La Caserne, n’oubliez pas ce nom, car ce lieu va devenir le 1er incubateur de mode responsable qui ouvrira ses portes à Paris, dans la plus ancienne caserne de pompier de la capitale, en juin 2021. Derrière ce projet ambitieux, une femme : Maeva Bessis, directrice générale du projet qui nous parle de ce qu’elle appelle sa « Station F de la mode responsable. »
Maeva, tu es directrice générale du projet La Caserne. Que faisais-tu avant pour te retrouver là où tu es maintenant ?
J’ai fait une école de commerce puis un stage de fin d’étude chez Nina Ricci. J’ai adoré l’univers du digital et j’ai souhaité avoir une expérience e-commerce. C’est comme cela que j’ai intégré les équipes de L’Exception en tant que directrice marketing puis directrice générale adjointe. J’ai toujours été attirée par l’univers de la mode et du digital. Quand j’étais plus jeune, j’avais monté un site observatoire de tendance qui re-publiait les éditos mode des magazines papier. Je les tagguais en affiliation sur les produits que j’arrivais à retrouver sur Internet. C’était un projet étudiant, déjà geekette !
Comment est né le projet de La Caserne ?
La mairie de Paris a lancé un appel à projets pour reprendre la plus vieille caserne de pompier de la capitale qui se situe au 3 rue de l’aqueduc dans le 10ème arrondissement. Depuis quelques années, mes yeux s’étaient ouverts sur la réalité de l’industrie de la mode. En tant que citoyenne, je sentais une vraie nécessité de changement et professionnellement, j’avais besoin d’un engagement plus fort. Jacques Veyrat, investisseur historique de l’Exception, m’a proposé d’imaginer un concept. Cela a été une magnifique opportunité pour réfléchir à un lieu dédié à la mode responsable. J’avais envie de créer un espace qui permette la transition écologique des marques de mode. J’avais découvert des créateurs engagés mais peu désirables et des créateurs désirables mais pas engagés. Comment réunir ces deux mondes ? En les accompagnant dans leur transition.
J’avais découvert des créateurs engagés mais peu désirables et des créateurs désirables mais pas engagés. Comment réunir ces deux mondes ? En les accompagnant dans leur transition.
La Caserne s’appuie principalement sur le 12ème objectif de développement durable détaillé par les Nations-Unies, peux-tu nous en dire plus ?
En septembre 2015, les dirigeants de la planète se sont mis d’accord sur 17 objectifs mondiaux en faveur du développement durable qui pourraient signifier la fin de l’extrême pauvreté, des inégalités et du changement climatique d’ici 2030. Ces objectifs fournissent un cadre nécessaire pour guider les créations de projets vers une voie durable. Pour La Caserne, nous nous sommes focalisés sur le 12ème objectif qui porte sur la consommation et la production responsables, vrai challenge pour l’industrie de la mode. Notre planète nous a fourni une abondance de ressources naturelles, mais nous ne les avons pas utilisées de manière responsable et nous consommons actuellement bien plus que ce que notre planète peut nous fournir. L’idée de La Caserne est d’apprendre à utiliser et à produire de manière durable afin d’inverser les dommages que nous avons infligés à la planète.
Les créateurs ont des pièces best-sellers dont le stock est épuisé rapidement et d’autres pièces qui ne fonctionnent pas et qui leur resteront sur les bras, même après les soldes. Il existe des solutions pour produire en flux tendu, s’adapter à la demande et éviter le gâchis.
Concrètement, comment allez-vous accompagner les créateurs de mode dans leur transition écologique ?
L’idée est de travailler sur 3 axes : le sourcing des matières premières (60% de l’impact d’un vêtement), la traçabilité et les volumes de production. Les créateurs ont des pièces best-sellers dont le stock est épuisé rapidement et d’autres pièces qui ne fonctionnent pas et qui leur resteront sur les bras, même après les soldes. Il existe des solutions pour produire en flux tendu, s’adapter à la demande et éviter le gâchis. Certes le coût est plus important à l’unité, mais c’est un gain de chiffre d’affaires pour les marques. Pour travailler sur les 3 axes, La Caserne va proposer de la formation avec 42 master class sur l’année et des outils concrets : par exemple un showroom de matières premières responsables, un studio photo de 130 mètres carrée, un fab-lap pour créer du prototypage et un espace de rencontres entre les étudiants des écoles de mode et les créateurs de La Caserne, un réseau pour rencontrer les bonnes personnes au bon moment.
La sensibilisation du public à son pouvoir d’action est également un objectif important de La Caserne. Comment allez-vous vous y prendre ?
Le lieu est immense et nous a offert de nombreuses possibilités pour accueillir du public. Il y aura 1500 mètre carré ouvert au grand public avec des expositions, des conférences, des manifestations culturelles, un restaurant végétarien, un rof top et une salle de bal. On s’est associé au Consultat pour aménager ces espaces.
L’idée est de sourcer au maximum du mobilier vintage ou issu del’économie circulaire pour avoir un impact minimum sur la planète.
Avec le COVID, les travaux ont pris un peu de retard. De qui vous-êtes vous entourés pour ce chantier ?
La régie mobilière de la ville de Paris s’occupe de la rénovation. On travaille avec les agences d’architecture Sisto Studios sur certains espaces. L’idée est de sourcer au maximum du mobilier vintage ou issu del’économie circulaire pour avoir un impact minimum sur la planète.
Quel est le business model de La Caserne ?
Le business model repose sur 3 sources de revenu : la mise à disposition de m2, l’organisation d’événements et la vente de programmes de formation. Financièrement, La Caserne est soutenue par Jacques Veyrat, un homme qui a fait fortune dans les énergies renouvelables, notamment avec NEOEN.
Quelles sont les marques qui seront présentes à l’ouverture ?
Après un appel à candidatures et un travail de sélection, 25 marques font partie de ce que l’on appelle la « Résidence #1 ». Parmi ces marques, on trouve : Patine [ndlr : vous pouvez retrouver notre interview de la fondatrice ici !], Salut beauté, Fête Impériale, Benjamin Benmoyal, Loom, Le petit dakarois, Cahu, Cavale…
Peut-on encore candidater pour intégrer le programme d’ici l’ouverture ?
Il y a en ce moment un appel à candidature pour le programme maroquinerie, avec APF France Handicap. Ils sont spécialisés dans la formation des personnes à handicap et ont un atelier à Evreux qui forme aux gestes de haute maroquinerie. Il est possible de candidater jusqu’au 15 novembre, il suffit de déposer son dossier en ligne. Il y a 15 places disponibles pour une résidence de 3 ans. Et enfin, en janvier prochain, il y aura un dernier appel à destination des start-up Fashion Tech avec 40 places disponibles.
Ce projet est colossal et il faut penser à tellement de problématiques… Comment fais-tu pour penser à tout ?
Je m’entoure et mise sur la co-création ! Les marques avec qui on co-construit le programme ont parfaitement conscience de leurs besoins. J’ai eu beaucoup de retours sur des éléments auxquels je n’avais pas pensé : mettre en relation les créateurs et les étudiants est une idée qu’on m’a soufflée. Julien, de Loom, m’a parlé d’un espace de test de durabilité des produits. Lisa de Make my lemonade, m’a donné l’idée de mettre en place des concours pour réduire l’impact au minimum. Il y a beaucoup de bienveillance autour du projet, et cela m’aide à prendre les bonnes décisions.
Pourra-t-on acheter des vêtements sur place auprès des créateurs ?
Sur place, il y aura une boutique L’EXCEPTION de 250 m2 distribuant uniquement des produits labellisés SMART CHOICE, un système de notation basé sur les critères des Galeries Lafayette GO FOR GOOD.
Pour cette espace unique, tu as choisi de garder le nom de Caserne, pourquoi ?
Ce lieu a une histoire que l’on souhaitait préserver et personnellement, je trouve assez joli d’être les pompiers de la mode. La maison brûle, on éteint le feu !
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