Un premier roman, c’est comme un saut dans le vide. Un dévoilement. Un vertige. Un envol. Céline Navarre, autrice du livre L’envers des ombres, paru en février aux éditions Gallimard, nous raconte la naissance de son premier né de papier...
Le pitch de L’envers des Ombres :
Après plusieurs années à Paris, Lily est de retour dans les Vosges, où elle a grandi. Elle crée un jeu de miroirs sensible entre son passé et son présent, entre Paris et la campagne. Les détails du quotidien dans son village ravivent en elle les défaillances de ses premiers pas dans l’édition, le souvenir des auteurs, des cafés, et celui d’un amour croisé à Saint-Germain-des-Prés. Lily, qui se heurtait naïvement au métro, aux vitrines, se heurte au langage de la campagne, aux fêlures de son enfance, aux images de son père disparu et de sa mère enfuie de sa chambre d’hôpital, que tout le monde cherche. La jeune femme pose un regard poétique et malicieux sur tout ce qui l’entoure, observe avec légèreté personnages et parfums, lieux et sensations, comme si seule l’inépuisable variété des choses infimes pouvait lui rendre un peu ce qui lui manque le plus.
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Céline, vous avez publié en février votre premier roman : L’envers de ombres. Impatiente ? Angoissée ? Les deux ?
Les deux… Les sentiments qui dominent sont une immense fébrilité et fierté. J’étais très impatiente avant la date de sortie, comme les derniers kilomètres après un long voyage. Et depuis que L’envers des ombres est en librairie, je ressens comme un saut dans le vide dont je ne maitrise pas la retombée… Le livre ne m’appartient plus, il m’échappe et c’est bien ainsi.

paru aux éditions Gallimard, Collection Blanche en février 2023
17,50€
Racontez-nous la genèse du manuscrit… Avez-vous toujours été une romancière qui attendait le bon moment pour se lancer ?
J’ai toujours souhaité écrire, depuis l’enfance. J’ai entamé plusieurs projets sans jamais aller au bout. Puis, j’ai eu la possibilité grâce à Stéphane Million, alors éditeur de la revue Bordel dont j’étais la correctrice, d’écrire des nouvelles dans cette revue, il y a plus d’une dizaine d’année.
J’ai également été prête plume. Ecrire sous le nom de quelqu’un d’autre m’a donné confiance et désinhibée. C’est après cette expérience que j’ai eu l’audace de me lancer en mon propre nom.
Céline Navarre pour Le Prescripteur
Aussi, j’ai eu la chance merveilleuse d’être soutenue et encouragée par un écrivain, Alain Borer, qui voyait en moi des choses que j’ignorais de moi-même. C’est notre regard sur le monde, qu’on le prenne en photo ou qu’on le décrive ou simplement qu’on le perçoive d’un clignement d’œil, qui fait de nous des artistes, sans forcément être publié ou consigné quelque part matériellement.
Dans L’envers des ombres, Lily, la narratrice, est secouée par toutes mes passions, mes obsessions, mes doutes et mes peurs. C’est aussi en cela qu’elle est un personnage en lequel on peut se reconnaître.
Céline Navarre pour Le Prescripteur
Publier aux éditions Gallimard collection Blanche est le rêve ultime pour nombre d’auteurs… Comment est-ce arrivé ?
Oui, voir mon manuscrit publié en Blanche, avec cette couverture si majestueuse, qui fait autorité d’elle même, est quelque chose d’inouï, un grand sentiment de fierté et je n’y avais pourtant jamais pensé. C’est Alain Borer, encore, qui a fait parvenir mon manuscrit à Jean-Marie Laclavetine, sans promesse de retour positif. J’ai été tremblante pendant plusieurs semaines avant de recevoir un courriel de lui me disant qu’il avait été intéressé par mon écriture, qu’il souhaitait me rencontrer. Nous avons beaucoup retravaillé ensemble. Il a un regard au laser sur la narration.
Ma première version était écrite dans le sens chronologique de l’histoire. Jean-Marie a eu la lumineuse idée de me conseiller d’insérer le passé dans le présent en flashbacks de façon subtile. Cela a représenté un travail de démolition et de restructuration très lent et très précis pour passer d’une époque à une autre, l’air de rien, et cette tresse donne au livre une autre musicalité singulière.
Céline Navarre pour Le Prescripteur
Parlons de votre roman : quelles émotions cherchez-vous à susciter chez vos lecteurs ?
Je n’ai pas écrit ce roman pour susciter une ou des émotions particulières, et cela sera aux lecteurs de vous – de me – le dire. Mais j’ai cherché à créer une tension dans le climat bleu sombre, des personnages et des situations banales, et de les regarder par le détail, les choses ordinaires qui sont sous les yeux de chacun mais que personne ne voit…
Je suis fascinée par les non-dits, le hors champs, les ellipses, le silence et l’intériorité des êtres. Je suis très sensible à ce que j’entends dans les cafés, par exemple, des bribes de vies qui sont parfois des départs de conversations ou des voyages mentaux auxquels on ne s’attendait pas.
Céline Navarre pour Le Prescripteur
Récemment, j’ai entendu une dame dire « J’aimerais une amie, je ne sais pas ce que c’est, j’ai 62 ans, et je ne connais pas l’amitié ». J’ai pensé à Emmanuel Bove. J’aime aller vers la modestie des êtres, des choses.
Le plus beau compliment qu’on puisse vous faire sur votre roman serait lequel ?
De la part d’un écrivain : Tu as trouvé ta voix de romancière, bienvenue dans notre tribu et continue, tu es à ta place.
De la part d’un lecteur, car tout livre n’est que cela et j’aime ce tout cela : J’ai aimé votre regard sur le monde.
Pensez-vous déjà à l’écriture d’un second roman ?
J’ai terminé la structure de mon nouveau projet, cela a été un travail très long de plusieurs mois. Peut être qu’au moment de l’écriture, l’imaginaire prendra le dessus et j’écrirai dans d’autres directions que celles de mon schéma, mais avoir cette structure me rassure. Les thèmes sont différents, mais les obsessions restent les mêmes, la disparition, la recherche, le réel sombre, les non-dits, les zones d’ombres, le regard du quotidien à travers les petites choses fugaces. J’essaie d’écrire, comme disait Jules Renard, par petits bonds. Mes nouveaux personnages sont là, je vois leur contour et ce qui va leur arriver m’est dicté par eux.
Portrait chinois : si vous étiez…
- Un livre : Le journal, de Catherine Pozzi, Dialogues avec les bêtes, de Colette, Un bonheur parfait, de James Salter, des livres lus et relus pendant l’écriture de L’envers des ombres
- Une époque : les années 70
- Un vêtement : L’écharpe de Maurice Fanon et la robe de satin noir Yves Saint-Laurent pour Ingrid Caven
- Une citation : « Je me promène, je soulève le voile du silence et j’arpente le monde » Violette Leduc, L’asphyxie
- Une couleur : le noir pourpre de ma chatonne
- Une destination : ma table de travail
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