Les carrelages érotiques de l'artiste et céramiste Karla Sutra

Son nom d’artiste révèle déjà le souffle érotique qui traverse ses œuvres : Clara, aka Karla Sutra, est une artiste et céramiste habitée par la sensualité. Elle nous a accueillies dans son atelier d’où elle modèle et peint ses carrelages coquins qui se révèlent avec malice aux spectateurs avisés…

L’érotisme imprègne ton travail. Comment expliques-tu cette fascination ?

Je ne saurais pas trop comment l’expliquer. J’ai été marquée, petite, par un livre d’estampes japonaises qui restait ouvert dans le salon de ma mère.

L’érotisme est un thème qui fait partie de moi, c’est une sorte d’exutoire.
karla sutra pour le prescripteur

Les carrelages érotiques de l'artiste et céramiste Karla Sutra crédit photo lucie sassiat interview le prescripteur

Crédit photo – Lucie Sassiat pour Le Prescripteur

Tes premières fresques érotiques ont pris vie dans la rue. Pourquoi avoir commencé par des collages ?

J’ai toujours cherché un mode d’expression : je dessinais beaucoup, je faisais des expérimentations autour de la vidéo… J’ai pris beaucoup de chemins artistiques différents pour étonner, faire rire… et jouer avec les gens ! J’ai toujours aimé tout ce qui est interactif.

Un jour, j’ai trouvé cette idée de reprendre le rythme de la céramique murale liée à l’azulejos, mais aussi à l’art mauresque et catalan (ma famille est d’origine catalane). J’y ai intégré ces figures érotiques qui deviennent des trompe l’œil grâce à la symétrie du carrelage.
karla sutra pour le prescripteur

Je jouais avec l’architecture de la rue grâce à mes collages.

Pourquoi avoir cessé le street art ?

J’ai arrêté pour le moment car le COVID est passé par là ! (rires) Il y a eu une grande présence policière dans les rues. Et puis mon univers s’est développé, j’ai commencé à travailler sur de vrais carrelages. Je me suis formée à la céramique dans un atelier familial dans le 18^èmearrondissement. Et aujourd’hui la demande est telle que je travaille avec des artisans de Catalogne qui me fournissent en carreaux et assiettes.

Karla Sutra | Crédit photo – Lucie Sassiat pour Le Prescripteur

Tes fresques aphrodisiaques sont conçues comme des trompe-l’oeil : c’est un jeu pour toi ?

Oui c’est un jeu ! Je les appelle aussi sauteries illusionnistes ! Lorsque je faisais des collages dans la rue, je cherchais cette interaction avec le passant. Et puis quand j’ai commencé à développer l’art de la table, j’ai gardé cette idée de surprise avec le spectateur. Tu découvres le décor de l’assiette tout en mangeant.

Crédit photo – Lucie Sassiat pour Le Prescripteur

Tu travailles beaucoup avec des chef.fes.s de restaurants pour créer des assiettes surprises ! Le lien entre ton art et la gastronomie était évident pour toi ?

Sensualité et nourriture ont un lien évident ! Et mes assiettes « surprise » sont inspirées du principe des verres à saké.
karla sutra pour le prescripteur

Elles sont toutes faites à la main. Une partie en porcelaine dans mon atelier, et la partie en terre rouge, par des artisans catalans qui m’aident à produire en quantité. J’ai travaillé par exemple avec Thomas Chisholm du restaurant Chocho Paris : il m’a demandé de créer un décor autour du mouvement du dadaïsme. Sa spécialité à lui est de proposer à ses clients des plats à saucer : ses plats sont donc servis dans mes assiettes. On sauce le plat avec un délicieux pain servi chaud et on caresse les assiettes pour en découvrir le décor…

Crédit photo – Lucie Sassiat pour Le Prescripteur

Tu as signé de nombreuses collaborations food mais pas que ! Avec notamment Amélie Pichard, Les Inrockuptibles… Tu apprécies de travailler en collab’ ?

J’aime ce terme de collaboration, car j’adore travailler avec d’autres personnes d’autres milieux qui vont me donner un autre éclairage sur mon travail. Cela me nourrit et m’inspire !

Quelles sont tes sources d’inspirations ?

L’art moderne, les estampes, les peintures antiques, toute la renaissance italienne mais aussi beaucoup la pop culture, le pop art… Je pioche un peu partout ! (rires)