Cette année, elle aurait eu 100 ans ! Françoise d’Eaubonne, penseuse de génie, écrivaine prolifique et militante radicale est bien connue à l’internationale et pourtant tombée dans l’oubli de la mémoire collective française. Pourtant, elle est la première éco-féministe à avoir formulé une pensée radicalement différente pour changer le monde et dénoncer l’oppression des femmes et de la nature. Sous la plume d’Elise Thibaut dans son nouveau livre L’Amazone Verte, elle revit et nous dévoile ses combats politiques et les secrets de sa vie. A lire absolument.
Chère Elise, comment avez-vous connu Françoise d’Eaubonne ?
Certains de ses livres étaient présents dans la bibliothèque de mes parents. Et quand j’ai publié Ceci est mon sang, petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font (La Découverte, 2017), on m’a souvent identifiée comme écoféministe, ce que j’étais sûrement sans m’en rendre compte, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Par coïncidence, ou peut-être même en raison d’un complot de l’univers, on m’a beaucoup parlé de Françoise d’Eaubonne dans ce contexte, et je me suis souvenue qu’elle faisait partie des personnes (nombreuses !) dont j’avais pensé qu’il faudrait en écrire la biographie. En 2020, pour le centenaire de sa naissance, et au tout début de l’épidémie de covid, je me suis lancée.
Elle pensait que la libération des femmes était la condition sine qua non de toute révolution, et que derrière le socialisme ou le capitalisme, le patriarcat était la structure oppressive fondamentale, asservissant et exploitant à la fois les femmes et la nature.
Pouvez-vous nous parler de l’éco-féminisme qui revient aujourd’hui et en quoi Françoise d’Eaubonne a été une l’une des premières représentantes de ce courant ?
L’urgence climatique, la pandémie, mais aussi la nouvelle déferlante féministe et les luttes autochtones, partout dans le monde, ont créé un contexte qui a permis l’émergence de ce concept d’écoféminisme, en montrant la nécessité de lier les causes écologiste, sociale, antiraciste et féministe. Françoise d’Eaubonne, qui était une personnalité hors-normes, avait prévu ça dans plusieurs de ses livres, et forgé, dès 1974, le concept d’écoféminisme : elle pensait que la libération des femmes était la condition sine qua non de toute révolution, et que derrière le socialisme ou le capitalisme, le patriarcat était la structure oppressive fondamentale, asservissant et exploitant à la fois les femmes et la nature.
Elle est l’inventrice de 3 mots brûlants d’actualité : phallocrate, écoféminisme et sexocide. Comment expliquez-vous que la société française l’ait complètement oubliée ?
La première raison, c’est qu’elle est une femme. Leur rôle est systématiquement minoré, leur figure est invisibilisée. Ensuite, elle était une « franche tireuse », autodidacte, sans relais universitaire. Enfin, elle était dans un certain sens asociale, scandaleuse, sans compromis. Elle faisait peur, on la jugeait excessive.
Il y a aussi beaucoup d’ignorance autour du féminisme des années 1970 et j’avais envie de raconter la formidable aventure que cela avait été, qui est peu abordée dans la fiction ou même dans le documentaire
Que souhaitiez-vous révéler et transmettre dans cet ouvrage ?
J’ai voulu surtout montrer que nos libérations reposent sur l’audace, l’engagement, et même dans un certain sens les sacrifices de personnes qui ont tout donné à leur idéal. Il y a aussi beaucoup d’ignorance autour du féminisme des années 1970 et j’avais envie de raconter la formidable aventure que cela avait été, qui est peu abordée dans la fiction ou même dans le documentaire. La figure de Françoise d’Eaubonne, son caractère visionnaire, me fascinaient, j’avais envie de les partager pour regarder le monde d’aujourd’hui à travers ses yeux.
Françoise d’Eaubonne a été une autrice extrêmement prolifique ! Parmi ses livres, lesquels nous recommanderiez-vous de lire ?
Dans le top ten, je place évidemment Le Féminisme ou la mort, son essai fondateur sur l’écoféminisme réédité en 2020 avec une excellente préface de Myriam Bahaffou et Julie Gorecki aux éditions du Passager clandestin. Malheureusement, ses autres livres ne sont disponibles que sur le marché de l’occasion, comme son grand roman de science-fiction, Les Bergères de l’apocalypse, qui raconte la guerre des sexes et un monde sans hommes, ou encore ses nombreuses biographies, comme celle sur la reine Christine, ou La Couronne de sable sur la vie d’Isabelle Eberhardt, voire son livre sur Louise Michel, la Canaque, qui est de circonstance puisqu’on célèbre le 150e anniversaire de la Commune. Il faudra attendre l’automne pour que soit réédité son premier essai féministe chez Julliard, Le Complexe de Diane (1951).
L’Amazone Verte de Elise Thiébaut paru le 9 mars 2021 aux éditions Charleston est disponible ici.

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