés « masculins », comme M/Mink de Byredo.
Mon rituel beauté
Ouh là il y en a beaucoup car j’adore les cosmétiques, encore quelque chose que j’aurais aimé faire à part la cuisine !
D’abord, c’est peut-être surprenant mais je suis une fan de déodorant, c’est ma passion ! Pour les événements c’est une obligation d’être impeccable et de sentir bon ! Mon préféré c’est le Déodorant à la Rose de Weleda.
Par contre, je ne me maquille pas beaucoup même pour les événements, et je limite mes soins cheveux à un masque pour enlever les frisottis.
Après il y a l’hygiène dentaire, très importante aussi, je collectionne les brosses à dents de différentes formes, sûrement parce que je m’attache autant au design des produits qu’à ce qu’ils contiennent !
Et enfin, la touche finale, l’huile essentielle de lavande qui parfume mes tabliers, pour être nickel de la tête aux pieds. Je vais l’acheter exprès dans le Lubéron, c’est dire si c’est important pour moi !
Mon paysage
N’importe quel paysage sans immeubles, sans êtres humains, sans pollution, mais avec le souffle du vent.
Ma nostalgie
Je ne suis pas nostalgique de nature, mais il y a un souvenir précis qui peut me donner ce sentiment : les déjeuners en famille chez ma grand-mère, au bord de la piscine ; marcher pieds nus sur les carreaux froids de sa cuisine loufoque, chiper quelque chose dans un de ses 3 frigos et retourner faire la sieste avec les grillons …
Mon regret
Ne pas avoir poursuivi chez Alain Passard ; après mon stage de 3 mois, on m’avait proposé de devenir commis de cuisine… Ma vie aurait été différente, sûrement plus « hiérarchisée », si j’avais accepté, j’avais 19 ans à l’époque, je serais sûrement sous-chef aujourd’hui… En fait c’est un faux regret, j’adore ma vie telle qu’elle est !
Un vœu
Être inoubliable. Comme beaucoup de ceux qui travaillent de leurs mains, j’ai envie d’être vue, de demeurer dans le souvenir des gens.
Mon métier c’est de nourrir, ça cache souvent et sûrement plein de choses niveau psy ! Mais l’égo, lui, on ne le cache pas, en tout cas pas moi, et on a envie que les gens se souviennent de toi.
http://www.alixlacloche.com – Instagram alixlacloche