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La Pop queer de Loa Mercury : « Je pense que le monde LGBT ne doit pas tomber dans la normalisation et montrer sa capacité à créer de l’hybride. »

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Autrice-compositrice transgenre, Loa Mercury nous embarque dans un univers pop velours, sensible et poétique avec la sortie de son tout premier EP « Ellipse ». Celle qui est également résidente chez Madame Arthur, nous a confié son amour pour Chopin, la langue française, les mots fléchés et la philosophie. Une artiste militante au projet musical forcément politique bien qu’elle souhaite avant tout qu’on s’attarde… sur sa musique. Et elle a bien raison. Montez le son.

Loa Mercury, tu es passionnée de musique depuis ton enfance passée en Bourgogne, quelles ont été tes premiers amours en musique ?

Mon premier amour, c’est Chopin ! Et puis quand j’ai grandi, j’ai eu un coup de coeur pour Woodkid, un deuxième amour ! Il était dans le même lycée que moi à Villefranche sur Saône, il était plus âgé, mais je me sentais connecté. J’aimais beaucoup sa façon de composer, ça m’a touchée. J’y retrouve des influences classiques et puis il est queer : c’était une sorte de repère. Quand on tombe sur une personne artistement si riche, elle devient un phare.

Tu dis que tu es passionnée par la musique romantique (Chopin, Debussy) et moderne (Saint-Saens, Satie, Fauré), où puises-tu l’inspiration pour composer tes morceaux ?

Quand je compose, je suis dans un lâcher-prise. Je ne sais pas s’il y a des influences directes. Mais j’écoute énormément de rap de tout type et je pense qu’à force d’en écouter, il y a une forme de lien invisible qui doit exister. Il y aura une dimension urbaine plus assumée dans mon prochain EP d’ailleurs.

Dans la partie consciente de la compo’, j’ai envie de me rapprocher de Françoise Hardy, Christophe, Sébastien Tellier… Et je suis très touchée par Billie Eilish et Lana Del Rey. Je suis très attachée aux mélodies hors du temps.

Loa Mercury pour le prescripteur

Tu écris tes textes en français. Pourquoi ?

Je pense avoir trouvé un style d’écriture très simple. Je ne me vois pas chanter dans une autre langue que la mienne, mon projet touchant à la sincérité, j’aime trop la langue française.

Je suis complètement addicte aux mots fléchés, j’ai une montagne de 25 mots fléchés chez moi, j’en fais quotidiennement !

Loa MErcury pour le prescripteur

Ton EP « Ellipse » à l’univers très astral vient de sortir. Pourquoi cette ligne directrice ?

Pour plusieurs raisons : je pense que j’ai compris que je faisais un erotic space opéra. J’avais envie de faire une sorte de comédie musicale space opéra où tout est plus ou moins relié à l’espace. J’avais besoin d’un support pour me lancer et le cosmique a été une bonne porte d’entrée. J’avais en tête la référence du film Barbarrela… J’avais envie d’explorer ce personnage. Je pense m’en détacher un peu pour la suite.

Je suis une personne assez tournée vers la spiritualité, l’aspect psychédélique de la vie. Je suis passionnée par l’astronomie et la philosophie. Je passe beaucoup de temps à y réfléchir de façon poétique. Les chansons sur le thème de la nature et l’univers me viennent assez naturellement.

Loa mercury pour le prescripteur

Parle-nous de ton morceau « Solstice » qui ouvre ton EP ?

C’est un morceau qui évoque un rendez-vous érotique en pleine canicule dans les années 2050. Je voulais imaginer un rêve érotique à l’heure où l’on ne peut plus aller dehors. Je suis assez satisfaite, c’est une petite mise en bouche de ce qui suit. L’écriture est proche de la comptine. J’aime son mélange de styles.

L’un de tes morceaux s’intitule « 1988 » : mais c’est l’année de quoi ?

De la rencontre de mes parents ! Quand j’ai écrit cette chanson, je me suis rendue compte qu’inconsciemment j’écrivais leur histoire. Mes parents se sont rencontrés une première fois à une soirée. Ils savaient allaient se revoir à une autre soirée. Ma mère était très timide et n’avait pas confiance en elle. Elle s’était en plus cassée une dent après la première soirée… « Une brèche dans son sourire d’ivoire ». Elle ne voulait pas aller à la seconde une dent en moins ! Ses sœurs lui ont dit d’y aller, elle a débarqué en moto, la bouche fermée ! (rires) Mon père l’attendait… Ces rencontres comme celles de mes parents sont plus rares je trouve dans notre société. Quand j’ai chanté cette chanson à mes parents, ils m’ont dit « c’est drôle, on aurait dit que tu étais là ». Ca m’a fait penser à Retour vers le futur où l’enfant assiste au premier baiser de ses parents. Le voile est un peu tombé sur la relation idéale.

Parle-nous de ton morceau EQUINOX qu’on a beaucoup aimé…

Je crois beaucoup au monde du multiverse. Un rêve, un fantasme, existe dans un autre univers. Si je pousse l’inventivité, tout cela arrive quelque part. Je suis infiniment persuadée que la vie est une rêve collectif. Que ressens-tu quand tu réalises que tu rêves ? J’aime cet état, j’y crois beaucoup philosophiquement. De manière plus pragmatique, je suis amoureuse d’une personne qui n’est pas amoureuse de moi : c’est un peu ça l’histoire.

Tu es artiste résidente au célèbre cabaret Madame Arthur depuis 2022… Raconte-nous cette expérience !

Je découvre la performance à plusieurs et c’est très agréable ! Et puis Madame Arthur, est une petite maison de 80 employés. Tout le monde respecte les identités de tout le monde, ça réchauffe le coeur, c’est une nouvelle famille, une communauté à part entière.

Je suis une personne transgenre, c’est difficile d’être soi-même. Je sais que chez Madame Arthur, je brille et les personnes là-bas me voient briller.

Loa Mercury pour le prescripteur

C’est un lieu habité, il se passe des choses burlesques depuis 1940 : il y a une énergie particulière ! Plus on passe du temps dans ce lieu, plus on se transforme en Madame Arthur.

Le fait d’être transgenre donne-t-il une dimension politique ou militante à ta musique ?

Le projet est politique, je suis militante, mais je ne veux pas que cela prenne le pas ! Je ne veux pas que l’on retienne mon militantisme plutôt que mon art ! Mais j’aimerais faire évoluer le regard des gens, normaliser la présence transgenre, notamment dans la musique. J’ai vu un commentaire récemment « Y’en a marre de la propagande transgenre dans la musique » : c’est faux ! Il n’y a presque personne ! J’aimerais être un phare pour les personnes LGBTQIA+ qui veulent tracer leur chemin. C’est important de proposer un éventail de repères le plus large possible. Que les générations futures voient que l’on peut tout faire !

Je pense le monde LGBT ne doit pas tomber dans la normalisation et montrer sa capacité à créer de l’hybride. Ils veulent nous mettre derrière les licornes et les paillettes… mais il faut aussi, qu’en tant que personnes aux identités de genre non normées, nous nous découvrions individuellement pour proposer un éventail créatif large. Etant donné qu’on est semé.e.s de façon aléatoire dans la population, on a des identités saugrenues et incroyables ! On offre au monde un cocktail artistique captivant pour faire grandir le patrimoine de culture queer.

Loa MErcuriy pour le prescripteur

Je suis agréablement surprise de la bienveillance avec laquelle est accueillie mon projet, mis à part quelques mascu’.

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Loa Mercury – Nouvel EP « Ellipse »

Tu es une artiste indépendante, co-produite par ton père. Comment se passe cette collaboration familiale ?

C’était le rêve de mon père d’être dans ce milieu-là ! Il a fait une formation de producteur avec son CPF. C’est une aventure familiale qui ne me surprend pas car mes parents ont toujours été derrière moi. Ils savent que le chant est ma deuxième langue. J’aime en parler car son comportement est exemplaire.

Un des fléaux de notre société, ce sont les parents qui ne sont pas admiratifs de leurs enfants. Si j’ai une vie aussi riche et précieuse, c’est parce que mes parents m’ont fait comprendre que j’étais précieuse.

Loa Mercury pour Le prescripteur

C’est le rôle des parents de le dire à leur enfants quotidiennement. Appuyer où ca fait mal, ça pourrit juste la vie ! On a comme référentiel que les personnes transgenre sont reniés par leur famille. Pour moi, évidemment qu’il y a eu un temps de réadaptation mais on le vit bien car on s’attarde sur la dimension humaine que cela apporte.

Les personnes qui transcendent le genre, que ce soit un besoin vital comme pour les transgenres, ou une simple réflexion, sont une leçon pour le reste de la société. Il faut apprendre à être fluide entre les deux genres : nous, les transgenres, représentons la radicalité, mais ce n’est qu’une balise !

Loa Mercury pour le prescripteur

On est allé.e.s très loin, mais les autres peuvent y aller plus soft ! (rires) Chacun est invité à explorer et affirmer sa part de masculin et de féminin.

L’intégralité de l’EP « Ellipse » de Loa Mercury à écouter ici !

Loa Mercury – Nouvel EP « Ellipse »
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