Aussi à l’aise lorsqu’elle crée des objets et du mobilier pour sa propre maison d’éditions qu’en tant qu’architecte d’intérieur ou lors de ses collabs avec de grands éditeurs, Margaux Keller nous offre une vision du design toute en rondeur, poétique, colorée et sans prise de tête, à l’image de Marseille, sa ville de naissance et d’inspiration favorite. Elle nous raconte.
Série photos de Lucie Sassiat pour Le Prescripteur
Margaux Keller, quel a été ton parcours jusqu’à la création de ton propre studio ?
Je suis marseillaise, née à Genève. J’ai grandi à Marseille, mais j’ai ressenti très vite le besoin de découvrir Paris. Je sentais que quelque chose s’y passait. Après avoir étudié à l’école Olivier de Serres le design produit, j’ai été formée à l’espace et au mobilier à l’Ecole Boulle et ensuite je suis partie en Italie à la Fabrica pendant un an.
La Fabrica à Trévise, c’est un peu la Villa Médicis des designers, peux-tu nous expliquer ce que cela t’a apporté ?
C’était une période hors du temps. Prolifique créativement, riche en rencontres car nous partagions un studio de design avec plusieurs nationalités différentes, Canada, Chili, Corée du Sud, Japon, Italie, … J’ai adoré cette période.
Où puises-tu tes inspirations ?
J’essaie de dessiner des courbes, des formes qui suscitent des émotions.
Je dessine des courbes et quand la magie opère sur moi alors c’est déjà un premier pas. Mes racines m’inspirent, j’aime l’idée de perpétuer des belles traditions, des artisanats en perte de vitesse, mais de surprendre en leur donnant une nouvelle modernité.
Tu excelles dans beaucoup de domaines, archi d’intérieur, design d’objets, scénographie, quels sont tes sujets de création favoris ?
Le dessin d’objet est ma discipline préférée car l’objet est toujours dessiné à une échelle relativement humaine. Il faut pouvoir le tenir dans ses mains, s’asseoir dessus lorsque c’est une assise, éclairer lorsque c’est une pièce. J’aime ce rapport intime et sensoriel à l’objet.
On ressent une grande poésie dans les lignes et les objets que tu dessines, mais aussi une envie de ne pas se prendre trop au sérieux. Est-ce que le design doit aussi se vivre comme ça ? Plus simplement ?
Comme la vie finalement ! Du rire et de la poésie c’est tout ce dont on a besoin !
Tu as collaboré avec de très belles maisons. Comment fait-on pour s’adapter à toutes leurs spécificités ?
C’est bien là la partie passionnante de notre métier de designer. A la différence des artistes qui sont véritablement libres créativement, le designer doit avancer sous la contrainte : un brief, un besoin, une image de marque, un budget. Pour moi ces contraintes guident la création, je ne pourrais pas dessiner sans me fixer mes propres contraintes ou avancer sans un cahier des charges.
Tu es donc marseillaise et tu as monté ton studio là-bas. On constate que c’est une ville qui attire de plus en plus de créateurs et d’artistes. Y’a-t-il une énergie particulière sur la Canebière ?
Alors pas forcément sur la Canebière car c’est une rue qui a malheureusement perdu son charme je trouve avec le temps. En revanche, Marseille est pour moi l’endroit idéal pour s’accomplir autant professionnellement que personnellement et comme l’un ne va pas sans l’autre… C’est une ville qui respire le bien être, la joie de vivre, l’amitié, la lumière.
Quelle est la place de la femme dans le monde du design en 2024 ?
Quelles sont celles qui t’inspirent ?
Charlotte Perriand et Eileen Gray. Leurs biographies m’ont passionnée. J’admire leur courage, leur force de caractère à une époque où c’était un combat. Elles ont bousculé les codes et se sont imposées.
Des tips pour un intérieur « feel good » à la Margaux Keller ?
On ose la couleur et les mélanges sans peur de la faute de goût ! On installe des petites lampes partout (LED bien sûr !) pour créer de petites présences quand le soleil se couche. Aussi, les tendances sont trop souvent neutres en ce moment !
Et surtout, on investit dans du design bien fait, le plus local possible. De cette façon on se lasse moins des objets et meubles qui nous entourent, et on aura envie de les transmettre plus tard. Moins mais mieux.