À quoi pensez-vous quand vous entendez le mot “sage” ? Chez moi, il convoque immédiatement deux images : celle du vieux sage et celle de la petite fille sage. Deux clichés, très genrés, qui ne viennent pas de nulle part.
En cherchant la définition de ce mot dans plusieurs dictionnaires, je me suis d’abord confrontée à cette réalité : lorsqu’il s’agit d’un nom, “sage” n’existe qu’au masculin. Selon le Larousse, un sage est, “dans l’Antiquité, un homme réputé pour ses connaissances, son expérience, son jugement, et dont les avis sont écoutés”. Du côté du Robert, il est celui “qui a un art de vivre supérieur, qui peut être considéré comme un modèle”. Le Centre national de ressources textuelles et lexicales le définit aussi comme “celui qui possède la connaissance, cherche le vrai et le bien ; celui qui conforme sa vie à une doctrine morale”. Et lorsqu’il s’agit de citer des exemples, l’encyclopédie en ligne Wikipedia met en avant Socrate, “archétype du sage antique”, mais aussi les figures de “sage dans la Bible”, “sage dans les traditions spirituelles issues de l’Inde ancienne”, “sage des temps modernes”… Bref, des figures d’hommes et uniquement d’hommes.
Quand le mot “sage” est associé au féminin, il n’a plus valeur de nom mais d’adjectif. Est “sage” la personne “qui se comporte avec calme, docilité”, ou ce “qui est conforme à cette pudeur, à cette réserve”. L’exemple du Larousse ? “Une petite robe sage”, bien sûr. Un “petit” exemple qui en dit long sur la grande portée sexiste de ce mot limitant.
M’est apparu une exception : Grand-mère Feuillage dans Pocahontas. Mais comme son nom l’indique (presque), ce personnage est un tronc d’arbre. Alors, même si sa chanson “Que Que Natura” était un banger avant l’heure, vous conviendrez que nous méritons mieux, en termes de représentations.
Parce que l’un des stéréotypes de genre les plus fréquents au sujet des femmes voudrait que nous soyons moins raisonnables que les hommes car incapables de gérer nos émotions et absolument contrôlées par nos hormones, notre langue française elle-même nous ôte la possibilité d’être associée à la sagesse. D’être des Sages avec un grand S, comme Sexisme. Ce sexisme qui, en revanche, attend de nous que soyons dociles, éternellement coincées dans nos “petites” chaussettes blanches, nos “petites” jupes plissées et coiffées de “petites” nattes.
Être sage, pour un homme, signifie “dépasser les facultés ou dispositions de la nature humaine tant en ce qui concerne la connaissance que l’action” (Wikipedia).
À cela je dis non. Il suffit. Rébellion !
C’est pourquoi, deux fois par mois, j’inviterai des femmes que j’admire à s’exprimer sur leur définition du mot “sage” : l’ont-elles été ? Le sont-elles toujours ? Toujours trop ?
Ce sera “L’interview (pas) sage”, à découvrir sur Le Prescripteur.
À bientôt 😉