Nappes, chemins de table, serviettes… Aurélie Benoît pare nos déjeuners en famille d’amphores, d’algues, de coquillages et de formes abstraites et étranges, soigneusement découpées dans des tissus colorés et cousus à la main sur de grands linges anciens. Une approche artistique responsable et sensible des arts de la table…
Comment passe-t-on de styliste à artiste ?
Après un confinement ! (rires) J’ai un peu honte de l’avouer, car je sais que beaucoup de personnes ont souffert pendant cette période d’isolement, mais pour moi elle a libéré ma créativité. Au moment du confinement, mon conjoint et moi sommes partis dans le cabanon familial à Marseille, dans les calanques, juste avant les Goudes. Ce qui devait durer 1 semaine s’est transformé en 3 mois d’immersion en pleine nature. J’étais styliste de métier, et même si cela reste un métier créatif, j’avais beaucoup de cadres et de limites dans mon travail. Confinée en famille, j’ai eu envie de créer autour de l’art de la table. En y réfléchissant, je porte un amour aux jolies tables depuis toute petite : dans ma famille, c’est moi qui était chargée de mettre joliment le couvert.
Tu utilises la technique de l’appliqué pour réaliser des nappes, chemin de tables, serviettes en tissu… Comment t’es-tu initiée à cette pratique et en quoi consiste-t-elle ?
J’ai découvert cette technique dans des livres anciens de coutures. Il s’agit d’une technique ancestrale qu’on utilisait notamment pour confectionner des fanions, des drapeaux de guerre, etc. Elle consiste à découper des formes dans un tissu et à les coudre sur un autre tissu. Visuellement, cela s’apparente beaucoup au collage papier : mais ce qui peut paraître très simple, ne l’est pas du tout ! Il s’agit d’un long travail, précis et minutieux. Mon copain me dit souvent que je suis quelqu’un de très “appliqué” : je pense que ce n’est pas un hasard si j’ai choisi cette technique ! (rires)
Quel genre de tissus utilises-tu pour tes créations ?
J’utilise des tissus en coton, lin… de seconde main : ceux issus des trousseaux de mes grands-mères, mais aussi des tissus chinés (j’ai une passion pour les brocantes). C’était important pour moi d’inscrire mon travail artistique dans une démarche durable, responsable et authentique d’upcycling. J’ai collecté énormément de tissus ces dernières années…
Tu as baptisé ton projet artistique Collècta. Que signifie-t-il pour toi ?
Collècta veut dire collecter en provençal. Il rappelle mon amour pour le Sud de la France, mais aussi et surtout ma passion pour les après-midis à chiner, à collecter des tissus anciens…
Les motifs de tes créations font penser parfois à l’univers de Matisse…
C’est vrai, beaucoup de personnes me disent que ça leur rappelle les collages papier de Matisse, un artiste que j’affectionne particulièrement. Ma création est très alimentée par la culture méditerranéenne : mon amour de la végétation, des calanques, des reliefs accidentés… Et puis il y a aussi une inspiration antique voire archaïque qui m’inspire beaucoup. On voit souvent des vases et des amphores sur mes coussins et mes nappes qui rappellent l’archéologie sous-marine… La Grèce antique imprègne beaucoup de mes représentations figuratives. Et pour les formes plus abstraites, je m’inspire de l’univers sculptural de Valentine Schlegel, Henry Moore, Hans Arp… pour ne citer qu’eux !
Tes premières pièces célébraient l’art de la table, mais aujourd’hui tu investies toute la maison !
C’est vrai, j’ai commencé par l’art de la table car c’est qui m’attirait le plus et cela me rappelait mon enfance, les moments passés au cabanon… Aujourd’hui j’ai ouvert mon travail à des pièces pour la maison : housses de coussins, tableau mural… J’explore et je m’amuse !
Où peut-on trouver tes créations ?
En attendant la sortie d’un site à venir, on peut trouver mes créations à l’Atelier Matéria, 15 rue du cheval des roses, dans le premier arrondissement de Marseille : il s’agit d’un atelier boutique où je travaille et j’expose avec d’autres artisans principalement des bijoutières. Je présente également quelques pièces à la galerie 318 de la Cité Radieuse pour laquelle j’avais réalisé des pièces uniques inspirées du travail de Le Corbusier. Une de ces pièces va d’ailleurs être présentée dans une galerie à Zlin, en République Tchèque, là encore pour une exposition autour du travail de Le Corbusier. Mon instagram permet aussi d’avoir un bel aperçu de mon travail et je réponds par mail pour toute demande.
Tu participes également au projet de l’Annexe, initié par Caroline et Jean-Christophe, propriétaires du Bunker des Calanques à Marseille…
Ce projet réunit plusieurs artistes et artisans marseillais dans un lieu appelé l’Annexe, sur le port de la Madrague de Montredon, qui ouvre ses portes en avril. L’idée est de travailler ensemble pour proposer des pièces uniques. J’ai un projet de tête de lit, mais aussi un rideau en collaboration avec la brodeuse Johanna Piettre Hermès et une lampe de sol en collaboration avec la céramiste Fille de Lune. J’aime l’idée de mêler mon univers à celui d’autres artistes : on travaille souvent dans notre coin, et cela fait un bien fou à la créativité de partager nos idées !
Suivez le travail d’Aurélie sur Instagram @aurelie_benoit