A l’heure du réchauffement climatique et de tous les enjeux qu’il représente, l’humanité doit se réinventer. Mais comment ? Dans son Traité d’humanité durable, Marie-Cassandre Bultheel énumère 7 racines du bien-être et propose une approche holistique de l’être qui prend le contrepied de notre vision trop matérialiste de l’existence. Une invitation à un éveil des consciences…
Les divers symptômes que nous voyons ne sont que les causes du conflit de séparation que l’homme a avec lui-même, les autres et la nature. Renouer avec soi et le vivant, nous permettra d’avoir une relation sacrée à la vie.Tout ce qui nous entoure a été créé par les générations précédentes. Nous pouvons créer le futur que nous souhaitons. L’éveil des consciences est la voie du changement.
Marie-Cassandre, vous parlez d’une enfance où la contemplation intérieure et du monde était centrale. Quelle a été l’éducation de vos parents ?
J’ai eu une éducation privilégiée puisque j’ai eu la chance d’être aimée et de grandir dans un environnement où la nature prédominait. J’ai compris jeune que ces éléments sont essentiels à notre équilibre et que beaucoup de nos maux sont liés à une relation déséquilibrée avec l’un de ces deux éléments.
D’autres éléments ont contribué à stimuler mon intérêt pour le développement personnel et l’introspection. La curiosité par exemple a joué un rôle important dans mon enfance, mes parents nous ont incitées à observer, poser des questions et à éveiller nos sens. J’ai développé une envie insatiable d’apprendre, d’évoluer et de remettre en question le statu quo.
La simplicité fût, et est encore, omniprésente dans ma vie, même adulte je continue à m’émerveiller. J’ai appris à regarder en profondeur, en silence et en conscience. J’ai reçu une éducation de l’expérience, de la découverte et du partage. Je pense que ça a influencé l’esthète que je suis devenue mais qui ne souhaite pas pour autant accumuler les biens matériels. Le beau a une place importante dans ma vie, comme Platon le disait « il élève l’âme du sensible à l’intelligible ».
Mes parents m’ont laissée m’ennuyer, je devais trouver des manières de m’occuper, ça a développé ma créativité. Pas de télévision ou de tablette ! Nous regardions la télévision ensemble le week-end, c’était un moment privilégié. L’ennui a fait naître l’envie de servir, je faisais le jardinage chez les voisins plus âgés. Je construisais également des cabanes d’où j’écrivais ce que je n’osais dire à voix haute probablement influencée par les auteurs que maman, naturopathe et énergéticienne, lisait et nous évoquait à table.
Votre engagement est parti d’un éveil : à quel moment de votre vie avez-vous senti un déséquilibre dans les valeurs humaines et en quoi cet éveil a été moteur dans votre vie professionnelle ?
C’est en 2017, après une rupture amoureuse douloureuse que j’ai ressenti un appel plus profond. Une quête de sens. J’étais coach en bien-être, mais il manquait une dimension indispensable au mieux vivre. La spiritualité.
Je me suis retrouvée dans un Ashram et j’ai vécu un moment particulier où le temps a semblé s’arrêter. Je pensais avoir médité 15 minutes et en fait j’étais restée 3 heures assise en connexion avec la nature qui m’entourait. Le temps n’existait plus, j’ai ressenti une profonde communion. C’est difficile de mettre en mots un instant si intime et si profond. J’en suis sortie différente. Comme si jusqu’à présent je n’avais vécu qu’un aspect de la vie. J’ai eu la sensation que mon coeur me murmurait : tu es un être spirituel ayant une expérience humaine et tout te fait grandir à condition d’être en pleine conscience. À partir de ce moment-là je suis devenue créatrice de ma vie.
L’éveil commence par soi, par une prise de conscience et une volonté de faire de sa vie, une expérience riche de sens. Quand vous avez cette intention à coeur, vos projets s’adaptent naturellement car ils transparaissent cet état, nous avons envie de partager une vision plus profonde de notre expérience humaine.
Au début c’était simplement une intention, un gouvernail si vous voulez, qui me guidait à prendre les étapes nécessaires pour une épurations des chaînes qui m’empêchaient jusqu’à présent de ressentir cette paix, cette connection et cet amour.
Puis la pratique et la discipline sont devenues importantes afin de créer une nouvelle expérience de vie. Un nouveau programme. Cela n’arrive pas du jour au lendemain, il faut de la patience et de la bienveillance avec soi-même car nous sommes imprégnés de pensées limitantes, de conditionnement et de certitudes.
Je dis souvent, ce n’est pas facile mais ‘there is no way back’. On ne perd pas, la vie devient plus riche et a plus de sens personnellement et professionnellement.
Nous devons donc cultiver une volonté de changement en éveillant un nouvel état d’esprit : un mode de vie et d’être qui assure non seulement notre préservation, mais notre coexistence harmonieuse.
Vous avez créé la Fondation pour une Humanité Durable qui soutient les objectifs fixés en 2015 par Ban Ki-Moon, secrétaire général des Nations-Unis. Quels sont ces objectifs ?
Les ODD proposés en 2015 fournissent un cadre précieux qui couvre le développement social, économique et environnemental et sert d’appel à l’action pour les gouvernements et le secteur privé. C’est un paysage d’une complexité écrasante, mais il y a une racine commune : le comportement humain. Notre projet est né de l’idée que pour changer de cap afin de préserver notre capital humain et naturel, il faudra non seulement un effort mondial des institutions et des gouvernements, mais la participation de tous les citoyens – c’est un effort de l’humanité pour l’humanité.
Nous devons donc cultiver une volonté de changement en éveillant un nouvel état d’esprit : un mode de vie et d’être qui assure non seulement notre préservation, mais notre coexistence harmonieuse.
L’humanité durable, c’est envisager un environnement et une éducation qui nous permettraient de mieux vivre ensemble. Voilà le monde que notre équipe imagine.
L’éducation positive est centrale, une citoyenneté humaine et fraternelle respectueuse du vivant doit nous être inculquée dès l’enfance. […] Si dès notre enfance, comme c’est le cas pour les indigènes, la terre représentait quelque chose de sacré alors individuellement nous agirions différemment.
Votre livre invite à une révolution des consciences et des conduites par une redéfinition des racines morales de l’humanité. Pensez-vous qu’il est possible de renouer avec une philosophie commune pour écrire le monde de demain ?
Oui il est possible et primordial. Il ne s’agit pas de renier nos différences culturelles, sociales, familiales ou religieuses qui font partie de nos richesses collectives. Il s’agit de nourrir ce qui nous unit et d’en faire des valeurs communes et essentielles. Je le vois comme un socle sur lequel l’humanité peut baser son développement durable.
J’aimerais que chacun réalise qu’il y’a plus de choses qui nous unissent que qui nous divisent. Il y’a des dominateurs communs avec des expressions singulières. Chacun d’entre nous expérimente des joies, des peines, des douleurs… Et recherche la bienveillance, la compassion, l’amour… Il faut comprendre que nous sommes unis par les qualités et les symptômes de notre condition humaine.
La nuance serait d’envisager que des valeurs communes ajoutent de la richesse à notre expérience individuelle. L’éducation positive est centrale, une citoyenneté humaine et fraternelle respectueuse du vivant doit nous être inculquée dès l’enfance. Si notre maison brûle avec nos souvenirs et nos biens matériels, nous serions attristés. Nous faisons donc tout pour être vigilants. Notre maison commune, la planète terre brûle. Si dès notre enfance, comme c’est le cas pour les indigènes, la terre représentait quelque chose de sacré alors individuellement nous agirions différemment.
Peut-être que nous pourrions créer des sociétés basées sur la réunion avec soi, l’autre et le monde qui nous entoure.
Vous identifiez 7 racines pour une humanité durable. Pourriez-vous les évoquez chacune en quelques mots ?
Le corps et l’esprit. Le corps mémorise nos expériences et le repos de l’esprit nous rend davantage disponible à l’écoute des ressentis, tensions, émotions et douleurs. Par l’expérience du jeûne par exemple, on nettoie le système digestif, on évacue les déchets physiques et on offre aux émotions une possibilité de s’exprimer.
Soi. Un proverbe dit qu’il faut naître deux fois pour vivre pleinement, la première fois par la chair, puis la deuxième fois à soi-même. Selon moi, cet accouchement représente l’ouverture à soi, aux autres, au monde, sans filtre ou identité sociale.
Le bonheur. Trouver son “ikigaï” (ce qui nous fait nous lever le matin) est l’exercice parfait pour être en accord avec soi-même et affronter la vie et ses aléas avec résilience. Il n’y a pas de sous-métier ni de métier en-dessous de soi. L’investissement dans les valeurs d’être est la seule chose dont on peut être certain pour l’avenir. Trouver son Ikigai, c’est trouver ce qui nourrit notre être.
L’éveil permet une expérience humaine plus profonde par la prise de conscience de ne pas être limité à son corps physique et au monde terrestre. C’est se reconnaître dans sa totalité.
Le lien. L’autre est le premier sujet de nos malheurs et de nos bonheurs. Il est essentiel d’apprendre que l’autre est un miroir et nous permettra d’évoluer tout au long de notre vie notamment par les tensions.
Le succès. Dans nos moeurs, la notion d’accomplissement est majoritairement liée à l’aspect matériel qui implique une course à la perfection, à la possession et à la domination. Vous pouvez avoir tous le succès du monde, si votre intention n’est pas altruiste et est dénuée de sens, il ne vous comblera pas.
La co-création. Il n’y a plus de frontières, nous sommes tous affectés par la crise sociale, économique et écologique. Un avenir durable passera par la mise en place d’une manière positive d’être et de vivre individuellement en accord avec notre humanité et notre biosphère.
Nous sommes en permanence sollicités à posséder plus, à avoir pour être heureux.
Y-a-t-il une racine qui selon vous, est la plus difficile aujourd’hui à ancrer dans nos sociétés ?
Elles le sont toutes puisque nous n’avons pas d’approche holistique de l’être et une vision trop matérialiste de l’existence.
Cependant, tout commence par soi, je suis convaincue que le changement que l’on souhaite voir collectivement passe par chacun d’entre nous et l’éveil de notre conscience. Si nous arrivons individuellement à faire face à notre part d’ombre, alors l’humanité bénéficiera de plus de lumière. Si nous sommes en crise personnelle, nous ne pouvons avoir un impact positif sur le monde. Dans mon livre, je parle du développement durable de l’être comme fondation au mieux vivre.
Nos choix de consommation par exemple jouent un rôle clé. Nous sommes en permanence sollicités à posséder plus, à avoir pour être heureux. Cela a une vraie influence négative sur nous et notre environnement. Nous avons créé notre propre mal être ! Chacun devrait investir du temps afin de créer un écosystème bon pour lui-même et inspirant pour les autres.
Je suis optimiste, c’est aussi ma manière de respecter la vie et d’essayer de sublimer ma présence sur terre. Je garde en tête que mon objectif n’est pas de sauver le monde mais de faire de mon mieux pour laisser une empreinte positive de mon passage sur terre.
Auparavant, quand on nous parlait de l’année 2000, on avait des étoiles plein les yeux, on imaginait les voitures voler. Maintenant, quand on songe à 2050, on se demande s’il y aura encore des poissons dans la mer, de l’eau potable pour tout le monde, et un système énergétique durable… êtes-vous optimiste pour l’avenir ?
Je ne rêvais pas de l’année 2000, les voitures volantes et le monde de la science fiction m’effrayaient déjà !
La technologie et l’intelligence artificielle révolutionnent rapidement notre environnement et nous déconnectent encore plus de l’essentiel. Simplement parce que l’immatériel n’a plus assez de valeur. Je pense cependant que tout n’est pas négatif et que l’ouverture sur le monde peut être positive et accélérer le changement. Ces outils ne sont pas dangereux si les intentions humaines avec lesquelles nous les utiliserons servent le développement positif de notre humanité.
Je suis optimiste, c’est aussi ma manière de respecter la vie et d’essayer de sublimer ma présence sur terre. Je garde en tête que mon objectif n’est pas de sauver le monde mais de faire de mon mieux pour laisser une empreinte positive de mon passage sur terre.
Ma spiritualité me permet d’appréhender les événements avec recul et de ne pas passer mon temps à montrer du doigt, nous avons tous un certain niveau d’ignorance et une certaine responsabilité. Je sais que le changement durable commence par l’éveil de ma propre conscience
Ma spiritualité me permet d’appréhender les événements avec recul et de ne pas passer mon temps à montrer du doigt, nous avons tous un certain niveau d’ignorance et une certaine responsabilité. Je sais que le changement durable commence par l’éveil de ma propre conscience. Chaque jour est une opportunité de mieux faire. J’ai appris à développer mon sens critique sans être intolérante avec moi-même car dans la société actuelle, nous ne pouvons être parfaits. Mais en étant vigilant, nous pouvons prendre des actions de réduction : moins de consommation inutile, moins de violence, moins de haine, moins de stress… pour plus de vie, de respect, de joie, d’amour, et de compassion.
Je veux être alarmiste tout en ayant un discours bienveillant, c’est la clé essentielle au rassemblement. Il y’a déjà assez de violence, de haine et de colère.
Les divers symptômes que nous voyons ne sont que les causes du conflit de séparation que l’homme a avec lui-même, les autres et la nature. Renouer avec soi et le vivant, nous permettra d’avoir une relation sacrée à la vie. Tout ce qui nous entoure a été créé par les générations précédentes. Nous pouvons créer le futur que nous souhaitons. L’éveil des consciences est la voie du changement.